Garantir l’accès de tous les enfants à des collations et des repas sains chaque jour d’école : tel est l’objectif que s’est fixé Ottawa. En 2024, le gouvernement fédéral a lancé le Programme national d’alimentation scolaire du Canada et investi un milliard de dollars sur cinq ans.

Ça donne un coup de pouce, mais les fonds fédéraux demeurent insuffisants pour créer des programmes d’alimentation scolaire universels, accessibles à tous les élèves, dans toutes les écoles.
Elle explique que les provinces et les territoires, «confrontés à une demande grandissante et à une augmentation du cout des aliments», sont obligés de se concentrer sur «les régions où les besoins sont les plus grands, où les milieux sont les plus défavorisés».
De son côté, la conseillère en communications corporatives au sein du Club des petits déjeuners, Marilou Charbonneau, note ces dernières années une hausse de 30 % de l’utilisation des programmes que l’organisme de bienfaisance propose dans les écoles. «Les familles ont de plus en plus de difficultés à rejoindre les deux bouts», constate-t-elle.
Le Club offre des déjeuners, «équilibrés, composés de fruits, de grains entiers et d’aliments protéinés», détaille-t-elle. Quelque 880 000 enfants dans 4900 écoles à travers le pays en bénéficient.
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Sous-investissements en Saskatchewan et en Ontario
Depuis 2024, les 13 gouvernements provinciaux et territoriaux ont signé des accords avec le fédéral afin de recevoir des financements additionnels à ce qu’ils investissaient déjà.

Carolyn Webb regrette que la plupart des écoles élémentaires en Ontario n’aient pas de cuisine qui leur permet de préparer des déjeuners et des diners sur place.
«Ça impulse une direction et une vision aux programmes d’alimentation scolaire provinciaux et territoriaux. Il y a désormais davantage de normes et des objectifs à mesurer», salue la coordinatrice du Réseau ontarien d’éducation alimentaire (traduction libre pour Ontario Edible Education Network), Carolyn Webb.
«Des projets locaux ont été mis sur pied un peu partout, avec des approches pédagogiques et un focus mis sur la santé, l’achat de produits frais et locaux», appuie la vice-présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Johanne Lacombe.
Toutes les régions du pays ne partent pas sur un pied d’égalité. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador sont les provinces qui financent le plus les programmes de repas scolaires, tandis que la Saskatchewan et l’Ontario occupent le bas du classement.
En 2025, le gouvernement ontarien consacre 0,09 $ par jour et par élève à l’alimentation des élèves, celui de la Saskatchewan 0,03 $, alors qu’à l’autre bout du spectre les autorités néoécossaises y dédient 3,30 $ et celles de Terre-Neuve-et-Labrador 3,16 $.
Programme de repas universel à l’Île-du-Prince-Édouard
Si la Saskatchewan ne dispose d’aucun programme provincial d’alimentation scolaire, celui existant en Ontario «ne couvre pas l’étendue des besoins grandissants et la plupart des écoles n’offrent pas de diners», déplore Danie Martin.
Carolyn Webb estime également que la plupart des enfants ontariens «ne reçoivent pas de repas sains».
Les écoles et les organismes ne peuvent fournir des collations qu’une ou deux fois par semaine, et encore, c’est souvent une barre de granola et une demi-pomme pour la journée.
La Ville de Toronto s’est néanmoins engagée à offrir un repas du matin universel à tous les élèves d’ici septembre 2026 et un autre le midi d’ici 2030.

«Les programmes d’alimentation scolaire doivent être inclusifs, équitables et accessibles à tous les enfants, sans égard à leur statut économique», considère Johanne Lacombe de la FNCSF.
À l’inverse, avec son programme de diners à contribution volontaire, proposé à tous les enfants dans toutes les écoles depuis 2021, l’Île-du-Prince-Édouard fait figure de modèle. La Nouvelle-Écosse voisine a lancé une initiative similaire en 2024.
Pour le moment, 255 écoles élémentaires néoécossaises y participent, mais le gouvernement a annoncé 61,3 millions de dollars supplémentaires dans le budget 2025 afin d’étendre l’initiative à 77 écoles intermédiaires.
Dans l’ouest, le Manitoba dispose lui aussi d’un programme alimentaire scolaire universel, tandis que la Colombie-Britannique a mis sur pied un plan de financement spécifique appelé Feeding Futures.
En Colombie-Britannique, l’école francophone Victor-Brodeur a été capable de distribuer cette année 200 repas quotidiens entre 4 et 6 $, préparés et servis par des étudiants du secondaire, rapporte Johanne Lacombe.
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Un jeune sur trois en situation d’insécurité alimentaire
La professeure de nutrition à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Jennifer Taylor, estime cependant que «ces avancées positives» ne résoudront pas le problème structurel de l’insécurité alimentaire.
Aujourd’hui, un jeune canadien de moins de 18 ans sur trois ne mange pas à sa faim ou sa nourriture n’est pas équilibrée, parce que dans son foyer, on manque d’argent.
Offrir un déjeuner ou un diner gratuit, cinq jours par semaine, pendant l’année scolaire «peut certainement contribuer à réduire la faim immédiate, aider les élèves à mieux apprendre, à améliorer leur assiduité et même leur humeur et leur comportement», observe la chercheuse.
Mais cela ne résoudra pas un problème social qui trouve son origine dans l’insuffisance des revenus. Les familles ne peuvent pas faire face aux chocs liés à la hausse des prix des produits alimentaires, du carburant, à la crise du logement.
L’universitaire recommande plutôt de «mettre plus d’argent dans la poche des gens». Elle propose d’augmenter le salaire minimum ou encore les prestations d’aide sociale et d’assurance-emploi.
La professeure émérite au département des sciences de la nutrition de l’Université de Toronto, Valerie Tarasuk, appelle de la même manière à «un changement de politique sociale audacieux».
«Il faut augmenter le montant de l’allocation canadienne pour enfants pour les familles les plus en difficulté, notamment les mères célibataires, qui souffrent le plus d’insécurité alimentaire», conclut-elle.