En déplacement à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le lundi 31 mars, le chef du Parti conservateur du Canada (PCC) s’est engagé à créer un «corridor énergétique national» afin d’accélérer les projets de chemins de fer, d’oléoducs et d’autres infrastructures commerciales.

«Transporter de l’énergie de l’ouest vers l’est pour l’exporter, c’est vraiment urgent vu la situation avec les États-Unis. On est prêts à rentrer dans le projet», affirme Terry Richardson.
Ce corridor permettrait de transporter les ressources naturelles canadiennes à l’intérieur du pays et «ailleurs dans le monde», tout en «contournant le marché américain», a expliqué Pierre Poilievre.
«Un nouveau gouvernement conservateur […] va donner le feu vert aux projets énergétiques et acheminer nos produits à travers notre pays est-ouest, y compris en Europe. C’est comme ça que nous allons déclarer notre indépendance des Américains», a-t-il souligné.
La proposition conservatrice rejoint celle du chef du Parti libéral du Canada (PLC), Mark Carney. Juste avant le début de la campagne électorale, le premier ministre sortant s’était entendu avec ses homologues provinciaux pour créer un corridor national.
Là aussi, l’objectif est de faciliter le transport et l’exportation du pétrole, du gaz, des produits agricoles, de l’électricité et des minéraux critiques.
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Le chef de la Première Nation Pabineau au Nouveau-Brunswick, Terry Richardson, accueille favorablement de telles propositions : «Si les Premières Nations sont associées dès le début, c’est une bonne façon de faire pour éviter notre voisin du Sud. Nous sommes prêts à nous impliquer.»

Le chercheur Yann Fournis note un «repositionnement politique» des libéraux qui «mordent sur la cour des conservateurs», en ce qui concerne leur stratégie de croissance économique.
Le doyen de la faculté de sciences sociales et d’administration de l’Université Mount Allison au Nouveau-Brunswick, Yves Bourgeois, parle de «gros morceaux pour l’économie canadienne» et de leviers qui permettraient de générer «des retombées économiques importantes» et de créer des milliers d’emplois pendant la phase de construction.
Pierre Poilievre propose que les projets d’infrastructures soient regroupés le long d’un tracé qui serait évalué et approuvé à l’avance. Les Premières Nations seraient également impliquées et leur approbation serait obtenue avant toute dépense pour garantir qu’elles en tirent des avantages économiques.
Lors d’une conférence de presse organisée à St. John’s, à Terre-Neuve, le mardi 1er avril, le chef conservateur a promis de fixer un délai maximal de six mois pour l’approbation des demandes de «projets de ressources». Il s’engage par ailleurs à ce que des recherches sur les impacts environnementaux soient menées.
Cependant, il veut abroger le projet de loi C-69, devenu la Loi sur l’évaluation d’impact. Celle-ci exige des autorités fédérales qu’elles limitent les impacts négatifs potentiels sur l’environnement et les communautés autour des projets de ressources et d’infrastructures.
Le chef libéral Mark Carney souhaite lui aussi alléger les procédures d’évaluation environnementale. Il veut notamment éviter que l’évaluation fédérale s’ajoute à la procédure d’examen pouvant exister dans les provinces.
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«Risque de dérapage» en l’absence de «consentement social»
«En redonnant le pouvoir aux provinces, Mark Carney veut rapprocher la prise de décisions des citoyens afin de susciter plus facilement un consensus, analyse le professeur de science politique à l’Université du Québec à Rimouski, Yann Fournis. Mais dans certaines provinces, je ne suis pas sûr que la population se laissera convaincre que c’est la bonne chose à faire.»
Pour le chercheur, les corridors annoncés s’apparentent à des «projets omnibus» qui existent déjà dans l’Ouest canadien et en Australie : «Ils rassemblent plusieurs types de marchandises et de ressources pour lesquelles les problématiques et les contestations sont très différentes.»

«Si nous avions une stratégie d’infrastructure énergétique à l’échelle nationale, nous aurions encore plus de retombées économiques positives, car nous avons beaucoup trop délaissé ce secteur ces dernières années», considère Yves Bourgeois.
«Ce nouveau cadre juridique où les évaluations environnementales et les consultations seront menées plus rapidement est piégeux. Il s’expose à des risques de protestations extrêmement vives, prévient-il. Le cout politique peut être très important et la bataille de l’opinion perdue à long terme.»
Yves Bourgeois reconnait le «risque de dérapage» en l’absence de «consentement social». À ses yeux, le régime d’autorisation actuel doit néanmoins être assoupli et les règles allégées.
«Je ne dis pas d’y mettre fin, mais il faut trouver une meilleure façon de procéder. Aujourd’hui, ça peut prendre des années pour qu’un projet soit approuvé, la compétitivité de l’économie canadienne en souffre», estime-t-il.
Il plaide en faveur d’«un cadre plus clair» qui n’oblige pas «à réinventer la roue à chaque fois.»
En attendant, les conservateurs cherchent à ressusciter plusieurs projets énergétiques abandonnés sous les libéraux, dont Énergie Est et GNL Québec, au Saguenay.
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Saint-Jean, ville canadienne la plus vulnérable aux tarifs
La ville de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, serait la ville canadienne la plus durement touchée par l’imposition de droits de douane par les États-Unis, selon une étude de la Chambre de commerce du Canada.
Saint-Jean abrite en effet la plus grande raffinerie de pétrole brut au pays : elle peut traiter plus de 320 000 barils par jour et plus de 80 % de ce pétrole est exporté au sud de la frontière.