le Samedi 19 avril 2025
le Jeudi 1 avril 2021 15:54 Éducation

À quoi doit servir l’école en 2021?

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Trois écoles acadiennes «prototypes» se sont attelées à un défi de taille : réinventer les établissements scolaires pour en faire des milieux d’apprentissage stimulants. — Julia M. Cameron - Pexels
Trois écoles acadiennes «prototypes» se sont attelées à un défi de taille : réinventer les établissements scolaires pour en faire des milieux d’apprentissage stimulants.
Julia M. Cameron - Pexels
ACADIE NOUVELLE (Nouveau-Brunswick) – Le système d’éducation francophone n’a jamais autant cherché à se réinventer. L’Acadie Nouvelle présente la révolution en marche dans les salles de classe.  Trois écoles acadiennes «prototypes» se sont attelées à un défi de taille : réinventer les établissements scolaires pour en faire des milieux d’apprentissage stimulants. Mission réussie? Rencontre avec des éducateurs allumés, déterminés à dépoussiérer l’enseignement traditionnel.
À quoi doit servir l’école en 2021?
00:00 00:00

Le rôle de l’école s’est longtemps cantonné à la transmission verticale de savoirs académiques. L’image de l’enseignant dispensant son cours devant des rangées d’enfants silencieux est désormais loin derrière nous. Les nouvelles méthodes pédagogiques font la part belle aux projets initiés par les élèves, à l’expérimentation et au travail d’équipe.

Mettre l’élève au cœur de ses apprentissages

Jusqu’ici focalisé sur l’absorption et le contrôle des connaissances, l’enseignement s’oriente vers le développement de compétences.

Au cours des trois dernières années, l’école Le Mascaret, à Moncton, l’école Grande-Rivière, à Saint-Léonard, et l’école Le Tremplin, à Tracadie, ont reçu le mandat d’imaginer ce changement d’approche et de l’adopter au quotidien.

À l’école Le Mascaret, l’apprentissage par projets est devenu la norme, décrit le directeur de l’établissement, Serge Boucher.

«On parle de tâches authentiques, de situations complexes qui amènent l’élève à se poser des questions et à trouver des solutions. Ça peut commencer par la présentation du thème de la pollution par l’enseignement et déboucher sur la mise en œuvre par les élèves d’un système de recyclage dans l’école. Un élève intéressé par l’audiovisuel pourra produire une vidéo de sensibilisation, un autre passionné par le bricolage pourra décider de construire quelque chose…»

Projets concrets

À l’école Le Tremplin, on propose de plus en plus aux jeunes de transposer la matière en projets concrets et de travailler de manière relativement autonome sur la résolution de problèmes qu’ils ont identifiés dans leur communauté.

Yannick, élève de 7e année, tente ainsi de créer des pancartes qui seront installées sur la piste cyclable de Tracadie pour inciter les promeneurs sur deux roues à porter le casque. À travers sa démarche, il découvre la conception graphique et apprend à solliciter des commanditaires.

Justin, lui, a rédigé avec d’autres camarades une lettre à la municipalité proposant l’installation de jeux d’eau sur son territoire. Leur requête est remontée jusqu’aux conseillers qui ont échangé sur la question lors d’une réunion publique. «Ils vont y penser à l’avenir, peut-être que ça va marcher», espère l’adolescent.

Toutes les idées n’aboutissent pas, mais sans qu’il s’en aperçoive, l’élève a travaillé l’écriture, la communication, il s’est initié au fonctionnement d’un conseil municipal.

— Jérôme Roy, l’un des enseignants à l'école Le Tremplin

Ici, un groupe a décidé d’apprendre à faire fonctionner une imprimante 3D pour la conception de cabanes à oiseaux. Là, une équipe de journalistes en herbe s’est attelée à la conception d’un journal étudiant.

«Il peut y avoir 20 projets différents dans une même classe. Ce qui est intéressant, c’est que tout part des élèves, de leurs intérêts, de leurs envies», souligne Denise McWilliams.

L’enseignante de 7e année est convaincue qu’en participant à la conception de produits et à la prise de décisions, les jeunes se préparent mieux à faire un choix de carrière et apprennent à mieux se connaitre.

«Certains élèves qui ne se démarquaient pas lors de cours magistraux démontrent des qualités qu’on n’aurait pas vues autrement», observe également la directrice de l’école, Cynthia St-Cœur.

De conférencier à facilitateur, le métier d’enseignant se transforme

À l’heure du bilan, Serge Boucher constate que ce virage a sollicité une plus grande collaboration entre les enseignants et favorisé l’interdisciplinarité. À ses yeux, l’expérimentation est le meilleur moyen d’incarner une connaissance et de susciter l’engagement.

On voulait que les élèves arrêtent de se demander “Pourquoi fait-on ceci?”. L’idée, c’est qu’ils entrent en action et puissent construire eux-mêmes leurs apprentissages en faisant ce qu’ils aiment. On voit une plus grande motivation chez les élèves parce qu’on essaie de donner à chacun la chance de toucher à ses intérêts et de démontrer ses forces.

— Serge Boucher, directeur de l'école Le Mascaret
Simon Delattre

Plutôt que de suivre un programme figé, défini, les enseignants sont amenés à accompagner les initiatives des élèves et à partir de leurs questionnements. Faire preuve de souplesse et garder l’esprit ouvert sont les nouveaux mots d’ordre.

«À la place d’être celui qui transmet la matière, l’enseignant devient plutôt un guide, résume Jérôme Roy. Ce n’est pas toujours évident parce que nous avons été formés à être ceux qui transmettent un savoir en avant de la classe. Il faut maintenant partager ce pouvoir et donner le choix à l’élève.»

«Un changement en profondeur»

«Je ne crois pas que nos enfants soient capables de rester assis des heures et des heures. Nos enfants sont des créateurs, ils ont besoin de se servir de leur tête et de leurs mains pour résoudre des problèmes et apporter des solutions aux défis de notre monde!»

Comme tant d’acteurs du monde de l’éducation, Ginette Duguay estime qu’il est plus que jamais nécessaire que nous nous demandions collectivement quelle école nous voulons pour nos enfants.

À quelques mois de son départ à la retraite, la mentore en littératie au District scolaire francophone Nord-Est se félicite de voir un nouveau paradigme s’ancrer dans les pratiques éducatives.

L’enseignement par compétences est un changement en profondeur du système.

— Ginette Duguay, mentore en littératie

En résumé, l’idée est de confronter l’élève à une situation complexe qui part d’un questionnement, d’un enjeu ou d’un défi vécu. Pour la résoudre, ce dernier peut être amené à explorer différents usages de la technologie, intégrer la créativité et l’innovation dans ses essais, faire appel à des experts, collaborer avec ses pairs, analyser l’information et vérifier les sources…

«Nous allons continuer à enseigner le français et les mathématiques, mais nous allons peut-être contextualiser davantage la matière, expose Ginette Duguay. Les enfants veulent écrire sur les choses qui les intéressent, ça fait toute la différence. Notre rôle, c’est de trouver ce qui les allume.»

Proposer aux apprenants d’expérimenter et de travailler sur des problèmes réels, les incite à explorer le monde et ses possibilités, complète Viktor Freiman, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton.

«On cherche à rebâtir la confiance des jeunes en leurs capacités en stimulant leur créativité, décrit-il. Parfois, on a l’impression qu’ils jouent, mais c’est lorsqu’ils créent des prototypes qu’ils évoluent et développent des capacités de raisonnement.»

En tout cas, les enseignants prêts à secouer les habitudes ne manquent pas et leurs classes bouillonnent d’idées. Mario Levesque, agent de développement technologique pour l’organisme Place aux compétences, a pour mission de donner vie à leurs ambitieux projets de programmation informatique, de robotique ou d’impression 3D.

Il accompagne actuellement un groupe de 9e année de l’école secondaire Mathieu-Martin de Dieppe dans la construction de quatre chambres d’évasion aux allures de vaisseau spatial.

«Je leur ai présenté l’utilisation du microcontrôleur, ses possibilités, mais toutes les idées viennent d’eux. Ils font leurs propres recherches et s’occupent d’élaborer leurs énigmes et leur histoire, explique Mario Levesque. À travers cela, ils sont en train de découvrir le travail manuel du bois, l’électronique, la programmation, et devront peut-être faire une campagne de markéting pour promouvoir leur initiative.»

Bientôt, il assistera la classe de Michaël Gautreau, enseignant à l’école Carrefour de l’Acadie de Dieppe, dans la conception de panneaux lumineux modulaires intelligents (Nanoleafs) pour donner une nouvelle ambiance à leur environnement de travail.

Consultez le site du journal Acadie Nouvelle