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le Vendredi 13 mars 2020 13:46 Arts et culture

Trop peu de livres en français dans les bibliothèques publiques

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Le professeur Richard Russo. — Courtoisie
Le professeur Richard Russo.
Courtoisie
INITIATIVE DE JOURNALISME LOCAL – APF (Ouest) – C’est ce que dénonce le chercheur américain Richard Russo. Les résultats de son étude publiée fin octobre 2019, intitulée French-Language Books in a Minority Setting: A Report from Rural Saskatchewan, révèlent une inadéquation géographique entre le nombre de livres et le nombre de francophones.
Trop peu de livres en français dans les bibliothèques publiques
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Fin 2017, le professeur du Maryland Richard Russo a sillonné la Saskatchewan pour référencer le nombre de livres en français pour adultes dans les bibliothèques publiques des villes à forte présence francophone : Bellegarde, Debden, Gravelbourg, La Trinité, Moose Jaw, Ponteix, Prince Albert, Regina, Saint-Isidore-de-Bellevue, Saskatoon, Willow Bunch et Zenon Park.

La bibliothèque de Debden possède par exemple trois livres en français. À Gravelbourg, excluant le Lien du Collège Mathieu, le chercheur en a trouvé huit. Bellevue en compte deux, et Ponteix quatorze. 

Pourtant, plus de 20 % des habitants de ces communautés sont francophones. En outre, 58 % des Fransaskois vivent en dehors de Regina et Saskatoon. Pourtant, les plus petites municipalités ne contiennent que 27 % de l’offre.

Une littérature en berne

«La quantité de livres en français pour les lecteurs adultes dans les bibliothèques publiques de la Saskatchewan est faible et leur distribution est insuffisante», conclut le professeur en géographie sociale. 

Qui plus est, beaucoup des livres présents sont des traductions d’œuvres en anglais, «ce qui réduit le potentiel de développement identitaire et communautaire des Fransaskois».

En fait, seulement 36 % de tous les auteurs francophones de l’Ouest canadien sont référencés. «Les collections ne sont pas suffisantes pour l’enrichissement personnel et ne représentent pas la vitalité de la culture littéraire franco-canadienne ou de la francophonie mondiale», estime Richard Russo.

Plus que des livres

«Les bibliothèques sont plus que de simples dépôts de livres. Ce sont des dépôts du capital culturel», soutient l’universitaire. 

L’épanouissement personnel et l’identité culturelle sont ainsi en jeu : «Les livres et les bibliothèques sont des agents importants dans la création et le maintien des espaces à la fois physiques et sociopsychologiques des communautés minoritaires.»

Malgré tout, aucune politique publique n’existe pour obliger les bibliothèques à offrir des collections en français similaires à celles de la majorité. «La Francophone Affairs Branch n’en discute même pas dans son rapport annuel», déplore Richard Russo.

Vers une politique du livre en français?

Selon le chercheur, des politiques d’acquisition stratégique dans les bibliothèques publiques devraient être mises en place, afin de «mettre en valeur la culture littéraire francophone, à l’école et en dehors de l’école, ainsi que tout au long de la vie».

D’après lui, le gouvernement devrait prendre les devants, car «il n’est pas raisonnable de faire peser le poids de la création et du maintien de la culture littéraire à une communauté fransaskoise qui compte moins de 15 000 personnes».

À Bibliothèque et Archives Canada, une institution fédérale, le conseiller en recherche stratégique et politique Alain Roy reconnait que des politiques publiques seraient bénéfiques, mais souligne que «le portrait d’ensemble des diverses politiques, règlements et meilleures pratiques à ce sujet reste à être dressé».

Dans le cadre de la Loi sur les langues officielles, Bibliothèque et Archives Canada a le mandat de soutenir l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. «Une démarche visant un inventaire des lois, politiques et règlements est en cours et devrait donner quelques résultats à l’automne 2020», promet Alain Roy.

Si une politique du livre en français est en chemin en Ontario, la route est encore longue pour que «les bibliothèques en Saskatchewan servent vraiment d’espaces culturels pour les francophones», note Richard Russo.