«Impossible n’est qu’une opinion» est une devise que Diane Gionet-Haché affectionne particulièrement.
C’est ce qu’elle a voulu démontrer dans sa biographie, écrite par Michèle Morel et parue aux Éditions de la Francophonie.
«Mon idée n’est pas de raconter ce que j’ai fait ; le motif du livre pour moi, c’est plutôt de stimuler les jeunes à faire des choses qui sortent de leur zone de confort et réveiller les vieilles! Moi j’ai 66 ans […] Même retraitée, tu as encore toute une belle vie en avant!» lance l’aventurière au bout du fil.

5000 km en kayak
Il y a plusieurs années, Diane Gionet-Haché a elle-même été inspirée par un livre de Victoria Jason intitulé Kabloona in the Yellow Kayak : One Woman’s Journey Through the Northwest Passage (1997).
L’ouvrage raconte le périple de cette mère de famille de 42 ans qui a pagayé 7500 km en kayak, parcourant la mer de Beaufort d’est en ouest et tout le fleuve Mackenzie, ralliant Churchill au Manitoba et Tuktoyaktuk aux Territoires du Nord-Ouest.
«Ce livre-là m’a inspirée, définitivement […] Je me suis dit : “Si elle l’a fait, je suis capable de le faire moi aussi!” Je suis partante», relate Diane Gionet-Haché.
C’est ainsi qu’à l’âge de 62 ans, la native de Caraquet au Nouveau-Brunswick a terminé un périple en kayak de plus de 5000 km, qui s’est échelonné sur huit ans en comptant deux années de préparation.
En six étés, Diane Gionet-Haché a pagayé de Yellowknife aux Territoires du Nord-Ouest à Gjoa Haven au Nunavut, franchissant le mythique passage du Nord-Ouest.

«Quand je suis arrivée, j’ai pleuré pendant une demi-heure! C’était ma passion, mon rêve, un challenge énorme de faire ça et je l’avais atteint», relate l’aventurière.
Elle note que dans les semaines suivantes, «j’ai décompressé et j’ai réalisé que je vivais un deuil ; j’avais pu de goal. Ça me tenait en vie tout l’hiver à m’entrainer pour faire ça».
Elle aurait pu continuer plus loin, en aurait eu l’énergie et la volonté, mais «mon plus gros obstacle pour faire ça, c’était mes enfants. Ils m’avaient à couteaux tirés, ne voulaient pas que j’aille faire ça toute seule […] Ils ont hâte que je commence à tricoter!» lance Diane Gionet-Haché en riant.

Plus encore que ses exploits en kayak ou le fait d’avoir conduit des camions sur la route des glaces et dans des mines de diamants, celle qui a été mère au foyer pendant 25 ans indique que ce qui la rend la plus fière aujourd’hui, «c’est mes quatre enfants. N’importe quoi que j’ai accompli, je suis fière de ça, mais ce n’est rien comparé à ce que mes enfants font. C’est ma plus grande fierté», souligne-t-elle avec émotion.
Elle indique même avoir arrêté de parler de ses projets de kayak pour éviter de se chicaner avec son plus vieux, qui «ne voulait rien, mais rien savoir» de ce projet qui l’inquiétait. «Moi, je ne pouvais pas arrêter, parce que si j’arrêtais ça aurait été un gros échec dans ma vie. Je prenais ça personnel», insiste l’Acadienne.
«C’est sûr qu’il y a une histoire à raconter»
C’est cette furieuse énergie de vivre et de repousser ses limites qui a donné envie à Michèle Morel d’écrire la biographie de Diane Gionet-Haché.
Les deux femmes se sont rencontrées alors qu’elles effectuaient la Traversée de la Gaspésie (TDLG), une randonnée de plusieurs jours et d’une centaine de kilomètres.
«C’est une amie de Yellowknife qui nous avait mises en contact, et quand j’ai rencontré Diane, j’ai trouvé que son parcours était audacieux ; ça me frappait qu’à 55 ans, quelqu’un décide de descendre le fleuve Mackenzie en kayak solo! […] À 58 ans, elle remet ça sur la mer de Beaufort en Arctique… Je trouvais ça très audacieux!» se souvient Michèle Morel.
«C’est quand elle a commencé un peu plus à me raconter ce qu’elle avait fait avant – les sept ans sur la route de glace, le travail dans une mine de diamants, la fromagerie qu’elle a fondée, les quatre enfants qu’elle a élevés à travers tout ça! Je me disais : “Ben voyons donc, d’où elle sort tout ça! C’est sûr qu’il y a une histoire à raconter là”», ajoute l’autrice.

Les deux femmes venaient de prendre leur retraite à un mois d’intervalle, le moment était propice. Elles se sont lancées, débutant les discussions qui donneraient vie à Oser – L’audacieux parcours de Diane de Caraquet à l’Arctique.
«La pandémie nous a coupé un peu les ailes! Mais on avait déjà commencé les entrevues par FaceTime, donc on a continué sur notre lancée», relate encore Michèle Morel.
Elle note d’ailleurs qu’au bout du compte, la pandémie a probablement accéléré le projet en permettant aux deux femmes de s’y consacrer plus activement : «Parler à Diane toutes les semaines, l’écouter pendant deux heures chaque semaine, c’était très stimulant!»
L’autrice indique que le plus grand défi pour elle a été de bien rendre le parler acadien de l’aventurière. Pour y parvenir, elle a conservé certains anglicismes propres à la région : «buzzant – qui rend compte de la poussée d’adrénaline ressentie», «de la boucane dans les talons – qui signifie “détaler à toute vitesse”» ou encore «sweet sailing – une navigation sans soucis, un voyage sans anicroches».
À l’instar de la première concernée, Michèle Morel espère qu’on retienne du livre «qu’il n’y a pas d’âge pour oser […] Je regarde Diane, et c’est ça qui est un peu surprenant – tu fermes le livre et tu te dis “mon Dieu, où est-ce qu’elle va aller la prochaine fois”!»

D’autres aventures et du pain sur la planche
Diane Gionet-Haché a un début de réponse à cette question : depuis 2018, elle récupère des conteneurs de fils de cuivre de la compagnie minière Rio Tinto, retire l’enveloppe de plastique qui recouvre le métal et le revend ensuite pour donner l’argent à la Yellowknife Women’s Society, qui soutient les femmes de la capitale ténoise et leur offre un refuge sécuritaire au besoin.
Depuis qu’elle a entamé ce nouveau projet, elle est parvenue à amasser plus de 500 000 $. «Ma prochaine vente, je devrais avoir environ 250 000 $, que je vais probablement distribuer aux enfants», indique-t-elle.

Aussi, si elle a accepté de laisser de côté les expéditions de kayak en solo pour la paix d’esprit de ses enfants, l’aventurière ne renonce pas pour autant aux activités physiques : elle a récemment complété le trajet Vancouver-Saskatoon à vélo et prévoit éventuellement se rendre de Yellowknife à Caraquet.
Enfin, elle ne se dit pas fermée à l’idée de donner des conférences «parce que j’ai quand même du vécu, comment une femme doit se présenter en milieu minoritaire – j’ai tout le temps travaillé entourée d’hommes!»
Une version anglaise du livre est également prévue, notamment pour ses collègues de la mine qui ont hâte de pouvoir à leur tour lire les aventures de Diane Gionet-Haché.