Moi-même, en tant que Noire, je n’ose pas me prononcer dans cette discussion sur le droit d’utiliser le mot n*gre. C’est étrange, non?
Tous les amateurs d’Harry Potter comprennent pourquoi on ne peut pas nommer «Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom». Mais, pour le mot n*, alors-là, c’est une autre histoire!
Ce mot évoque des émotions fortes et qui rappellent à la communauté noire qu’on est toujours vus, en 2020, comme inférieurs, alors qu’on ne cherche qu’à être traités avec dignité et respect.
Si on est aujourd’hui en mesure de dénoncer, à nouveau, l’utilisation complète du mot n*, peu importe le contexte ou le lieu où il est prononcé, c’est que nous sommes confrontés à un moment de résistance et résilience. Nous menons et poursuivons le combat, malgré les injustices de tous types.
Le fait d’être Noir ne devrait pas servir de sujet de curiosité. Dire non à ce débat désuet, c’est dire non à la continuation d’être examiné à la Sarah Baartman. Notre Blackness n’est pas à un sujet de débat ni un sujet de recherche. Nous sommes dignes et avons droit au respect.
Voilà j’en ai déjà trop dit. Parce que plusieurs autres chroniqueurs l’ont fait dans les grands médias et sur les médias sociaux, ainsi que de nombreux enseignants et étudiants noirs se sont prononcés et méritent d’être lus et écoutés.
Éduquez-vous! Lisez! Prenez le temps de réfléchir!
Quelques exemples
Cette situation de racisme antinoir n’est pas un cas isolé à l’Université d’Ottawa.
En novembre 2012, un graffiti à teneur raciste est apparu sur une porte de toilettes de la faculté de droit.
En juin 2019, l’Université d’Ottawa défraie la chronique alors qu’un étudiant noir se fait arrêter par la sécurité du campus. Une arrestation qualifiée de profilage racial. Le recteur, Jacques Frémont, avait alors dénoncé l’acte en question et avait présenté ses excuses.
Encore une fois, la semaine dernière, un graffiti haineux a fait son apparition sur le campus.
Comment peut-on avoir l’espace mental et physique de tenir un discours sur le «droit» d’utiliser un mot qui continue à blesser et évoquer de fortes émotions, voire des émotions violentes?
Des solutions à réfléchir
Quelles pistes de solution reste-t-il pour l’Université d’Ottawa (et les autres établissements postsecondaires)?
- Mettre en place des politiques condamnant les gestes et propos discriminatoires et racistes. Sensibiliser aux conséquences de ces gestes et propos. Des politiques qui imposent une culture pour les employés et le personnel académique.
- Des programmes ou des cours obligatoires pour une meilleure compréhension des enjeux qui touchent les personnes racialisées.
- Diversité dans les embauches : selon l’Union des associations des professeurs des universités de l’Ontario (OCUFA), les établissements postsecondaires ont l’habitude d’embaucher les personnes racialisées dans des postes à temps partiel, contractuels, au lieu de postes permanents. Assurer une diversité équilibrée, que ce soit dans les postes de leadeurship, académiques ou de soutien, limiterait les scandales racistes pour ces établissements et permettrait l’instauration d’un sentiment de bienêtre pour les étudiants et le personnel.
- Il est primordial que établissements postsecondaires obtiennent des données portant sur l’ethnicité! Comment pouvoir créer un changement si on ne connait pas notre point de départ? Ces données peuvent inclure le nombre de membres racialisés des facultés, de la direction, parmi les employés et les étudiants, ainsi que les salaires. Ces données permettront aussi d’évaluer s’il y a des écarts de salaires entre les employés racialisés et les autres.
- Répondre aux besoins déjà exprimés par les étudiants ainsi que les membres des facultés. En 2018, l’Université d’Ottawa a déposé un rapport portant sur l’équité en matière des droits de la personne. Déjà, la communauté universitaire s’était prononcée quant à son besoin d’aborder la question du racisme sur campus. Il est temps de mettre ces suggestions en action, non? Ou attend-on un nouveau et plus gros scandale?
Notre Blackness n’est pas une curiosité ni un sujet de recherche académique. Notre Blackness est notre fierté, notre histoire, notre force, notre beauté, notre dignité. Avoir un débat sur l’usage du mot n*, c’est réduire notre Blackness pour l’intérêt de ce mot haineux.
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Paige Galette est activiste et éducatrice communautaire sur l’antiracisme et la lutte contre les oppressions, à l’échelle nationale. Son chapitre From Cheechako to Sourdough : Reflections on Northern Living and Surviving while being Black se retrouve dans le livre Until We Are Free : Reflections on Black Lives Matter in Canada (Diverlus, Hudson, Ware).