le Vendredi 9 mai 2025
le Jeudi 6 février 2025 11:42 Économie et finances

Commerce interprovincial : le Canada avance, tarifs ou non

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
Des recommandations formulées par le Comité sur le commerce intérieur ont obtenu l’accord unanime des représentants du fédéral, des provinces et des territoires.  — Photo : Martin Lopatka – Wikimedia Commons – CC_BY-SA_2.0
Des recommandations formulées par le Comité sur le commerce intérieur ont obtenu l’accord unanime des représentants du fédéral, des provinces et des territoires.
Photo : Martin Lopatka – Wikimedia Commons – CC_BY-SA_2.0
FRANCOPRESSE – La levée des barrières au commerce interprovincial fait partie de la réponse canadienne à la menace tarifaire de Donald Trump. Elle continuera, qu’il y ait des tarifs ou non, assure la ministre fédérale Anita Anand en entrevue avec Francopresse. Les provinces et territoires sont tous prêts à collaborer.
Commerce interprovincial : le Canada avance, tarifs ou non
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Le fédéral, les provinces et les territoires sont tous «alignés pour faire tomber les obstacles qui freinent le commerce entre nos provinces et territoires et rendre ça plus facile pour les consommateurs de choisir les produits de chez nous», a assuré le premier ministre, Justin Trudeau, lors d’une conférence de presse le 1er février.

Il annonçait alors la riposte canadienne aux tarifs douaniers des États-Unis, qui ont finalement été suspendus pendant au moins 30 jours à compter du 3 février.

Mais ce revirement de situation n’arrête pas le travail entamé par Ottawa et les provinces pour faciliter le commerce interprovincial, assure la ministre des Transports et du Commerce intérieur, Anita Anand, à Francopresse.

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«Il y a une volonté autour de la table», dit Anita Anand. 

Photo : Courtoisie

«C’est le moment» 

Le Comité sur le commerce intérieur (CCI) s’est réuni le 31 janvier pour discuter, notamment, de l’amélioration de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC).

Ainsi, trois recommandations ont été formulées à l’unanimité et seront présentées aux premiers ministres provinciaux, territoriaux et fédéral :

  • la reconnaissance mutuelle des règlements entre provinces et territoires;
  • la réduction des exceptions;
  • l’amélioration de la libre mobilité de la main-d’œuvre afin qu’un travailleur en règle puisse aller travailler dans n’importe quel endroit du pays sans délai.

Tel qu’annoncé par voie de communiqué le 5 février, tous les premiers ministres ont appuyé ces recommandations du Comité.

«On doit avoir un système où les provinces et territoires reconnaissent les exigences règlementaires des autres», explique Anita Anand. Celle-ci affirme que ces initiatives iront de l’avant, «peu importe ce qui se passe aux États-Unis».

«C’est le moment de parler, de faire le progrès réel, et on va continuer sur ces recommandations-là parce que c’est nécessaire de bâtir notre économie domestique pour notre population, sans considérer ce qui se passe aux États-Unis», ajoute-t-elle.

Un accord limité

Entré en vigueur le 1er juillet 2017, l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) est un accord commercial intergouvernemental signé par le gouvernement fédéral et les 13 provinces et territoires.

Dans ce document d’environ 350 pages, plus de 130 sont dédiées aux exceptions au libre-échange posées par les différents gouvernements. 

Un exemple classique concerne les boissons alcoolisées, qui font l’objet d’exceptions dans la grande majorité des provinces et qui rendent difficile l’exportation de l’alcool vers d’autres provinces et territoires.

Les barrières règlementaires, elles, ne sont pas codifiées dans l’Accord. Par exemple, les juridictions ont des règles différentes quant à la taille des contenants pour les emballages alimentaires.

Les provinces embarquent

Avant que Donald Trump ne suspende les tarifs douaniers visant le Canada, les premiers ministres de toutes les provinces et tous les territoires s’étaient engagés à faciliter le commerce interne. Le plan : s’attaquer aux barrières qui limitent l’ALEC.

La première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt, a par exemple déclaré lors d’une conférence de presse, quelques heures avant l’annonce de la suspension, le 3 février, que sa province «participe à une révision agressive des barrières au commerce interne pour renforcer l’économie canadienne».

«On évalue activement la possibilité que la Saskatchewan retire ses propres exceptions, en totalité ou en majorité», a pour sa part déclaré le premier ministre Scott Moe, en conférence de presse le même jour.

Questionné sur la poursuite de ces objectifs commerciaux dans un contexte sans tarifs, Scott Moe répond à Francopresse dans un courriel que malgré le report des mesures, «le travail n’est pas terminé». Il ne donne pas plus de détails sur le commerce interprovincial depuis la suspension des tarifs.

«Je pense qu’une exception linguistique est totalement adéquate et même nécessaire» dans le cas du Québec, estime Christopher Skeete. 

Photo : Courtoisie

Dans un courriel à Francopresse, le ministre albertain du Travail, de l’Économie et du Commerce, Matt Jones, assure que l’Alberta continuera le travail «indépendamment des relations commerciales extérieures».

«L’Alberta continue de promouvoir des avancées en plaidant pour l’harmonisation règlementaire et la suppression des barrières dans des secteurs tels que le marché des boissons alcoolisées et le transport», écrit-il.

En entrevue avec Francopresse, le ministre québécois délégué à l’Économie, Christopher Skeete, confirme que peu importe ce qui se passe du côté des États-Unis, le Québec continuera de travailler sur la facilitation du commerce interprovincial.

«On est en train de regarder pour envoyer des gens dans d’autres provinces pour nous aider à ouvrir des réseaux de marchés, de distribution», a pour sa part déclaré le premier ministre québécois François Legault, en conférence de presse le 3 février.

En entrevue, Christopher Skeete confirme que cette réflexion se poursuit, peu importe la suspension des tarifs.

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Un potentiel de 200 milliards de dollars

Dans un communiqué de presse, la ministre Anita Anand confirme que «l’élimination des obstacles règlementaires fera baisser les prix, augmentera la productivité et ajoutera potentiellement jusqu’à 200 milliards de dollars à l’économie canadienne».

C’est aussi le chiffre qu’évoque l’analyste sénior en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal, Gabriel Giguère, en entrevue avec Francopresse. Ce think tank a développé un index pour suivre l’évolution des barrières codifiées dans l’ALEC.

«Ce qu’on a constaté, c’est que certaines provinces, notamment l’Alberta ou le Manitoba, ont réduit leurs barrières au commerce interprovincial, dit-il. Mais il y en a d’autres qui ont fait du surplace. On peut penser au Nouveau-Brunswick, mais surtout le Québec.»

Le Québec a posé le plus grand nombre d’exceptions, 36, et n’en a éliminé aucune depuis 2017. «Je pense que toutes les provinces devraient s’attaquer aux barrières qui restent de leur côté, mais le Québec a très certainement beaucoup de travail à faire», poursuit l’expert.

«Le Québec se tient debout»

Au Québec, nos exceptions sont assez normales. On va reconnaitre les diplômes et les professions à l’extérieur du Québec, mais on exige le français.

— Christopher Skeete

«Est-ce que ça freine vraiment le commerce? Peut-être. Mais est-ce qu’en termes de dollars ça a un impact réel considérant le cout sociétal? Je pense qu’on est à la bonne place. […] Le Québec se tient debout pour défendre le français.»

L’élu évoque une «perception persistante» selon laquelle le commerce interprovincial va mal, en particulier à cause des exceptions. «C’est sûr qu’il y a des irritants, des enjeux à régler, mais la bonne nouvelle c’est que l’on constate déjà qu’il y a une belle augmentation du commerce interprovincial depuis un bon nombre d’années.»

Statistique Canada chiffre la croissance de la valeur du commerce interprovincial à 16,5 % entre 2021 et 2022.

Selon Christopher Skeete, il faudrait dorénavant surtout travailler sur les barrières règlementaires. Le CCI s’est entendu pour identifier cinq à dix secteurs prioritaires pour l’harmonisation de certaines règles et pour une reconnaissance mutuelle.

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Marianne Dépelteau

Journaliste

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