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le Mardi 19 janvier 2021 13:06 Actualité

Quand les extrémistes infiltrent les forces de l’ordre

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«Mais l’exemple le plus flagrant de cette implication des forces de l’ordre est survenu le 6 janvier dernier, lors de l’assaut sur le Capitole à Washington», écrit notre chroniqueur Réjean Grenier. — Tyler Merbler – Flickr
«Mais l’exemple le plus flagrant de cette implication des forces de l’ordre est survenu le 6 janvier dernier, lors de l’assaut sur le Capitole à Washington», écrit notre chroniqueur Réjean Grenier.
Tyler Merbler – Flickr
FRANCOPRESSE – Dans son premier discours après son assermentation en tant que chef d’état-major de la Défense du Canada, l’amiral Art McDonald s’est excusé auprès des victimes de racisme, d’inconduite haineuse et de harcèlement sexuel au sein des Forces armées canadiennes. Ces trois comportements malsains sont tous déplorables, mais à la lumière de la montée de l’extrémisme dans le monde, arrêtons-nous quelques instants sur l’inconduite haineuse.
Quand les extrémistes infiltrent les forces de l’ordre
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Un article du magazine Foreign Affairs postulait récemment que partout en Occident, les forces armées et policières sont en partie infiltrées par des extrémistes de droite et des suprémacistes blancs.

Cynthia Miller Idriss, directrice du Polarization and Extremism Research and Innovation Lab (PERIL) à l’American University de Washington, y donne plusieurs exemples d’inconduite haineuse de la part de militaires et de policiers, autant aux États-Unis qu’en Allemagne.

Son postulat est que les États-Unis devraient suivre l’exemple de l’Allemagne, qui a admis cette faiblesse au sein de ses forces de l’ordre et a adopté des mesures pour la contrer.

J’ajouterais que le Canada doit aussi prendre cette menace au sérieux.

Des militaires ont participé à l’assaut sur le Capitole

Aux États-Unis, les exemples sont légion. Rappelons-nous ces policiers qui distribuaient des bouteilles d’eau aux milices suprémacistes qui tentaient de contrer une manifestation Black Lives Matter à Kenosha, au Wisconsin. Disons qu’ils ne donnaient pas d’eau aux manifestants.

Mais l’exemple le plus flagrant de cette implication des forces de l’ordre est survenu le 6 janvier dernier, lors de l’assaut sur le Capitole à Washington.

On y a vu un groupe de manifestants portant de l’équipement militaire utiliser une tactique militaire développée en Afghanistan pour pénétrer dans l’édifice du Capitole. Il est clair que ces hommes avaient reçu une formation militaire.

D’ailleurs, les enquêtes liées à la manifestation démontrent que plusieurs participants étaient des policiers en congé et des vétérans des forces armées. Dois-je aussi rappeler que plusieurs personnes accusées depuis sont issues de ces groupes?

— Réjean Grenier, chroniqueur Francopresse

Quelques exemples canadiens

Voilà pour les États-Unis, mais qu’en est-il au Canada? Pas beaucoup mieux. Quelques faits.

Le 1er juillet 2017, cinq membres des Proud Boys, un groupe raciste, perturbent une manifestation autochtone à Halifax. On apprendra par la suite qu’ils font partie des Forces canadiennes.

En 2019, un journaliste de Winnipeg, Ryan Thorpe, réussit à infiltrer le groupe néonazi The Base et y rencontre un soldat canadien suprémaciste, Patrik Mathews. Mathews fuira éventuellement aux États-Unis où il sera inculpé pour détention illégale d’armes.

Toujours en 2019, un réserviste de la Marine royale canadienne, Boris Mihajlovic, est identifié en tant qu’administrateur du site Web Iron March, un forum néonazi qui donnera naissance au groupe extrémiste Atomwaffen Division. Des manifestants au saccage du Capitole de Washington portaient d’ailleurs des teeshirts arborant ce logo. Le réserviste aurait été suspendu, puis réintégré.

Le 2 juillet 2020, le réserviste des forces armées Corey Huren utilise son camion pour foncer dans les grilles entourant Rideau Hall, où demeure la gouverneure générale, Julie Payette. Les policiers trouveront plusieurs armes dans son camion.

En aout 2020, un reportage de la CBC identifie Erik Myggland, du 4e groupe de patrouilleurs des Rangers canadiens, comme membre actif du groupe Three Percenters, un groupe d’extrême droite constitué uniquement de membres masculins ayant un permis de port d’armes. Ce groupe, très présent au Québec, publie des photos d’entrainements militaires de ses membres.

Un, c’est un de trop

Plusieurs d’entre vous diront probablement que ces hommes — ben oui, ce sont tous des hommes — ne forment qu’une petite minorité au sein des forces de l’ordre et vous aurez raison.

Mais moi, je dis qu’une seule personne suprémaciste ayant accès à des armes et ayant profité d’un entrainement militaire est un danger de trop.

— Réjean Grenier, chroniqueur Francopresse

Souvenons-nous du caporal Denis Lortie qui, en 1984, a volé des armes dans sa caserne avant d’attaquer l’Assemblée nationale du Québec, où il a fait trois morts et 13 blessés.

L’armée canadienne semble pourtant s’en accommoder. De 2013 à 2018, un rapport interne au sein des forces armées identifiait 50 membres à part entière de groupes extrémistes. Seulement quatre ont été disciplinés.

Comme l’indique l’article de Foreign Affairs, il est temps que les forces de l’ordre mettent de l’ordre là-dedans. L’amiral McDonald a du pain sur la planche au Canada.