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le Lundi 27 septembre 2021 16:37 Actualité

Kedgwick : quand une communauté entière vibre au rythme de la chasse à l’orignal

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Nouveaux propriétaires des Chalets Restigouche, Sébastien Hodgson et Geneviève Trottier vivent leur première saison de chasse à l’orignal. L’endroit affiche complet et déjà pratiquement plein pour la même période l’an prochain. — Jean-François Boisvert
Nouveaux propriétaires des Chalets Restigouche, Sébastien Hodgson et Geneviève Trottier vivent leur première saison de chasse à l’orignal. L’endroit affiche complet et déjà pratiquement plein pour la même période l’an prochain.
Jean-François Boisvert
ACADIE NOUVELLE (Nouveau-Brunswick) – Il y a de ces petites communautés au Nouveau-Brunswick où la chasse à l’orignal est beaucoup plus qu’un simple loisir, mais bien un véritable mode de vie.
Kedgwick : quand une communauté entière vibre au rythme de la chasse à l’orignal
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C’est le cas de la communauté rurale de Kedgwick, dans le Restigouche-Ouest, où le quotidien de ses habitants est momentanément bouleversé par la quête de ce gros gibier.

À l’intersection de deux des trois zones d’aménagements les plus riches en orignaux de la province — les zones 3 et 4 —, ce n’est pas bien sorcier de deviner pourquoi l’on y vient d’un peu partout de la province : pour y chasser le roi de la forêt.

«Auparavant, c’était plus partagé avec la chasse au chevreuil. Mais on n’en retrouve pratiquement plus dans la région, il faut aller toujours plus loin pour en trouver. Alors les gens se sont naturellement tournés vers l’orignal. Et ça, ce n’est pas ce qui manque ici», admet le maire, Éric Gagnon.

Pour lui, l’orignal est devenu dans la région ni plus ni moins que l’équivalent du chevreuil pour l’ile d’Anticosti, soit une véritable mine d’or.

Lors des cinq jours que dure la chasse à l’orignal, cette petite municipalité du Restigouche-Ouest entre en veille. Des entreprises fonctionnent au ralenti ou réduisent leur quart de travail faute d’effectifs. D’autres vont même carrément jusqu’à fermer leurs portes. Il n’est pas rare non plus de voir des élèves s’absenter afin d’accompagner leurs parents. Après tout, il y a plusieurs apprentissages à faire en forêt.

Pour d’autres en revanche, hors de question de prendre congé, car c’est littéralement la période la plus occupée de l’année.

«L’été, c’est bien avec le tourisme, mais ça ne se compare pas à la chasse. C’est vraiment bon pour la bizness», souligne Yvan Legresley, propriétaire de la station-service Esso.

Jean-François Boisvert

Celui-ci prépare ses réserves en conséquence. Il estime que son chiffre peut facilement augmenter de 40 % durant les cinq jours de la chasse, mais également des deux semaines qui la précèdent, donc en somme dès l’arrivée du mois de septembre.

Les chasseurs font le plein d’essence dans les camions, les VTT, dans les réservoirs pour alimenter les génératrices. Ils remplissent également les réservoirs de propane. Et bien entendu, il y a «l’épicerie de chasse». Certains rayons des épiceries et dépanneurs se font littéralement dévaliser la semaine avant le grand jour.

«La chasse, ce n’est plus comme c’était dans le passé, deux chums avec leur licence qui partent en pickup dans le bois. Aujourd’hui, c’est gros, organisé, familial. La semaine qui précède la chasse, tout le monde sort en forêt pour spotter les orignaux. C’est l’occasion de se retrouver en famille et entre amis autour d’un bon repas. Il y en a qui économisent toute l’année pour cette chasse. Et tout ça rapporte aux différents commerces de la communauté», raconte-t-il.

Reste qu’outre l’aspect économique, ce qu’il apprécie par-dessus tout, c’est l’ambiance générale qui règne dans la communauté.

«Tout le monde a un sourire au visage. Tous les clients ou presque qui entrent ici sont heureux, de bonne humeur, fébriles. C’est vraiment l’une des belles périodes de l’année», dit-il.

Première chasse

Il n’y a pas que les épiceries et les stations-service qui brassent des affaires en or durant la chasse. Comme plusieurs adeptes proviennent de l’extérieur de la région, l’activité est également bonne pour les restaurants, hôtels et gites de l’endroit.

Aux Chalets Restigouche de Kedgwick River, les nouveaux propriétaires — Sébastien Hodgson et Geneviève Trottier — vivent actuellement leur première chasse à l’orignal au Restigouche. Le couple avait été prévenu : ce n’est pas le temps de prendre des vacances durant cette période de l’année. Et avec raison, l’endroit est bondé. Tous les chalets sont réservés depuis belle lurette, idem pour les terrains de camping.

«», raconte  pendant que son conjoint sert de guide en forêt à un touriste québécois, l’un des rares ayant obtenu un tag destiné aux non-résidents.

Ils sont réservés depuis l’année dernière et on est déjà mal occupés pour l’an prochain durant la chasse. C’est une grosse semaine, et même un gros automne. Parce qu’il ne reste pas grand-chose de disponible non plus en octobre avec la chasse à la perdrix et celle au chevreuil, qui attirent aussi beaucoup d’adeptes.

— Geneviève Trottier, nouvelle propriétaire des Chalets Restigouche de Kedgwick River

Sa clientèle cette semaine? Surtout des chasseurs du sud de la province. Chose certaine, la saison est réconfortante pour le couple de la banlieue montréalaise qui a misé gros sur l’aventure néobrunswickoise.

Sur place justement, deux chasseurs — Larry et Gary Leblanc — arrivent à l’entrefaite, remorquant le résultat de leur chasse matinale : un jeune mâle bien baraqué doté d’un panache d’une vingtaine de pointes. La bête est tombée tôt, à 7 h 10. Elle devrait rapporter quelque 700 livres de viande.

Originaires de Sainte-Marie non loin de Bouctouche, les deux frères ont pris l’habitude depuis quelque temps de venir dans le Restigouche.

Il n’y a pas beaucoup d’orignaux dans notre secteur, comparé à ici. Quand on vient dans le coin, on est presque certain de repartir avec quelque chose.

— Larry Leblanc, chasseur venu de Sainte-Marie

Les quatre dernières années, les deux hommes chassaient dans la communauté voisine de Saint-Quentin qui vit sensiblement la même effervescence durant la période de la chasse. Cette fois, ils ont opté pour Kedgwick, et déjà, la réservation est prise pour l’an prochain.

À la fin de l’entretien, les deux hommes ne perdent pas de temps. Ils ont mis leur orignal sur la glace et pris la direction de Sainte-Marie afin d’aller déposer leur prise chez le boucher.

«Mais dès que c’est fait, on revient ici. On a loué un chalet pour la semaine, alors on va venir en profiter», souligne Gary.

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Aussi chez les élus

Au Restigouche, la fièvre de la chasse à l’orignal est très contagieuse et n’épargne personne, pas même les élus municipaux, au point où certaines rencontres ont été déplacées de sorte à permettre aux maires et conseillers de vaquer à ce loisir.

C’est le cas, entre autres, de la Commission de services régionaux du Restigouche qui tient depuis quelques années sa rencontre publique mensuelle plus tôt en raison de l’absence de quelques élus.

À preuve, au moins trois d’entre eux, les maires de Campbellton, de Dalhousie et de Balmoral, étaient tous en forêt cette semaine et en sont même ressortis avec des prises.

Le phénomène est aussi présent à Kedgwick où la rencontre publique mensuelle devait avoir lieu mardi. En raison de la chasse, elle a plutôt eu lieu la semaine précédente.

Cette année, deux conseillers de l’endroit ont obtenu leur licence, dont le conseiller Guillaume Deschênes-Thériault. Ce dernier a d’ailleurs eu la main heureuse tôt mardi en abattant son premier orignal en carrière.

Chasse prolongée?

On ne chasse pas que l’orignal à Kedgwick. D’ici peu, ce sera au tour de la perdrix puis du chevreuil — bien que beaucoup plus rare celui-là dans le secteur — d’être la cible des chasseurs. Reste que l’orignal a ce petit quelque chose de particulier et qu’il s’agit de loin de la chasse la plus lucrative pour le moment.

Éric Gagnon croit pourtant que tout le potentiel de ce tourisme sportif a à peine été effleuré.

Actuellement, tout est condensé en une seule semaine et c’est trop peu. L’idéal serait d’avoir plus d’une saison.

— Éric Gagnon, maire de Kedgwick

Du coup, il serait favorable à ce qu’on prolonge la saison, un peu comme cela se fait au Québec.

«On pourrait avoir une semaine avec l’arbalète et l’arc seulement, puis ensuite la chasse à la carabine étalée sur deux semaines. Ça créerait moins de commotion dans les établissements ainsi qu’en forêt. Économiquement, je crois que tout le monde en serait gagnant», souligne-t-il, notant que cela pourrait également désengorger les boucheries.