Débat futile qui a atteint des proportions démesurées alors que le pays a d’autres chats à fouetter.
Dans l’animalerie, il y en a un qu’on ne fouette pas beaucoup dans les discours et promesses. Vous me voyez venir… Les langues officielles. L’explication se trouve sans doute dans le fait que l’électorat ne veut pas trop en entendre parler.
Il y a six mois, la firme Léger sondait l’opinion sur la valeur que les Canadiens prêtaient au bilinguisme. En gros, près d’un Canadien sur deux estimait «pas très important» ou «pas important du tout» que le Canada soit reconnu bilingue.
Un sondage réalisé en 2012 par la firme Research House révélait que les Canadiens s’entendaient sur la liberté d’expression, le respect envers les personnes handicapées, la liberté de religion et l’égalité des sexes. Quant aux langues officielles, c’était le flou et l’indécision. Elles n’ont pas percé davantage dans l’opinion publique, depuis.
En campagne électorale, on cherche d’abord à attirer l’attention. Ce n’est pas avec une question qui laisse la moitié de l’électorat indifférent que l’on y parvient. Dans ce cas-ci, un turban sur un visage maquillé a de loin devancé un des fondements de l’histoire du Canada et de sa société, soit la cohabitation égalitaire de ses peuples fondateurs.
Cette phrase de Jacques Brel me revient en mémoire : «Chez ces gens-là, on compte, monsieur».
Et bien oui. C’est ce qu’on fait en politique. Le vote espéré et griffé derrière l’isoloir devient l’ultime objectif.
Justin Trudeau est peut-être un peu maladroit. Il n’est pas raciste pour autant. Sa feuille de route à cet égard est plutôt positive… Ses campagnes contre l’islamophobie, les 25 millions de dollars pour les jeunes des communautés noires, tout ça accompagné d’autres initiatives au nom de la diversité en témoignent.
On est loin ici du véritable scandale qui justifierait que l’on en encombre l’espace public comme on le fait.
Les minorités linguistiques sont loin derrière, ensevelies sous une discrétion stratégique, destinée à ne pas faire peur aux Canadiens qui peinent à les reconnaitre.
Il faut quand même admettre que le dernier gouvernement a donné une belle poussée aux langues officielles.
Il y a eu des consultations pancanadiennes, des engagements en éducation et en immigration et on se prépare à moderniser la Loi sur les langues officielles, mais le travail reste à faire.
Les cibles en immigration ne sont pas atteintes, les écoles attendent toujours les nouveaux crédits et la nouvelle Loi sur les langues officielles est toujours à l’étude.
La promesse de faire avancer ces dossiers ne peut pas servir d’appât électoral partout entre nos trois océans. On la sortira à l’occasion devant une assistance déjà acquise à la cause, sans plus.
Les langues officielles n’auront jamais la place des pipelines et autres préoccupations citoyennes.
Toute stratégie cherche à gagner des électeurs. Elle est souvent et davantage œuvre comptable que défense d’un idéal de société. Le message d’un parti quel qu’il soit, vise toujours le rapprochement du peuple. En conclusion, on met les langues officielles en sourdine parce qu’il y a mieux à dire.
Non, pas de brouhaha pour les langues officielles en campagne électorale. On les range dans une autre campagne, celle discrète, la vraie, la bucolique, le fond d’un champ d’où l’on ne fait guère parler de soi.