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le Jeudi 4 octobre 2018 20:00 Actualité

Ottawa fonce sur le carbone

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Le changement climatique se manifeste partout sur la planète, accéléré par les émissions de gaz à effet de serre. Le Canada fait sa part notamment avec un modèle de tarification du carbone offrant deux options aux provinces qui sera mis en vigueur le 1er janvier 2019.  — Photo : Jean-Pierre Dubé
Le changement climatique se manifeste partout sur la planète, accéléré par les émissions de gaz à effet de serre. Le Canada fait sa part notamment avec un modèle de tarification du carbone offrant deux options aux provinces qui sera mis en vigueur le 1er janvier 2019.
Photo : Jean-Pierre Dubé
Le modèle de tarification du carbone sera mis en vigueur dès janvier 2019, sauf si les provinces qui contestent l’approche unilatérale d’Ottawa gagnent en Cour fédérale. Le Canada choisira-t-il de les accommoder, ou sévira-t-il ?
Ottawa fonce sur le carbone
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La planète compte de nombreux systèmes de plafonnement et d’échange de droits d’émission de carbone polluant. Les États ayant choisi ce mécanisme représentent plus de 50 % du PIB mondial et près du tiers de la population globale. Mais selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada ne fait pas sa part pour respecter ses engagements internationaux.

Le premier défi canadien, c’est que les cibles actuelles demeurent insuffisantes. Le second, c’est que les provinces n’embarquent pas toutes. La Saskatchewan et l’Ontario s’opposent à toute taxe sur le carbone et contestent le régime en Cour fédérale. D’autres attendent le résultat de cette contestation, alors que le Manitoba et l’Alberta ont mis un frein à leur engagement.

« Selon les constitutionnalistes, souligne le professeur Jean-Thomas Bernard de l’Université d’Ottawa, il y a peu de doute que l’autorité fédérale soit reconnue. La Saskatchewan ne questionne pas cette autorité. Mais compte tenu que l’intervention (financière) est massive, on croit que le fédéral devrait accommoder les provinces. »

Sa collègue de l’Université, l’avocate Nathalie Chalifour, estime que le conflit n’a rien à voir avec le partage des responsabilités en matière d’environnement. Il serait motivé par un refus viscéral de certaines provinces de faire leur part, écrit-elle dans la page Opinion du Globe and Mail.

Photo : Jean-Pierre Dubé

Un refus viscéral des provinces de faire leur part

« C’est très révélateur que le premier ministre de l’Ontario demande l’aide des tribunaux après avoir récemment évoqué la “clause nonobstant” (de la constitution) parce qu’il n’était pas d’accord avec la décision d’un tribunal. »

La taxe vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. L’objectif est d’encourager les entreprises à trouver leurs propres moyens et les moins coûteux pour réduire leurs émissions et d’appuyer la recherche d’alternatives faibles en carbone.

Voici comment ça fonctionne : les gouvernements sont invités à imposer aux émetteurs de carbone un prix à la tonne sur les émissions. Cette taxe s’appliquerait aux sources d’énergie à base de carbone consumées pour le transport, le chauffage, l’électricité et à l’industrie.

Le modèle pancanadien de tarification lancé en 2016 se met en place graduellement et sera imposé à l’ensemble du pays dès janvier 2019, d’après le ministère Environnement et Changement climatique Canada. « Au minimum, la tarification s’appliquera aux mêmes sources que la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique », la première province à se lancer.

Que se passe-t-il pour les provinces qui rejettent les mesures ?

Selon le plan fédéral, les provinces peuvent choisir entre deux options : « 1 — un système explicite fondé sur les tarifs (une taxe sur le carbone comme celle de la Colombie-Britannique ou basé sur les prélèvements sur les émissions et le rendement comme en Alberta) ; ou 2 — un système de plafonnement et d’échange (comme celui du Québec) ».

Ce dernier système en place (jusqu’à récemment en Ontario) au Québec et en Californie permet aux entreprises produisant peu d’émissions de vendre une part de leur quota à d’autres qui en émettent beaucoup.

Les revenus de la taxe demeurent dans la juridiction où ils ont été générés, dicte Ottawa. Ils peuvent être utilisés par les provinces pour réduire l’impôt sur le revenu, financer des programmes d’efficacité énergétique ou pour augmenter leurs recettes générales.

En l’absence de plan dans une province ou si le plan proposé ne remplit pas les critères, le régime fédéral sera appliqué par défaut, précise l’économiste Jean-Thomas Bernard. « Si les provinces ne font rien, on est d’accord que le fédéral le fasse à leur place. »

Photo : Université d’Ottawa

Les personnes à faible ou moyen revenu y gagneraient

À ce moment-là, poursuit-il, « Ottawa ne va pas renvoyer l’argent dans les provinces si ce n’est pas elles qui l’ont collecté. Je pense que le fédéral va envoyer l’argent directement aux contribuables. »

Les Canadiens en profiteraient, selon une étude publiée le 21 septembre par l’organisme EnviroEconomics et qui porte sur l’impact potentiel de la taxe fédérale sur les ménages en Alberta, Saskatchewan et en Ontario. Dans les trois scénarios, les personnes à revenu faible ou moyen recevraient plus qu’ils ne paient en taxes sur le carbone.

Pour les gouvernements ayant mis en œuvre un système fondé sur les tarifs, précise le ministère, « le prix du carbone devrait être établi à un minimum de 10 $/tonne en 2018, et augmenté de 10 $/an jusqu’à atteindre 50 $/tonne en 2022 ». Les provinces doivent atteindre pour 2030 la cible de réduction des émissions fixée à 30 %.

Il semble que les progrès réalisés ne seront pas suffisants pour atteindre les engagements du Canada à l’international. Une étude de l’OCDE publiée le 18 septembre titre ainsi : « Peu de pays font payer le carbone assez cher pour atteindre les objectifs climatiques ».

Les nouveaux efforts déployés par le Canada

Le rapport précise que le déficit de tarification « qui compare le prix réel du carbone et les coûts liés au changement climatique » est de 76,5 %, soit une baisse légère relativement aux 83 % de 2012. Au rythme actuel, estime l’OCDE, le prix du carbone ne remplacera les véritables coûts qu’en 2095.

« Une action beaucoup plus énergique est nécessaire pour inciter les entreprises à innover et à rivaliser en vue de décarboner l’économie, et pour encourager les ménages à adopter un mode de vie bas carbone. »

Le Canada est au 6e rang du peloton avec un déficit de tarification de 64,8 % derrière cinq pays européens dominés par la Suisse (26,6) et la France (40,9). L’organisme souligne toutefois que « les nouveaux efforts déployés par le Canada » pourraient réduire le déficit.