La mort annoncée du Canada français, dans sa forme traditionnelle, n’a pas étouffé l’idée d’une solidarité francophone pancanadienne. En dépit d’un territoire non contigu, des liens identitaires persistent entre toutes ces communautés, Québec inclus.
À partir des États généraux de 1967, les trajectoires nationales du Québec et de la francophonie canadienne ont bifurqué. L’ancienne unité canadienne-française, coulée dans le moule du catholicisme, volait en éclat. L’émergence d’une affirmation québécoise, territoriale et politique, obligeait les autres communautés francophones à se définir elles-mêmes.
Cette fracture de l’ancien Canada français a mis les communautés à rude épreuve mais n’a pas eu raison de leur identité francophone. Elle n’a pas éliminé la volonté de créer des liens entre communautés ou d’appartenir à une aire linguistique et culturelle englobant l’ensemble de la francophonie canadienne.
Les forces centripètes au Québec, dans leurs expressions politiques et territoriales, ont nourri une distance entre Québécois et Canadiens, y compris les francophones. Cette lecture, qui préconise que les visées québécoises et celles des Franco-Canadiens sont irréconciliables, a dominé mais ne raconte pas toute l’histoire.
Les francophones du Canada et du Québec ont un tronc commun identitaire en partage. Il existe des intérêts communs et des échanges fructueux qui transcendent l’attachement que les francophones ont envers leur communauté locale ou territoriale.
Nouvelle solidarité
L’idée d’une solidarité francophone pancanadienne émerge notamment des liens de filiation historiques et familiaux. Les Québécois ont migré vers les communautés francophones du Canada et continuent de les dynamiser. Plusieurs Franco-Canadiens ont de la famille au Québec et y retournent. Nombre de Québécois découvrent leurs racines acadiennes.
Il existe aujourd’hui une mobilité accrue entre les communautés francophones, notamment pour des raisons économiques et éducatives. Bien des francophones du Canada vont étudier dans les collèges ou universités du Québec. L’inverse est aussi vrai.
Au niveau culturel, plusieurs artistes de la francophonie percent au Québec. Le succès du spectacle Acadie Rock aux Francofolies de Montréal témoigne de cet engouement pancanadien. Les francophones à travers le Canada souhaitent fêter la Saint-Jean ensemble, en dépit des frontières qui les séparent. Grâce aux nouvelles technologies, les francophones du Canada ont aussi un meilleur accès aux produits culturels français du Québec.
Le Secrétariat du Québec aux affaires canadiennes a développé des liens avec la francophonie canadienne depuis plusieurs décennies. Ses sorties en appui à l’immigration francophone en milieu minoritaire ont été largement applaudies. De même, les francophones du Canada semblent plus ouverts aux revendications politiques du Québec, notamment lorsque toute la francophonie en bénéficie.
Les identités modernes sont des communautés imaginées. Dès que le clergé a cessé d’alimenter un discours de cohésion nationale canadienne-française, un vacuum s’est créé.
Lentement, sous l’effet de vases communicants contemporains, les francophones et leurs associations développent une solidarité pancanadienne nouvelle dont on commence à reconnaître les contours.
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Ricky G. Richard
Politologue et spécialiste des langues officielles
Québec