Au milieu des années 90, il est remonté aux barricades pour dénoncer la fermeture annoncée de l’hôpital francophone Montfort par le gouvernement de Mike Harris. Son insistance combinée à la détermination des Franco-Ontariens a conduit la province à faire marche arrière.
Aujourd’hui, une autre lutte s’annonce pour ce quotidien engagé, non pas pour défendre le fait français, mais pour assurer sa propre survie. Le propriétaire, Groupe Capitales Médias, est enfoncé dans le rouge jusqu’à la noyade. Ce soldat de la francophonie doit trouver lui-même comment garder la tête hors de l’eau.
Il faut bien l’admettre, de sombres nuages planent sur les médias francophones au pays depuis plusieurs années.
On a perdu CKRP, la radio de Falher/Rivière-la-paix en Alberta. D’autres en arrachent comme on le dit familièrement : Plamondon, toujours en Alberta, Gravelbourg en Saskatchewan, Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest, Iqaluit au Nunavut et Pénétanguishene en Ontario. D’autres peinent à boucler les fins de mois en Nouvelle-Écosse.
Presque tous les journaux ont du mal à maintenir leur espace rédactionnel, faute de pouvoir en payer l’impression.
En septembre 2015, L’Express d’Orléans à Ottawa abandonnait son édition papier. On se demandait alors si ce n’était pas le début d’une triste tendance. On a eu la réponse 16 mois plus tard. L’Express a quitté internet en janvier 2017.
Plus que marchandise et entreprise
Une lueur d’espoir a dissipé quelques nuages l’année dernière. Patrimoine canadien s’est engagé à financer des stages dans les journaux et radios en situation linguistique minoritaire. Un baume sur une plaie pour les radios et journaux qui ont survécu jusqu’à aujourd’hui.
L’Association de la presse francophone (APF) avait accueilli cette nouvelle avec optimisme. «Les médias communautaires doivent regarder vers l’avenir et nous savons que la formation de la relève est un élément clé pour assurer la vitalité de l’information locale dans toutes les régions du pays», avait dit à l’époque Francis Sonier, président de l’APF.
Cela dit, il n’y a pas là de quoi sortir Le Droit du bourbier. Il lui faudra de l’argent sonnant et trébuchant.
On dit souvent qu’un journal est à la fois entreprise et marchandise. C’est parce qu’il doit faire ses frais et des profits. Normal. Mais en démocratie, il est beaucoup plus que cela. Il informe et défend aussi. L’histoire du Droit le confirme. Ce quotidien n’a pas fait que de la nouvelle depuis sa naissance. Il a pris position sur des enjeux fondamentaux pour la francophonie. Il est un véritable intervenant qui a contribué à faire de sa société un monde plus égalitaire.
Un journal, c’est aussi la manifestation et l’expression d’une culture et d’un peuple.
J’étais en poste à CBKF, la radio de Radio-Canada en Saskatchewan. Des journaux lancés sans trop de manières trainaient sur une table : Globe and Mail, Star Phoenix, Leader Post. Les titres s’étalaient en anglais… Et puis tout à coup, j’ai aperçu un mot français qui dépassait : «vive». Je sors le journal de l’empilade. Il était le plus modeste de tous en taille. À mes yeux toutefois, il était le plus grand. Je venais de découvrir L’Eau vive.
L’ouvrir, c’était comme entendre les échos de la langue française venus de l’immensité des vastes plaines de l’Ouest canadien sous le plus grand ciel qu’il m’avait été donné de voir. En même temps, ces pages me donnaient la certitude que des Fransaskois vivaient dans ce vaste univers et qu’il partageait ma culture et ma langue.
Souhaitons que Le Droit continue d’être l’expression de la communauté franco-ontarienne dans sa lutte et sa quête d’égalité, ainsi que la manifestation d’un peuple qu’il a informé et défendu depuis sa naissance.