«Ce qui me manque le plus, c’est le contact avec les élèves de la 5e à la 8e année. Presque chaque jour de suppléance me plongeait dans une classe différente et la variété des élèves, dociles comme turbulents, était très enrichissante. Des yeux avides ou un sourire reconnaissant me motivaient constamment.»
Voilà ce qu’affirme Jacqueline Kelly, à la retraite après 38 ans d’enseignement et maintenant enseignante suppléante pour le District School Board of Niagara. Elle remplace régulièrement des collègues de la Central French Immersion Public School, à Grimsby.
«Malgré l’abrupte fin des cours après le congé de mars, j’ai quand même eu une bonne année, je n’ai pas de regrets», note Jacqueline. Elle demeure cependant convaincue qu’il est impossible de couvrir le même curriculum en ligne qu’en salle de classe. «Certains élèves seront malheureusement perdants.»
En prenant sa marche quotidienne, tôt le matin, elle a croisé par hasard un jeune de la 8e année qui désire écrire un roman. «Madame Kelly, Madame Kelly! a-t-il lancé à distance. Je dois vous dire que je continue d’écrire mon roman, avec l’aide d’un ou deux amis.» Rien de plus encourageant pour une enseignante, à temps plein ou en suppléance.

Nouveau pour tout le monde
La fille de Jacqueline Kelly enseigne aussi dans le système public anglophone. Rachelle Jessel enseigne le français langue seconde aux élèves de la 6e, 7e et 8e année à la Florence Meares Public School, à Burlington (Halton District School Board). Elle avoue tout de go que «ni le conseil scolaire, ni les enseignants, ni les élèves, ni les parents n’étaient préparés au travail en ligne. Tout était nouveau pour tout le monde.»
Le conseil scolaire a offert des ateliers de formation et a rendu possibles des forums d’échange entre enseignants, «mais la situation reste bizarre, note Rachelle ; le rapport n’est plus le même, ce qui pèse lourd pour un cours de français langue seconde, par exemple.»
Selon Madame Jessel, dans une école de langue anglaise, l’échange personnel en face à face demeure particulièrement important dans un cours de français. «Le niveau d’indépendance n’est pas le même que dans les autres matières, précise-t-elle. Les aides visuels et les jeux linguistiques en groupe aident à garder la motivation.»

«Faites ce que vous pouvez!»
En Ontario, depuis la fermeture des écoles, les élèves du cycle moyen (4e-6e années) doivent consacrer cinq heures par semaine au travail chez soi ; c’est le double pour ceux du cycle intermédiaire (7e-8e années). Rachelle Jessel rapporte que son conseil scolaire a dit «faites ce que vous pouvez!»
La situation varie d’une famille à l’autre, selon que les parents sont eux aussi en télétravail. «Certains choisissent de prioriser l’anglais et les mathématiques, parce que c’est ce qu’ils peuvent faire en ce moment, note Rachelle. Chaque élève sera à un niveau différent dans son apprentissage [au retour en classe].»
«Les enseignants, les élèves et les parents font de leur mieux, ajoute-t-elle. En septembre, nous identifierons où les élèves sont rendus dans leur apprentissage et continuerons à les appuyer dans leur cheminement.»
À titre informatif, l’Ontario compte 76 conseils scolaires répartis comme suit : 34 conseils publics de langue anglaise, 4 conseils publics de langue française, 29 conseils catholiques de langue anglaise, 8 conseils catholiques de langue française et un conseil protestant de langue anglaise.