Le gouvernement du Québec souhaite attirer des étudiants étrangers à l’extérieur de sa métropole pour y faire des études dans les secteurs économiques où il y a une pénurie de main-d’œuvre, soit en technologies de l’information, en génie, en santé, dans les services sociaux, en éducation et dans les services de garde d’enfants.
À partir de septembre 2023, le gouvernement du Québec imposera les mêmes droits de scolarité à ces étudiants qu’à leurs homologues québécois. Autrement dit, le Québec offrira à des étudiants étrangers la gratuité scolaire dans des cégeps et leur exigera seulement 3000 $ par an dans certains programmes de premier cycle universitaire.
À titre de comparaison, les étudiants étrangers au Nouveau-Brunswick paient annuellement 15 000 $ au premier cycle à l’Université de Moncton (U de M) et 9500 $ au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB).
Par cette nouvelle mesure, le Québec souhaite ainsi attirer 1200 étudiants dans les régions de sa province d’ici quatre ans (à noter qu’il a accueilli 62 400 étudiants étrangers au total en 2021). Il y investira 80 millions $.
Dans la Belle Province, le cout moyen annuel pour un étudiant non canadien sans exemption tarifaire s’élève en effet à près de 17 000 $ au niveau collégial et à quelque 24 000 $ au premier cycle universitaire.
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Importance des étudiants étrangers

Denis Prud’homme, recteur de l’U de M.
La décision du gouvernement québécois inquiète l’U de M et le CCNB. Elle pourrait entrainer des répercussions à long terme sur les universités et les collèges francophones hors Québec, selon les directions des deux établissements.
Les étudiants étrangers comptent beaucoup pour elles. Environ le tiers des 2250 étudiants du CCNB sont étrangers. La proportion est de 27 % à l’U de M.
D’ailleurs, le recteur de l’U de M, Denis Prud’homme, a déclaré en juin 2021 que le recrutement d’étudiants internationaux était l’une des seules façons d’augmenter les faibles revenus de son établissement.
«Cette annonce [du Québec] pourrait à la fois réduire nos capacités respectives de répondre aux besoins de main-d’œuvre dans des secteurs prioritaires du Nouveau-Brunswick, ainsi que nos capacités à contribuer activement à l’immigration francophone dans la province», précise un communiqué émis conjointement par Denis Prud’homme et Pierre Zundel, PDG du CCNB.

Alexandre Cédric Doucet, président de la SANB.
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) a également des craintes.
«Bien que ce soit une excellente initiative du gouvernement québécois pour sa propre province, ça risque d’avoir des répercussions au niveau des institutions postsecondaires et du recrutement des immigrants francophones en général au Nouveau-Brunswick», déplore Alexandre Cédric Doucet, président de la SANB.
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Stratégies néobrunswickoises
Le ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du Nouveau-Brunswick rappelle avoir signé une entente avec l’U de M qui devrait augmenter le nombre d’étudiants étrangers inscrits au programme de sciences infirmières de l’université grâce à l’attribution de bourses.
«Le ministère travaille également avec ses partenaires du milieu de l’éducation postsecondaire pour élaborer d’autres stratégies visant à améliorer les efforts de recrutement et de rétention des étudiants internationaux au Nouveau-Brunswick», assure l’agente des communications Geneviève Mallet-Chiasson.
En attendant, les directions du CCNB et de l’U de M affirment avoir prévu des discussions avec le gouvernement du Québec, afin de trouver «une solution équitable pour assurer la vitalité des communautés francophones en contexte minoritaire au Canada».
Récemment, le gouvernement de François Legault a accepté de ramener les droits de scolarité des francophones canadiens hors Québec au même niveau que celui des étudiants québécois pour les programmes qui n’existent pas en français dans le reste du Canada.
«C’est une victoire. Nous sommes arrivés à un libellé sur lequel tout le monde s’entendait», se réjouit Alexandre Cédric Doucet à propos du projet de loi 96, adopté par l’Assemblée nationale du Québec le 24 mai.
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La SANB craint néanmoins que le Québec incite les Franco-Canadiens à se détourner de l’U de M en leur accordant des tarifs avantageux dans ses établissements postsecondaires.