On apprenait à la fin janvier que l’UOF n’avait reçu que 39 demandes d’admission, alors que son objectif était d’accueillir une cohorte de 200 étudiants en septembre 2021. Dix jours plus tard, le recteur de l’UOF quittait son poste, invoquant des raisons personnelles.
Puis, au début de la semaine, l’Université laurentienne a annoncé qu’elle se placerait à l’abri de ses créanciers puisqu’elle ferait face à d’importants problèmes de solvabilité.
Contactés par Francopresse, des représentants des partis d’opposition soutiennent qu’Ottawa devra jouer un rôle accru afin que ces services en français soient maintenus.
«Notre gouvernement comprend que les institutions telles que les établissements d’éducation postsecondaire sont au cœur des communautés de langue officielle en situation minoritaire. […] Nous allons continuer d’appuyer les institutions clés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, car l’avenir de nos deux langues officielles passe par des communautés fortes et épanouies», a répondu par courriel Catherine Mounier-Desrochers, attachée de presse au cabinet de la ministre des Langues officielles et du Développement économique, Mélanie Joly.
Pour le porte-parole des langues officielles du Parti conservateur du Canada (PCC), Alain Rayes, Ottawa se doit d’avoir des discussions avec les provinces par rapport au financement de l’éducation postsecondaire francophone : «La responsabilité du fédéral de s’assurer que les services soient offerts dans les deux langues officielles est dans la Constitution.»
Et là, on se rend compte qu’il y a beaucoup de problématiques en matière de financement et que les provinces vivent des moments difficiles.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau parti démocratique (NPD) et porte-parole du parti en matière de langues officielles, rappelle que le gouvernement fédéral a des responsabilités en la matière prévues par la Loi sur les langues officielles : «On est prêts à demander au gouvernement fédéral de s’assoir avec le gouvernement provincial de l’Ontario, et peut-être d’autres provinces, pour voir comment on peut exercer un rôle plus constructif, plus positif pour le maintien de ces services.»
Selon MM Rayes et Boulerice, l’implication du fédéral est d’autant plus cruciale à cause des effets délétères de la pandémie sur les institutions postsecondaires.
Annamie Paul, cheffe du Parti vert du Canada, rappelle que le gouvernement fédéral investit déjà de façon substantielle dans les systèmes d’éducation provinciaux et qu’Ottawa devrait «convoquer une réunion des différents niveaux de gouvernent pour discuter de comment protéger la culture et renforcer les institutions postsecondaires, y compris francophones».
Et si les provinces n’étaient pas au rendez-vous?
En octobre dernier, face aux difficultés financières du Campus Saint-Jean, la ministre Joly insistait pour que le soutien financier d’Ottawa soit conditionnel à des investissements de la part de la province.
«Ce serait idéal que les deux gouvernements poussent dans la même direction, croit Alexandre Boulerice, mais est-ce que c’est une ligne rouge ou une ligne dans le sable qu’on trace en disant “si le provincial n’investit pas, on ne fait rien”? Non, moi je pense que ce n’est pas une position responsable dans la perspective de soutenir les communautés francophones hors Québec.»

Alain Rayes ajoute qu’«à chaque fois qu’il y a eu des problèmes avec les universités, que ce soit en Alberta ou en Ontario, la ministre, Mme Joly, a toujours fait de la partisanerie en s’attaquant aux gouvernements provinciaux, ce qui est à mon avis une erreur parce qu’on devrait collaborer avec eux. C’est un enjeu qui est totalement non-partisan, je ne vois pas pourquoi ce serait un problème».
«Je ne vois pas pourquoi la ministre ne pourrait pas soutenir les provinces financièrement. Mais naturellement, puisque c’est une compétence provinciale, en aucun cas ça ne devrait être attaché à des conditions, mais plutôt à la responsabilité du fédéral d’offrir des services francophones en situation minoritaire», enchaine le député de Richmond—Arthabasca.
«L’accès à une éducation postsecondaire en français est un droit constitutionnel, et au final c’est le gouvernement fédéral qui a le plus haut niveau de responsabilité d’assurer la protection de nos droits constitutionnels», souligne Annamie Paul.
Quelqu’un doit prendre le premier pas, quelqu’un doit faire preuve de leadeurship.
«Et comme on voit que le système d’éducation francophone est dans un moment de crise, je crois qu’il serait très bien de voir le gouvernement fédéral et la ministre Joly prendre le rôle de leadeur et de convoquer ses homologues provinciaux pour discuter l’avenir de l’éducation postsecondaire francophone au Canada», conclut la cheffe des verts.

L’éducation postsecondaire francophone et le «livre blanc» sur les langues officielles
Pour Annamie Paul, «si on parle de moderniser notre système de soutien et renforcement des langues officielles, je ne vois pas comment ce serait possible de discuter ça sans inclure le futur des institutions postsecondaires […] Donc c’est essentiel que cette question soit abordée dans le livre blanc».
De son côté, Alain Rayes pense que «si la ministre était sérieuse dans sa démarche d’aider les francophones à l’extérieur du Québec, ça ferait longtemps qu’on aurait eu la modernisation de la Loi sur les langues officielles».
Selon Alexandre Boulerice, un livre blanc sur les langues officielles devrait comprendre des précisions sur «le rôle de soutien [du gouvernement fédéral] pour les francophones en situation minoritaire. […] Mais ce n’est pas le rôle du fédéral de dire comment on doit gérer les universités et quels programmes doivent être offerts aux étudiants. Il faut faire attention.»
Le député de Rosemont—La Petite-Patrie affirme d’ailleurs que la ministre Joly lui a confirmé par «communication personnelle» qu’elle travaillait sur un livre blanc sur les langues officielles, qui «allait arriver dans les prochaines semaines».
L’attachée de presse de la ministre Joly, Catherine Mounier-Desrochers, rappelle cependant que «la ministre n’a jamais parlé d’un livre blanc publiquement».