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le Dimanche 14 octobre 2018 20:00 Actualité

La vie après le traumatisme

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Théogène Buhelwa, chef d’équipe aux services à la clientèle du Centre Flavie-Laurent.  — Photo : Marta Guerrero
Théogène Buhelwa, chef d’équipe aux services à la clientèle du Centre Flavie-Laurent.
Photo : Marta Guerrero
Témoins de la guerre en République démocratique du Congo, Théogène Buhelwa et sa famille ont été accueillis comme réfugiés à Winnipeg il y a cinq ans. Un récit qui s’apparente à celui de milliers de familles contraintes de fuir leur pays.
La vie après le traumatisme
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Témoins et victimes de la guerre en République démocratique du Congo (RDC), Théogène Buhelwa et sa famille ont été accueillis à Winnipeg comme réfugiés il y a environ cinq ans. Le centre Flavie-Laurent a contribué à éclaircir leurs vies qui n’étaient jusque là ponctuées que par des épreuves pénibles.

Son récit s’apparente à l’histoire de milliers de familles qui sont contraintes de fuir leur pays chaque jour.

Théogène Buhelwa a poursuivi ses études primaires et secondaires dans sa ville natale avant d’obtenir deux licences : la première en psychologie et sciences de l’éducation, et la seconde en sciences de l’informatique à l’Université Nationale du Rwanda. Il est retourné dans son pays natal en 2005 pour épouser sa femme Solange. La conjoncture ne s’améliorant pas en RDC, il a dû fuir vers d’autres terres dès l’acquisition de son diplôme.

« La situation en RDC est dramatique depuis de nombreuses années. Nous en avons tous deux subi de sévères conséquences. De nombreux groupes armés y sévissent et dictent leurs propres lois dans le pays. Ils font régulièrement usage de la torture et du viol sur la population civile. » C’est un rappel de la désignation de « capitale du viol » par Margot Wallström en 2010 quand elle était la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits.

De lourdes séquelles

Comme quantité de Congolais de tout âge, le couple de jeunes mariés n’a pu y échapper : « J’ai été torturé. Ma femme a été violée. Ils ont fait ça devant les yeux de nos propres enfants ».

La situation était devenue insupportable. La seule solution pour se sortir de là était d’accepter le déchirement de l’exil. La famille Buhelwa a alors parcouru des milliers de kilomètres avant de trouver enfin la paix : « On est passés par la Centrafrique avant d’arriver à N’Djamena au Tchad pour constituer un dossier de réfugiés et espérer se rendre au Canada ».

C’est donc une famille déracinée et traumatisée qui débarque en 2013 sur les terres manitobaines. À cause des agressions à répétition, Solange peine en raison de nombreuses séquelles morales et physiques, dont l’hépatite B. Elle souffre aussi d’insuffisance rénale et est dans l’attente d’un donneur compatible.

Difficulté supplémentaire : la jeune femme avait donné naissance à l’enfant d’un de ses agresseurs quelques années auparavant. En l’épousant, Théogène Buhelwa décida de l’adopter, de l’élever comme son propre fils et de mettre sa famille recomposée en sécurité en quittant le territoire congolais.

Une nouvelle vie

Le natif de Bukavu se souvient parfaitement des dates qui composent leur nouvelle vie à Winnipeg. Le 7 juillet 2013 a marqué le début de leur intégration, grâce au programme d’entrée Manitoba Start.

En septembre 2013, le père de famille avait commencé à suivre des cours d’anglais à l’Université du Manitoba. Soucieux du bien-être de ses proches, il a arrêté ses cours pour se former au maniement des camions afin d’obtenir son permis poids lourd et travailler au plus vite.

Il a été embauché par la compagnie de transports Wallace & Carey, il arpenta les routes du Manitoba et de la Saskatchewan de trois heures du matin jusqu’à vingt heures le soir chaque jour pour subvenir aux besoins de sa famille.

Le rythme était soutenu : « Quand je partais, mes enfants dormaient. Quand je rentrais, ils venaient d’aller se coucher. Parfois, ils me demandaient où je vivais quand je n’étais pas avec eux. C’était dur pour tout le monde. Au moins, cette expérience m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes sur les routes, que je souhaite à présent aider. »

La lumière au bout du tunnel

Un beau jour de printemps de cette année, Théogène Buhelwa est tombé sur une annonce publiée par le centre Flavie-Laurent, l’organisme à Saint-Boniface qui porte aide et aux personnes moins nanties et vulnérables en leur donnant des vêtements, des meubles et autres biens de maison. Le centre Flavie-Laurent était à la recherche d’un conducteur de camion. Il postula pour se rapprocher de sa famille et rencontra le directeur de l’organisme, Gilbert Vielfaure.

Au vu de son parcours exceptionnel, le directeur l’invita plutôt à rejoindre l’équipe de gestion. Cette opportunité lui a permis de voir le bout du tunnel, de se stabiliser et avoir une vie familiale normale. Il peut apprécier la compagnie de sa femme et de ses enfants : « Flavie-Laurent n’est pas une compagnie de travail, mais une famille. Ici, je suis en famille. Sans eux, je ne serais pas là. »