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le Lundi 11 février 2019 19:00 Actualité

Dans les écoles de langue française : Quand les nombres dépassent les prévisions

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De souche acadienne, Réjean Paulin a parcouru la francophonie tout au long de sa carrière de journaliste. Il a aussi vécu en France, au Québec et dans l’Ouest canadien avant de s’établir à Ottawa où il est professeur en journalisme au collège La Cité.
De souche acadienne, Réjean Paulin a parcouru la francophonie tout au long de sa carrière de journaliste. Il a aussi vécu en France, au Québec et dans l’Ouest canadien avant de s’établir à Ottawa où il est professeur en journalisme au collège La Cité.
Francopresse. En deux ans, l’école Rivière-Rideau de Kemptville a doublé ses effectifs. Les données du recensement ne permettaient pas de prévoir cette croissance. Il faudra apprendre à compter, croit le chroniqueur Réjean Paulin.
Dans les écoles de langue française : Quand les nombres dépassent les prévisions
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Kemptville est une petite ville du Haut-Canada, celui des Anglais, accolé au Bas-Canada français que l’on ne désigne plus ainsi depuis belle lurette.

Anglaise jusqu’à l’os, son mignon centre-ville évoque certains quartiers des banlieues londoniennes. Pourtant, la municipalité accepte à l’occasion de faire flotter le drapeau franco-ontarien devant l’hôtel de ville. De plus, elle est sise sur les berges de la rivière Rideau, nommée ainsi par Samuel de Champlain qui a jeté les bases de l’Acadie en 1604 et fondé Québec en 1608.

C’est dans cette rivière et son histoire qu’une nouvelle école française a puisé son nom : l’école Rivière-Rideau. Les fondateurs y ont vu un symbole et un raccord à notre histoire.

Lors de son ouverture en septembre 2016, elle comptait 47 élèves. Un peu plus de deux ans plus tard, 125 arpentent ses corridors. Les choses vont tellement bien que l’on voit déjà le programme s’étendre au secondaire.

L’établissement fait partie du système scolaire public ontarien. Sa voisine, l’école catholique Sainte-Marguerite-Bourgeoys, est tout aussi dynamique. Elle compte 130 élèves au primaire et 50 au secondaire.

Il est fréquent que les écoles débordent parce qu’on a sous-estimé l’achalandage avant leur construction. Certainement pas faux. J’ai visité l’école Alain St-Cyr à Yellowknife. La directrice devait emprunter des salles de travail à l’école anglaise voisine de la sienne. De plus, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a déjà fait état de deux écoles franco-ontariennes qui débordaient quelques années à peine après leur ouverture.


Apprendre à compter

Voilà qui met en lumière le problème du dénombrement. La façon de mesurer la demande ne correspond pas à la réalité. On construit les écoles sur la foi des chiffres recueillis selon une certaine définition de l’ayant droit, et de la probabilité qu’il s’inscrive. L’expérience démontre que ce calcul ne tient pas la route.

La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) soutient qu’il faut voir plus loin que les seuls nombres prévisibles au moment de la planification. La FCFA ainsi que la Commission nationale des parents francophones (CNPF) sont du même avis.

L’école Rivière-Rideau a doublé ses effectifs en moins de deux ans. On aurait pu s’y attendre si tous ces petits francophones habitaient dans le quartier. Et bien non! Des élèves s’imposent de longs et fatigants trajets dans ces austères autobus jaunes matin et soir pour étudier dans leur langue maternelle. Ce seul phénomène devrait convaincre les autorités du bienfondé des demandes de la FNCSF et de ses alliés.

Ce sera sans doute le défi du prochain recensement : formuler les questions de façon à mieux compter les ayant droit et aussi les anglophones qui veulent étudier en français, parce qu’il y en a nous dit la directrice de Rivière-Rideau, Josée Bédard.


Apprendre à s’exprimer

Je vous parlais de l’atmosphère de cette petite ville anglo-saxonne. Je suis entré dans un resto-pub. La serveuse se présente à ma table et m’accueille en anglais. J’ai eu à peine le temps d’articuler une syllabe, qu’elle me répond spontanément en français… Je le confesse avec une certaine gêne, mon accent parle de lui-même…

Mme Bérubé a vécu sa tendre enfance dans un village francophone de l’est de l’Ontario. Elle avait 12 ans quand sa famille a plié bagage pour les déballer à Kemptville. On était dans les années 70. Bouleversante expérience dont elle garde un pénible souvenir.

« Que ça a été difficile… Pas d’école française », dit-elle, avec tristesse. Plus de 40 ans plus tard, elle n’a rien oublié de cette cassure d’enfance… Une école à l’image de sa culture, c’est plus qu’un pupitre où on apprend à lire et à compter. C’est aussi un foyer réconfortant où l’on partage sa vie avec des copains et camarades qui nous comprennent. C’est aussi ce droit que revendiquent la FNCSF et ses alliés pour tous les francophones du pays.