Maintenant, la boucle est bouclée, comme on dit. Revenue pour trois semaines, j’ai retrouvé Hearst, le cœur battant, et j’en suis repartie tranquillisée.
Ceci ne veut pas dire que tout devient rose au Sault-Ste-Marie, comme par magie. Loin de là, avec deux ou trois mauvaises nouvelles qui se sont enchainées dès mon retour ici. Malgré tout, il y avait comme un fond calme en moi. Le genre de certitude que donnent les ancrages solides, j’imagine. En effet, je venais de m’en rendre compte en retrouvant la ville familiale qui était devenue mon cocon ces deux dernières années. J’ai revu presque tout ce petit monde qui fut le mien, car très peu avait changé. Somme toute, je n’avais été absente que quatre mois. Et je l’ai eu, mon doré sauté à l’ail ! Même à deux reprises plutôt qu’une, histoire de prendre patience d’ici la prochaine fois.
Cela a vraiment fait du bien de marcher de nouveau dans les rues en toute insouciance. Oui, je crois que c’est ça aussi le charme de Hearst pour moi : j’y retrouve toujours mon âme d’enfant, je fredonne souvent et m’émerveille de toutes sortes de choses. La forme des nuages et les frémissements du Lac Ste-Thérèse. Un cornet de crème glacée au Theatre. Les rires partagés sans arrière-pensées lors d’une jasette entre filles. La fraicheur des tomates et des concombres du chalet de mon hôtesse d’un soir. Le temps qui prend son temps. La Mattawishkwia qui fait semblant de ne pas s’en faire. La poésie des toitures vues d’un balcon, sur fond de ciel. L’étirement des soirées d’été. Le sourire de personnes inconnues au hasard des trottoirs. Tout ceci sans oublier le plaisir renouvelé de voir des têtes familières au gré d’une entrevue. Et l’appréciation de mes articles manifestée par certaines abonnées ou lectrices, dont Mme Claire Gagnon, que je salue et remercie de façon spéciale.
En effet, j’avais repris du service au journal pendant trois semaines, ça s’est allongé un peu plus que prévu et je n’ai pas eu à le regretter. Il y avait de nouvelles recrues, mais certaines choses n’ont pas changé, comme la collaboration facile avec mon ex-patron, sa capacité à accueillir des initiatives constructives et sa qualité d’écoute. En fait, mon poste au journal Le Nord fut l’une de mes deux meilleures expériences professionnelles, et le seul endroit où je suis repassée travailler, jusqu’à ce jour. Quel que soit l’aspect considéré, je n’ai rien à reprocher à Hearst. Pour être tout à fait sincère, je doute que cela arrive un jour, sachant que la perfection n’existe pas chez les humains ni, de ce fait, dans les institutions qu’ils mettent sur pied. Et on s’entend, par ailleurs, qu’il faut bien être deux pour danser le tango !
Le meilleur de tout ceci, c’est l’assurance que j’ai maintenant qu’entre Hearst et moi, ça peut durer. Il ne s’agit pas d’une toquade ou d’une simple aventure, mais avant ce séjour, le doute ou le démenti restait possible. Il n’y avait pas encore eu de distance entre nous ni de manque. Là maintenant, je sais, car l’amour se nourrit aussi de preuves. Je suis donc remontée dans l’autocar d’Ontario Northland sans me poser de questions, sans avoir le cœur serré, sans crainte, car ce n’est qu’un au revoir. Je sais maintenant que Hearst me pardonnera mes apparentes infidélités. Hearst, encore et toujours…
Annonce de brume
Le soleil encore somnolent
Ouvre un œil