L’histoire remonte à l’émission «Cross-country Checkup» du 2 février dernier. Cette émission de type ligne ouverte demandait à ses auditeurs, «Croyez-vous que le premier ministre devrait être bilingue?». Avant de continuer, permettez-moi de dévoiler immédiatement que la majorité des répondants téléphoniques ont dit «oui». Ouf!
Mais revenons à la controverse. Histoire d’étoffer le débat, les producteurs avaient réuni quelques personnes connues pour leur intérêt envers les langues officielles. Entre autres, la professeure au Collège militaire royal de Kingston et à l’Université Queens, Stéphanie Chouinard (rappelez-vous son passage remarqué avec la brochette de Franco-Ontariennes à l’émission «Tout le monde en parle»), ainsi que Gordon Miller, le porte-parole du mal-nommé groupe anti-bilinguisme Canadians for Language Fairness (CLF).
Mme Chouinard n’a pas apprécié de devoir, sans préavis de la part des producteurs de l’émission, affronter une personne reconnue pour ses sentiments anti-francophones. Dès la fin de l’émission, elle envoyait un courriel bien senti au réalisateur Richard Goddard. Elle y affirme que la CBC a contrevenu à son propre code de déontologie en journalisme (Journalistic Standards and Practices) en invitant le représentant d’un groupe extrémiste qui mélange langue et religion pour s’en prendre aux francophones. Elle y fait référence à plusieurs publications sans fondement publiées sur le site web de CLF et rappelle qu’elle a d’ailleurs dû corriger Miller qui avait affirmé pendant l’émission que 70 % des employés fédéraux sont des francophones du Québec. En fait, seulement 43 % des fonctionnaires fédéraux sont bilingues. Mme Chouinard affirme aussi que l’émission aurait pu trouver des opposants au bilinguisme sans racler le fond du baril (mes mots, pas les siens). En lisant son message, je n’ai pu que la féliciter.
Mais c’est la réponse du réalisateur Goddard qui suscite cette chronique. On y sent l’arrogance de la personne qui ne connait rien à notre réalité mais qui sait qu’il est le boss. Il y fait le procès du courriel de Mme Chouinard mais, dès son deuxième paragraphe, il dévoile son jeu. Il affirme sans vergogne que le but de l’exercice n’était pas juste de répondre à la question au sujet du bilinguisme du premier ministre mais «to reflect on the future of Canada’s Official Languages Act … particularly as Canada becomes increasingly multicultural and multilingual.» Et voilà, tout est dit. Le reste de sa réponse est de la bouillie pour les chats.
Évidemment que Cross-Country Checkup a eu raison et n’a pas enfreint le code de journalisme; évidemment que Mme Chouinard aurait dû demander avant l’émission qui y était invité; et évidemment ses connaissances ont été appréciées.
Le pire dans tout ça, c’est que Goddard est comme presque toutes les personnalités qui forment la gent médiatique du Canada anglais. Des personnes bienpensantes qui, en général, appuient l’intégration des femmes, des Canadiens-Africains et des homosexuels dans la société, mais pour qui le French-bashing est ben correct.
Voilà donc nos médias publics. Un réseau «national» francophone qui n’a de nation que le Québec et des médias anglais qui ne nous connaissent pas et qui s’en fichent éperdument.