Une étude sur les plus fortes concentrations de population asiatique en Amérique du Nord classe deux villes canadiennes en tête. Des données de recensement américaines et canadiennes publiées fin octobre dans le National Post montrent des majorités asiatiques d’environ 70 % à Richmond (Colombie-Britannique) et à Markham (Ontario). Comment les francophones de ces régions vivent-ils avec cette deuxième majorité?
« On est une communauté parmi toutes celles-là, explique la présidente du Comité de parents de l’École des Navigateurs à Richmond, Suzana Straus. Ça se vit bien, à l’école et à la maison, dans le sens que notre communauté, c’est l’école. »
La présidente estime que la part d’Asiatiques dans l’établissement n’est pas le reflet des statistiques locales. L’école est un milieu interculturel, souligne Suzana Straus. « On a une communauté diverse qui ressemble au reste du Canada : des Québécois, Français et Africains du Nord. »
Les réunions de parents se déroulent dans les deux langues officielles. « Toutes sortes de parents s’impliquent et ils peuvent participer, peu importe qu’ils soient francophones ou anglophones. »
Dans la communauté, derrière l’harmonie, monte parfois de la résistance, note la présidente. « On entend souvent des plaintes parce que les signes sont en langues asiatiques. Ce n’est pas évident de se voir dans la signalisation. »
Le français comme 5e ou 6e langue en importance
Les groupes majoritaires seraient surtout originaires de la Chine, mais aussi des régions du Sud, du Japon, des Philippines et des Corées.
Le phénomène s’étend à toute la métropole de Vancouver, signale la directrice générale de la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique, Marie-Andrée Asselin.
« Notre réalité est un peu différente du reste du Canada, il y a une affinité géographique avec l’Asie. La clientèle de nos écoles est très hétéroclite, ça vient de partout. Il y a beaucoup de métissage entre francophones et asiatiques. C’est la norme, ça fait partie de la vie, les intervenants sont habitués. »
Le grand défi : le français serait la 5e ou 6e langue en importance dans la province, dominée par l’anglais. Dans les hôpitaux, ajoute Marie-Andrée Asselin, les informations sont traduites dans d’autres langues avant le français. Le statut officiel du français n’est pas nécessairement reconnu.
« Les francophones, on est souvent mélangés avec le multiculturalisme. Les autres langues ont plus de locuteurs et c’est un obstacle au bilinguisme. Quand on demande des traductions, on nous dit que si on les fait, il faudra aussi traduire en Coréen. »
La présence des langues asiatiques aurait des avantages, suggère la directrice générale. « Ici, quand tu vas magasiner, t’entends plein de langues, plein d’accents. Comme francophones, on est moins perçus comme étant à part, c’est normal de parler autre chose que l’anglais. »

Un grand nombre de locuteurs du français
Au sein des familles, a-t-elle observé, le français et l’anglais côtoient d’autres langues. « On se demande comment garder notre place, résume Marie-Andrée Asselin. Mais on n’a pas à faire face à une communauté anglophone qui veut juste parler en anglais. »
En 2016, Richmond comptait 139 300 personnes d’origine asiatique, ce qui représente 70,8 % de la population. Markham en recensait 222 765, ou 68 % de ses citoyens.
À l’Association des francophones de la région de York (incluant Markham), la directrice générale Nadia Martins n’est pas surprise de cette concentration. « Ce qui me surprend, c’est qu’on soit la deuxième ville en Amérique du Nord », admet-elle.
« On assume souvent que les gens d’autres provenances ne parlent pas français, mais chez les immigrants de l’Asie, plusieurs sont de pays qui ont le français comme langue officielle et langue d’enseignement. Beaucoup d’Asiatiques parlent très bien le français. »
La gestionnaire donne l’exemple du Japon « où l’on enseigne le français de façon rigoureuse » et des Philippines « où certaines îles ont été colonisées par la France. À Markham, soutient-elle, ils sont présents dans les écoles et dans les organismes. « C’est normal de les voir dans les activités. »
Selon Nadia Martins, cette présence de deux majorités n’est pas source de tensions linguistiques ou identitaires. « Dans notre région, on a un taux d’immigration assez élevé. Qu’ils soient de l’Europe, de l’Afrique ou de l’Asie, ils font partie de la diversité de nos communautés. »
Une pionnière de l’accession à la haute gouvernance
En Colombie-Britannique, la présidente de la Fédération des francophones, Padminee Chundunsing, est une pionnière de la participation immigrante à la haute gouvernance des organismes. La native de l’Île Maurice, dans l’océan Indien, vit à Surrey.
« Beaucoup de nos compatriotes sont ici. On n’est pas vraiment dépaysés. Ça fait 15 ans que je suis ici et ça fait 14 ans que je fais du bénévolat. »
Son accession à la présidence est survenue, affirme-t-elle, après avoir évolué parmi les réseaux de femmes et de culture. Padminee Chundunsing aurait été conseillère à la Fédération pendant sept ans avant d’être élue à la présidente en 2015.
« C’est une grosse responsabilité que d’être la voix des francophones de la province, c’est un rôle que je prends très à cœur. J’aime aider les immigrants à s’installer et à s’intégrer. »