Devant cet état de fait, plusieurs entrevoient les étudiants internationaux comme une solution au problème. Et on pourrait en effet se dire qu’après tout, cela permet aussi de développer une nouvelle filière d’immigration francophone dans nos communautés.
Depuis plusieurs années maintenant, le gouvernement fédéral considère que les étudiants internationaux sont des citoyens canadiens en devenir. Le nombre d’heures de travail permis pour ces étudiants a été revu à la hausse, un permis postdiplôme a été créé pour faciliter leur insertion professionnelle après leurs études et les bourses ont été bonifiées.
Tout cela pour s’assurer qu’ils restent au pays, puissent accéder plus aisément à la résidence permanente et contribuent à bâtir une société canadienne prospère.
Quatre grands problèmes
Les différents programmes et politiques, appuyés d’enveloppes spécifiques, semblent avoir porté leurs fruits puisqu’en 2019, le Canada comptait 642 000 étudiants internationaux, plaçant ainsi le Canada au troisième rang mondial.
En 2018, leurs dépenses (frais de scolarité, logement et dépenses courantes) s’élevaient à quelques 21,6 milliards $ au PIB du pays soit, selon le gouvernement fédéral, plus «que les exportations de pièces d’automobile, de bois d’œuvre ou d’aéronefs». [Source : Miser sur le succès : La stratégie en matière d’éducation internationale 2019-2024]
Cependant, cela soulève plusieurs problèmes.
Premièrement, les étudiants internationaux, comme les autres migrants temporaires, ne sont pas admissibles aux services d’établissement financés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) au moment même où, pourtant, ils en auraient le plus besoin.
Deuxièmement, les étudiants internationaux ne contribuent que marginalement à la régionalisation de l’immigration. La majorité d’entre eux s’inscrivent dans les universités des trois métropoles que sont Toronto, Vancouver et Montréal.
Bien que les établissements postsecondaires du Canada français aient fait des efforts soutenus pour les attirer, avec un certain succès somme toute, il n’en demeure pas moins difficile de les retenir dans nos communautés une fois leurs diplômes en poche.
Troisièmement, cette croissance fulgurante du nombre d’étudiants internationaux qui ont, pour beaucoup, l’objectif de devenir citoyens canadiens fait en sorte que l’on a créé une catégorie d’immigration dont la sélection ne se fait pas par le gouvernement, en fonction d’un intérêt national, mais par des établissements universitaires dont le seul but est financier.
Sachant que les étudiants internationaux sont beaucoup plus nombreux que le nombre de résidents permanents admis chaque année au pays, il y a lieu de se poser certaines questions à cet effet.
Quatrièmement, se pose bien entendu un problème éthique aigu. Non seulement parce que ces étudiants peuvent payer des frais de scolarité jusqu’à quatre fois plus élevés que les étudiants canadiens, mais aussi parce que cela représente également une fuite des cerveaux de pays souvent pauvres qui ont fait l’effort d’offrir une éducation de base à ces personnes, mais qui ne récolteront jamais les fruits de cet investissement.
Et ça, c’est sans parler de l’ignominie de certains collèges privés dont la qualité des cours est plus que discutable et qui demandent des frais outranciers à ces étudiants.

Des pistes de solution
Bien sûr, nonobstant ces problèmes généraux, l’attraction d’étudiants internationaux francophones demeure fondamentale pour nos communautés francophones et acadienne en situation minoritaire.
Les étudiants internationaux jouent un rôle prépondérant dans la construction d’une francophonie internationale, ils représentent un moteur économique et démographique essentiel pour nos communautés, et ils contribuent au dynamisme et au rayonnement culturels de nos communautés.
C’est la raison pour laquelle, dans un rapport sur l’immigration et la COVID-19, nous [Voies vers la prospérité, NDLR] avons recommandé que le gouvernement fédéral offre un financement spécifique aux universités et collèges francophones pour qu’ils continuent leurs efforts d’attraction d’étudiants internationaux francophones.
Il faut également que les agences de services d’établissement francophones reçoivent un financement ciblé pour appuyer ces étudiants dans leur intégration communautaire, la plupart de ces agences œuvrant également en matière d’intégration. Il est impérieux que des enveloppes budgétaires précises soient dévolues à l’intégration culturelle et sociale de ces étudiants (et des immigrants francophones de façon générale) dans les communautés, et cela passe aussi, et en premier lieu, par le développement de programmes visant à rendre plus accueillantes nos communautés.
Les organismes culturels pourraient par exemple donner des «passeports culture» à ces étudiants. On devra également multiplier les initiatives visant à accompagner ces étudiants fraichement diplômés dans leur intégration sur le marché du travail. Idéalement, il y aurait des programmes de mentorat et des stages avec les employeurs locaux de façon à maximiser leur rétention dans les communautés.
Nous avons la chance de disposer de Réseaux en immigration francophone (RIF) dans chacune de nos provinces (hors Québec bien sûr) et territoires, nous en avons même trois en Ontario.
Ces tables de concertation ont développé une formidable expertise pour appuyer les organismes partenaires dans le développement des projets et pour travailler ensemble de façon efficace en s’appuyant sur les forces de chacun. Il faut les mobiliser dans cette entreprise.
Depuis plus de vingt ans maintenant, de nombreuses recherches ont mis en lumière l’importance de l’immigration pour la vitalité de nos communautés. Dans ce cadre, les étudiants internationaux représentent une pièce maitresse.
Ils favorisent les échanges d’idées entre francophones d’ici et nouveaux arrivants, contribuant ainsi à un dialogue interculturel fructueux. Ils appuient la survie de nos établissements postsecondaires, aujourd’hui attaqués de toute part. Et demain, ils seront parfaitement outillés pour participer pleinement au développement de nos communautés.