le Samedi 24 mai 2025
le Samedi 24 mai 2025 6:30 Arts et culture

Cinéastes noires, trans et non binaires : un programme pour changer le scénario

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Le programme pancanadien Reel Change accompagne les créatrices et productrices noires, trans et non binaires dans le milieu du cinéma et de la télévision.  — Photo : Courtoisie
Le programme pancanadien Reel Change accompagne les créatrices et productrices noires, trans et non binaires dans le milieu du cinéma et de la télévision.
Photo : Courtoisie
FRANCOPRESSE – De Halifax à Vancouver, le programme Reel Change soutient les femmes noires, trans et non binaires dans le milieu du cinéma. En misant sur la coproduction interprovinciale, le mentorat et l’inclusion, il cherche à créer des ponts durables entre des réalités culturelles et géographiques qui s’ignorent parfois.
Cinéastes noires, trans et non binaires : un programme pour changer le scénario
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Porté par Black Women Film! Canada (BWF), ce programme bilingue et pancanadien vise à favoriser le réseautage, le développement de projets cinématographiques, le mentorat sur mesure et les coproductions entre créatrices francophones et anglophones noires, trans et non binaires partout au pays, notamment par l’entremise de formations et d’ateliers.

«Ça renforce la sécurité économique des femmes noires en leur offrant un accès accru aux ressources et aux opportunités professionnelles», explique la directrice nationale de Reel Change, Sabine Daniel. Elle précise que les participantes sont payées pendant leur période de formation.

Un programme pancanadien de 17 mois

Lancé initialement à Toronto, le programme Reel Change a ensuite été étendu à d’autres régions du pays où les besoins sont pressants : Montréal, Vancouver, Winnipeg et Halifax. Il s’étend sur 17 mois.

À l’hiver, un appel à candidatures a été lancé auprès des productrices afrodescendantes désireuses de prendre part à ce programme et les résultats ont été annoncés en avril.

La phase de formation, sous forme d’une résidence de plusieurs semaines, a débuté à Montréal et s’y tiendra jusqu’au 21 juin. Les suivantes auront lieu à Vancouver, du 21 juillet au 19 septembre, puis à l’automne à Winnipeg et Halifax.

En plus de verser une allocation mensuelle aux participantes, ces résidences proposent un accès gratuit à un espace de travail partagé, un mentorat personnalisé et la prise en charge de la garde d’enfants pour les participantes qui en ont besoin.

Des stages régionaux se tiendront jusqu’en février 2026. Le programme doit aussi mener à la création de vidéos de formation destinées à l’industrie. Il se conclura en juin 2026 par une rencontre nationale et un concours de pitch réunissant les participantes et les partenaires.

Lever les obstacles systémiques

Ce programme a aussi pour but de lever les obstacles qui empêchent ces femmes d’accéder à des postes clés, comme ceux de productrice, de réalisatrice ou de scénariste.

«Ce sont les trois métiers qui sont des postes décisionnels où les femmes sont souvent moins représentées. Il y a eu beaucoup d’avancées dans le secteur de réalisatrice, mais on voit quand même très peu de femmes noires», observe la productrice.

«Ce n’est pas l’expérience qui manque, c’est l’expérience dans des postes décisionnels.»

Un problème que connaissent bien toutes les femmes, rappelle-t-elle. «Pourquoi on ne voit pas beaucoup d’autres femmes productrices ou des femmes scénaristes? Parce que des fois, à la place d’écrire un scénario, elles doivent s’occuper de l’enfant ou de la famille. Elles n’ont pas assez de sous.» 

Sabine Daniel ajoute que «malheureusement, si on se compare aux hommes, mariés ou pas, ils continuent à être réalisateurs, producteurs. Ils n’ont pas les barrières qu’une femme a.»

À lire aussi : Reel Change, un nouveau programme national pour les femmes noires, trans et non binaires dans le milieu cinématographique (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

«On doit travailler plus ensemble»

Outre les femmes noires, trans ou non binaires, Sabine Daniel souligne que tous les cinéastes gagneraient à miser sur les coproductions interrégionales – particulièrement dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis : «On doit travailler plus ensemble.»

«Ça demande d’ajuster le budget, de savoir comment travailler avec des crédits d’impôt d’une autre province. Ça minimise aussi le cout des boites de production. Il y a une force qui est exploitée, mais pas à son plein potentiel.»

L’Ottavienne remarque d’ailleurs que bien des gens ignorent les crédits d’impôt ou même les occasions qui s’offrent dans leur région.

Elle rappelle par exemple que le Canada demeure un lieu de tournage prisé pour les films de Noël de Hallmark. «Ça se tourne à Ottawa, Hamilton, puis Winnipeg. Parfois les gens ne sont pas au courant de ces réalités. Ils n’y pensent même pas.»

Souvent, les coproductions qu’on voit, c’est le Québec et une autre province, poursuit-elle. Les francophones en milieu minoritaire doivent davantage travailler en coproduction. Avec le programme [Reel Change], on essaie de prendre des personnes qui viennent d’ailleurs pour qu’il y ait des synergies.

— Sabine Daniel

L’atout francophone

Les boites de production en milieu minoritaire peinent parfois à recruter dans leur région, ajoute-t-elle. «Une [de ces boites] m’a dit : “Il faut que j’aille chercher quelqu’un à Toronto ou à Ottawa pour venir à Winnipeg pour l’été.” Ça leur coute plus cher parce qu’[elles] doivent faire venir [des gens], payer leur logement.»

Lorsque des cinéastes travaillent sur un projet de film, Sabine Daniel les invite à explorer d’autres possibilités que des endroits comme Toronto ou Montréal, où il faut habituellement jouer des coudes pour trouver les ressources nécessaires vu que la concurrence est vive dans ces grandes villes.

En tant que francophone en milieu minoritaire, notre force c’est qu’on connait chez nous.

— Sabine Daniel

Une personne qui vit dans une communauté minoritaire sera plus susceptible d’être au courant des occasions peut-être méconnues qui s’offrent dans sa région pour le monde du cinéma.

Par ailleurs, la productrice remarque que, partout au pays, les cinéastes noirs sont également souvent intéressés «à faire des films qui vont à l’international».

Selon elle, «ils les filment au Canada, mais ils les exportent ailleurs, dans leur pays. Il y a beaucoup d’autres possibilités dont [le milieu du cinéma] ne parle pas, parce que ce n’est pas une réalité pour l’industrie blanche.»

À lire aussi : Quand le cinéma francophone se met au vert

Des environnements de travail plus inclusifs

«La prochaine étape, c’est qu’on va former nos mentors et aussi nos conférenciers, qu’ils soient Blancs ou pas, parce qu’on veut s’assurer que ces mentors-là savent comment parler à ces femmes pour qu’elles ne se sentent pas encore plus fermées», développe Sabine Daniel.

On veut vraiment créer des environnements de travail plus inclusifs, en favorisant des pratiques équitables et diversifiées au sein de l’industrie

— Sabine Daniel

Le programme Reel Change propose des ateliers adaptés aux besoins de chaque région. Parmi eux, Sabine Daniel cite «la volonté de savoir comment monter un budget de coproduction, comment pitcher à la lumière d’utiliser les techniques de l’IA, comment faire la lecture de son script par des comédiens».

La productrice exprime son admiration pour ces femmes passionnées par le cinéma, soulignant la diversité des participantes, âgées de la mi-vingtaine jusqu’à 75 ans.

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Camille Langlade

Cheffe de pupitre

Adresse électronique: