le Lundi 29 septembre 2025
le Lundi 29 septembre 2025 6:30 Économie et finances

Les travailleurs étrangers temporaires «ne volent pas les jobs»

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Pierre Poilievre a affirmé que si les jeunes ne trouvaient pas de travail, dans le contexte actuel du plus fort taux de chômage depuis 2016, c’est parce que les travailleurs étrangers temporaires «volent» des opportunités. «Faux», affirment un employeur et plusieurs mouvements de défense des travailleurs.  — Photo : Aldin Nasrun – Unsplash
Pierre Poilievre a affirmé que si les jeunes ne trouvaient pas de travail, dans le contexte actuel du plus fort taux de chômage depuis 2016, c’est parce que les travailleurs étrangers temporaires «volent» des opportunités. «Faux», affirment un employeur et plusieurs mouvements de défense des travailleurs.
Photo : Aldin Nasrun – Unsplash

FRANCOPRESSE – Selon le Parti conservateur, il faudrait supprimer le Programme des travailleurs étrangers temporaires, car cette main-d’œuvre «vole» des emplois aux Canadiens et Canadiennes, notamment aux jeunes. Un point de vue «erroné», selon un employeur du secteur du homard et une organisation syndicale.

Les travailleurs étrangers temporaires «ne volent pas les jobs»
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Le sujet est revenu dans le débat parlementaire depuis que le Parti conservateur de Pierre Poilievre a annoncé vouloir supprimer le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), le 3 septembre dernier.

Dans un communiqué, le parti affirme que ce programme «fait baisser les salaires et prive les jeunes Canadiens d’opportunités».

Pour Nathanaël Richard, directeur général de l’Association des transformateurs de homard des Maritimes, au Nouveau-Brunswick, qui représente 25 entreprises de transformation, Pierre Poilievre surfe sur «le discours ambiant» anti-immigration et le fait que le taux de chômage est monté à 7,1 % en aout.

Il s’agit du plus haut niveau depuis 2016 hors pandémie, alors que l’économie canadienne a perdu 66 000 emplois, selon Statistique Canada.

À lire aussi : L’immigration, bouc émissaire de la pénurie d’emploi pour les jeunes

Pendant une campagne commune, des intervenants comme Julie Lampron-Lemire, de la Confédération nationale des syndicats, ont appelé le gouvernement à réformer en profondeur le système pour mettre fin à l’exploitation, pour que les travailleurs étrangers bénéficient des «mêmes droits» que les Canadiens et Canadiennes.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Double discours

«C’est un peu étrange de voir qu’on accuse ces travailleurs de voler les emplois quand ils ont été aussi essentiels pendant la pandémie», remarque la conseillère aux communications à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Julie Lampron-Lemire.

Celle-ci était présente à une conférence de presse pour demander la réforme des visas des travailleurs étrangers au Parlement le 23 septembre. En réponse à une question de Francopresse, elle a affirmé que ces personnes ne volent pas d’emplois; elles pourvoient des postes vacants faute de main-d’œuvre locale.

Le resserrement de l’an dernier pour les visas des travailleurs étrangers temporaires «oblige par exemple des résidences pour ainés à fermer des étages», ajoute Julie Lampron-Lemire.

À ses yeux, avec ce genre de décision, le gouvernement canadien ignore «les besoins réels du Canada et les compétences de ces employés», et «fragilise des secteurs déjà en pénurie».

À lire aussi : Les employeurs francophones pourraient regretter le resserrement de l’immigration temporaire

«Potentiel de fermeture»

Nathanaël Richard, de son côté, n’est pas «surpris» par l’annonce conservatrice, mais il reste «très inquiet» : «On est en sous-capacité chronique de main-d’œuvre, malgré tous les efforts que les usines de transformation déploient pour embaucher plus de Canadiens.»

«En très grande partie, les Canadiens déconsidèrent ce genre de travail» et choisissent de ne pas occuper des postes qui demandent un travail manuel, poursuit-il.

Le directeur affirme aussi que le vieillissement de la population canadienne fait qu’il «n’y a pas de remplacement pour beaucoup de nos travailleurs».

«Mais il est clair qu’il y a des milliers de travailleurs internationaux qui viennent épauler nos travailleurs canadiens, nuance-t-il. Je ne pense pas que c’est exagéré de parler de potentielles fermetures d’usines dans un scénario où on n’aurait plus accès à ces travailleurs. Certainement, on verrait une capacité de transformation qui s’effondrerait.»

Le Nouveau-Brunswick a eu un aperçu d’un scénario où le nombre de travailleurs étrangers était limité lorsque l’ancien premier ministre de la province, Blaine Higgs, a interdit aux entreprises de recruter des travailleurs et travailleuses de l’étranger, pendant la pandémie en 2020.

Il affirme que d’après le raisonnement du gouvernement Higgs, les Néobrunswickois allaient remplacer les travailleurs étrangers temporaires à leur poste.

«Ça a été un désastre, témoigne Nathanaël Richard. Cette année-là, toutes les usines du Nouveau-Brunswick étaient à court de travailleurs. La capacité de production avait diminué, selon l’usine, entre 30 et 50 %. Ça a été extrêmement difficile.»

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Infractions des droits de la personne

En marge de la conférence de presse du 23 septembre, un intervenant pour les droits des migrants a expliqué à Francopresse, que, lorsqu’une personne est poussée par la pauvreté, elle «n’a parfois pas le choix d’immigrer et de travailler ailleurs».

Sa perception et celle de ses collègues présents à la conférence de presse, c’est que l’objectif des entreprises reste d’abord de se faire du profit sur le dos des immigrants dans des conditions indignes et inhumaines.

Garder le programme oui, mais pas tel quel, défendent d’une même voix plusieurs organisations, dont Amnistie internationale Canada, cette semaine au Parlement. Elles réclament un statut de travail semblable à celui des Canadiens et Canadiennes, «dans des conditions dignes».

Les permis de travail qui lient actuellement des travailleurs étrangers à des employeurs peuvent mener à des abus voire à des violations des droits de la personne. Les médias ont rapporté des cas d’employeurs qui ont maltraité des travailleurs étrangers, qui les ont logés dans des conditions inhumaines ou qui les ont exploités en les payant insuffisamment.

À lire aussi : L’embauche des travailleurs étrangers temporaires facilitée, mais pas leur protection

Selon Nathanaël Richard, «si des employeurs ne sont pas exemplaires au niveau des conditions de travail des travailleurs étrangers, il faut qu’ils soient sanctionnés, et dans les cas extrêmes, il faut qu’ils soient exclus du programme». 

Photo : Daniel St-Louis

La raison d’être du permis fermé

Quant à la possibilité d’accorder aux travailleurs et travailleuses de l’étranger le droit de changer d’emploi, Nathanaël Richard rappelle que ce permis temporaire fermé, qui lie les travailleurs et travailleuses à l’employeur, a été créé pour des emplois saisonniers, ce qui est la nature même de son industrie.  

De fait, selon lui, ces personnes préfèrent souvent avoir un permis de travail fermé pour venir travailler une saison et rentrer chez elles.

Avec un processus «lourd d’un point de vue administratif», qui débute six mois avant la saison, le directeur estime que les permis de travail ouverts comportent le risque que les personnes recrutées laissent tomber leur employeur ou employeuse à la dernière minute en arrivant sur le territoire canadien.

Selon lui, les discours des organisations qui militent pour des permis ne liant pas les travailleurs étrangers à des employeurs précis sont «déconnectés de la réalité».

«Fort taux de rétention»

Nathanaël Richard affirme qu’il y a un fort «taux de rétention» des travailleurs étrangers dans les usines qu’ils représentent.

«Beaucoup de ces travailleurs recrutent des amis, des membres de leur famille, demeurent avec le même employeur d’année en année. Donc, si les conditions de travail étaient aussi mauvaises que certains critiques laissent entendre, pensez-vous vraiment que ces travailleurs feraient ce choix?»

Si Nathanaël Richard appelle à «beaucoup plus de nuances», il concède toutefois qu’il «peut y avoir des mauvais employeurs».

«Là-dessus, il faut être absolument intraitable : s’il y a des employeurs qui ne se conforment pas au règlement, ils ne devraient pas participer au programme, ils devraient en être exclus. On a vu quelques exemples de ça dans notre secteur et dans d’autres.»

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Déclaration sur les sources et la méthode:

Déclaration IA : Le présent article a été rédigé par une journaliste. Un outil d’intelligence artificielle a servi à la transcription des entrevues. La journaliste a révisé l’exactitude des extraits utilisés.

Données de parution:

Ottawa

Inès Lombardo

Correspondante parlementaire

Adresse électronique: