Dès le lendemain de l’élection, Madame Aude Rahmani d’Ottawa logeait une plainte contre l’émission dénonçant, entre autres, «le parti pris éditorial québécocentriste». Elle écrivait : «Accent mis sur les résultats des circonscriptions québécoises en termes de nombre de vues et de temps d’antenne, et le traitement pauvre ou quasi inexistant des résultats des circonscriptions des autres provinces et territoires.» Elle affirmait qu’étant donné son statut national, Radio-Canada se devait «d’informer avec la même attention et le même respect les spectateurs francophones à la grandeur du pays sur tous les résultats et d’en faire une analyse province par province, territoire par territoire».
Avant de poursuivre, permettez-moi d’avouer que je n’ai pas regardé cette émission. J’ai compris il y a longtemps que, pour avoir une vision vraiment nationale, il faut écouter CBC. Lors de la soirée du 21 octobre, j’ai donc syntonisé CBC et j’ai, à quelques occasions, pitonné pour m’apercevoir que Radio-Canada me parlait encore du Québec. J’ai donc regardé les résultats en anglais. C’est malheureux, mais c’est ainsi.
La plainte de Madame Rahmani ayant été envoyée à la direction de l’information du diffuseur national, c’est un des directeurs du service de l’Information qui lui a répondu. Et comme de raison, il se dit fier de l’émission même si «tout n’était pas parfait». Il défend le québécocentrisme en expliquant que les changements électoraux causés par la remontée spectaculaire du Bloc Québécois nécessitaient une plus grande analyse.
Insatisfaite de ce blabla institutionnel, Madame Rahmani a demandé à l’ombudsman de Radio-Canada de réviser sa plainte.
Et c’est là qu’intervient l’ex-journaliste devenu ombudsman, Guy Gendron. Son rapport de 10 pages est d’une grande méticulosité et super bien écrit. Il présente d’abord le mandat de Radio-Canada. Il passe ensuite à l’analyse de la plainte pour continuer en décortiquant l’émission. Il entre dans tous les détails : le nombre de minutes consacrées aux circonscriptions québécoises versus les circonscriptions des autres régions, les moyens techniques utilisés, la provenance des analystes, la différence de diffusion entre les chaines ICI Radio-Canada Télé et RDI, le respect des normes journalistiques.
Dans ce rapport, Gendron glisse bien quelques commentaires pertinents au sujet du québécocentrisme des émissions réseau de Radio-Canada, mais dans l’ensemble, il donne tantôt raison au diffuseur — l’analyse soutenue de la remontée du Bloc —, tantôt à la plaignante – les premiers résultats provenant des autres provinces n’apparaissent qu’une heure après la fermeture des bureaux de scrutins dans ces régions.
Après avoir ainsi ménagé la chèvre et le chou pendant 8 pages, sa conclusion de 5 lignes indique cependant que «l’émission spéciale […] aurait pu mieux servir le mandat du diffuseur public qui lui demande de refléter la diversité et de présenter des informations pertinentes à tous les citoyens.»
Ayoye, la grosse tape sur les doigts!
Une tape qui ne correspond évidemment pas à l’exaspération que vivent les francophones en milieu minoritaire. Les émissions réseau de Radio-Canada ne nous desservent plus depuis plus de 30 ans et ça prend plus qu’une tape sur les doigts pour que ça change. Comme je l’écrivais dans un de mes éditoriaux au journal Le Voyageur, il est temps de poursuivre Radio-Canada.