le Mercredi 10 septembre 2025
le Mercredi 10 septembre 2025 6:30 Actualité

Budget fédéral : Le mot «austérité» a été prononcé

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Le mot «austérité» conjure des images peu encourageantes dans la tête des électeurs.  — Photo : Josh Appel – Unsplash
Le mot «austérité» conjure des images peu encourageantes dans la tête des électeurs.
Photo : Josh Appel – Unsplash

FRANCOPRESSE – Le premier ministre Carney a prévenu la population canadienne au début de septembre : le gouvernement fédéral devra faire des choix difficiles en raison de la situation économique et financière du pays. D’importantes coupes budgétaires sont à prévoir, nous dit-on déjà.

Budget fédéral : Le mot «austérité» a été prononcé
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Le chef libéral a même osé employer le mot «austérité». Un mot lourd de sens, qui en inquiète déjà plus d’un : pourra-t-on encore compter sur l’aide de l’État? Les impôts vont-ils augmenter? La qualité des services en sera-t-elle affectée? Etc.

Mark Carney ne s’est sans doute pas servi du mot «austérité» à la légère. Le mentionner maintenant pourrait bien être une stratégie pour nous dire de nous préparer à traverser une période difficile. On veut éviter de causer la surprise, ce qui pourrait susciter encore plus de mécontentement.

Par contre, ce n’est pas parce qu’on nous prévient déjà des difficultés à venir que les choses vont nécessairement mieux se passer. Loin de là. Les prochaines années ne s’annoncent pas de tout repos.

À lire : L’impopularité des taxes (chronique)

L’histoire nous dira si la méthode adoptée par Mark Carney pour couper dans les dépenses du gouvernement passera aussi bien auprès de l’électorat que celle utilisée par le Parti libéral dans les années 1990. 

Photo : Inès Lombardon – Francopresse (Archives)

Des crises qui se multiplient

Ce ne sera cependant pas la première fois que le pays sera confronté à une situation économique et financière précaire. Ce fut le cas lors de la pandémie, il n’y a pas si longtemps, et aussi au moment de la crise financière mondiale de 2009.

Dans ces deux cas, le gouvernement avait dû composer avec une baisse soudaine de ses revenus et une augmentation tout aussi importante, sinon plus, de ses dépenses. Les déficits et la dette avaient alors explosé.

Toutefois, lors de ces deux épisodes, le gouvernement ne remettait pas en question le rôle de l’État. Il maintenait les services publics et en créait même de nouveaux pour aider les plus démunis. Il s’agissait surtout d’un moment difficile à passer qui se terminerait un jour.

La situation actuelle est différente. Le Canada semble se trouver à la croisée des chemins. Notre premier ministre l’a dit plus d’une fois : le monde tel que nous le connaissons se transforme et plusieurs défis nous attendent. Le pays doit donc s’adapter aux nouvelles réalités économiques mondiales.

Il existe un précédent

La situation n’est cependant pas inédite. On pourrait faire un parallèle entre la période actuelle et la crise budgétaire des années 1990.

À ce moment-là, le nouveau gouvernement libéral de Jean Chrétien se rend compte que la situation budgétaire du gouvernement fédéral n’est plus tenable. La dette publique du gouvernement explose en raison des déficits annuels considérables qui surviennent année après année.

Cette situation est si préoccupante que le Wall Street Journal écrira que le Canada est devenu un «membre honoraire du tiers monde». Une déclaration qui créera une onde de choc à Ottawa.

Le premier ministre Chrétien et surtout son ministre des Finances, Paul Martin, décident alors de mettre en œuvre un important exercice de révision des dépenses, en 1995. Tous les programmes seront examinés.

Les gestionnaires devront faire la démonstration que leurs programmes sont non seulement encore nécessaires, voire indispensables, mais que le gouvernement a encore les moyens de les financer.

Plusieurs programmes seront abolis alors que d’autres seront transformés. On parle alors de privatisation, d’imposition de frais d’usager, de partenariat public-privé, de dévolution des pouvoirs vers les provinces, les municipalités, etc.

Le résultat sera spectaculaire. En trois ans, le gouvernement parviendra à réduire ses dépenses de plus de 20 %, ce qui lui permettra d’équilibrer son budget et de réduire sa dette.

Le budget de tous les ministères sera réduit, sauf celui des Affaires indiennes et du Nord. Dans certains cas, les coupes seront considérables. Le budget de certains ministères sera amputé de plus de 30 %. Ce sera même 60 % pour le ministère des Transports.

Encore de nos jours, on profite des retombées de cette réforme, menée il y a 30 ans. Le Canada demeure le pays le moins endetté du G7.

À lire : L’état des finances publiques ne se réduit pas au montant du déficit

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Un nouvel examen des programmes sous Mark Carney?

Lors de la campagne électorale, Mark Carney a promis de transformer le gouvernement. La plateforme du Parti libéral du Canada ne peut être plus claire : «le gouvernement dépense trop». On promet donc de lancer un exercice de révision des programmes.

Le gouvernement a commencé à dévoiler certains détails de cette révision des programmes. Ainsi, tous les ministères doivent réduire leurs dépenses de 7,5 % cette année. Ce taux augmentera graduellement pour atteindre 10 % l’an prochain et 15 % l’année suivante.

À première vue, ces réductions semblent réalistes. On est même en deçà des coupes de 20 % réalisées par le gouvernement Chrétien.

Cependant, il existe une différence fondamentale entre l’effort de discipline budgétaire actuelle et celle mise en œuvre par le tandem Chrétien-Martin dans les années 1990.

Contrairement à la révision des programmes de 1995, le gouvernement actuel impose une réduction uniforme de 7,5 % (puis de 10 % et de 15 %) à chaque ministère.

Ce qui avait fait le succès de la révision des programmes de 1995, c’est que, justement, on avait évité ces coupes uniformes. Le gouvernement reconnaissait qu’il existait des programmes plus importants que d’autres. Ainsi, les budgets dédiés aux services directs à la population avaient été moins touchés que ceux aidant les entreprises.

Jean Chrétien et Paul Martin n’ont jamais employé le mot «austérité» pour faire référence à leur exercice de révision des programmes non plus.

Et pour cause : ce n’était pas un exercice d’austérité, c’est-à-dire une période où on devait se serrer la ceinture. Il s’agissait d’une vaste réforme qui visait à redéfinir le rôle de l’État dans la société : qu’est-ce que le gouvernement fédéral peut faire et comment peut-il le faire?

Si Mark Carney veut réformer l’économie canadienne, il aurait intérêt à tirer des leçons de la réforme des programmes de 1995.

La principale est que ce n’est pas en imposant un régime minceur à toute la fonction publique qu’on parvient à assainir les finances publiques. C’est en demandant à la fonction publique de réfléchir au rôle de l’État et de se demander comment leurs programmes peuvent aider à remplir ce rôle.

C’est seulement en se posant ces questions, qui peuvent être difficiles, qu’il sera possible de faire une véritable transformation de l’État canadien.

À lire : Masculinité en finances : une étude place Mark Carney sous la loupe

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.

Déclaration sur les sources et la méthode:

Déclaration IA : Le présent article a été rédigé sans l’aide d’outils de l’intelligence artificielle.

Données de parution:

Ottawa