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le Mercredi 23 mai 2018 20:00 Actualité

Mission humanitaire : Patrick Laflèche répond présent

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Le généraliste franco-ontarien Patrick Laflèche visite le Soudan-Sud avec Médecins sans frontières.  — Photo : Le Nord
Le généraliste franco-ontarien Patrick Laflèche visite le Soudan-Sud avec Médecins sans frontières.
Photo : Le Nord
Il existe plusieurs façons de contribuer à la santé du monde. Un p’tit gars de Hearst le fait de bon cœur comme médecin de brousse en Afrique. Même si le ragoût d’orignal lui manque. Rencontre avec le médecin généraliste Patrick Laflèche.
Mission humanitaire : Patrick Laflèche répond présent
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Le Nord (LN) : Pourquoi avoir rejoint Médecins Sans Frontières (MSF)?

Patrick Laflèche (PL) : Comme bien des jeunes gens qui songent à une carrière en médecine, j’ai rêvé de voyager avec MSF pendant mon baccalauréat. Au cours de mes études médicales, j’ai cessé d’y penser à cause de la charge de travail universitaire, et aussi parce que tout omnipraticien doit acquérir quelques années d’expérience clinique avant d’être embauché par MSF. En visitant Vancouver, je me suis retrouvé à une soirée de recrutement pour l’organisation. Cette séance m’a rappelé mes aspirations de jeunesse et c’est ce mélange de soif pour l’aventure, la médecine de brousse et le service humanitaire qui m’a poussé à soumettre ma candidature.

LN : En quoi consiste votre travail?

PL : Je fais partie de la mission de MSF au Soudan du Sud. Je travaille comme médecin dans un projet qui offre des soins décentralisés afin de garantir l’accès aux soins de santé aux populations qui vivent dans les localités isolées, un peu comme dans les communautés autochtones du Nord de l’Ontario. Ce qui est différent ici, c’est que l’accès aux services médicaux est limité par le conflit, le déplacement de la population en raison de la violence et les infrastructures de santé détruites. On compte une dizaine d’équipes locales qui offrent des soins de santé de base, en clinique, dans les villages situés près des lignes de combat. Mon rôle est donc de soutenir les activités de ces cliniques en leur rendant régulièrement visite pour former mes collègues sud-soudanais et aider à gérer les cas plus complexes, surtout en obstétrique et en traumatologie.

En pratique, mon travail est varié. Comme il arrive parfois dans l’organisation, on a connu des pénuries temporaires de médecins d’autres projets de la mission et j’ai dû passer une partie de mon temps avec d’autres équipes. J’ai pratiqué dans des cliniques mobiles dans une région du sud, j’ai aidé à planifier et à lancer une campagne de vaccination contre la rougeole, et j’ai fait partie d’une équipe qui a réalisé une mission exploratoire en hélicoptère dans un village qui n’avait pas eu accès à des services de santé depuis presque quatre ans. J’ai de la chance de pouvoir visiter tant de projets, mais j’ai l’impression que c’est mon profil de médecin généraliste du Grand Nord canadien qui m’ouvre des portes.

LN : Comment se déroule cette expérience en terre lointaine?

PL : Franchement, ça se passe très bien. C’est certain qu’il y a parfois des moments difficiles, mais en gros, je vis une expérience qui me fait grandir beaucoup sur les plans personnel et professionnel. J’ai rencontré des collègues vraiment super et j’ai la chance de servir une population ayant de grands besoins. J’approfondis mes connaissances en médecine tropicale, mais j’en apprends aussi indirectement sur les questions de sécurité, les négociations politiques et les préoccupations logistiques de la mission.

LN : Avez-vous vécu un choc culturel à un moment donné?

PL : J’ai vécu des chocs culturels plusieurs fois dans le passé, dans d’autres parties du monde, et je pense que celui d’ici a été assez modeste. Le choc plus profond a été plutôt physique : j’étais à Inuvik où il faisait -45 °C le jour de mon départ. Ici, il fait +45 °C l’après-midi! Pas facile de travailler à ces températures. Les conditions de vie avec MSF nécessitent aussi un certain ajustement. On vit assez collés dans des campements où les moments privés sont rares, et il faut savoir s’habituer aux douches froides et aux latrines.

LN : Que vous a-t-il manqué du Canada ou de Hearst?

PL : J’ai été chanceux de pouvoir déguster d’excellents mets locaux — manioc fraîchement cueilli, miel sauvage, poisson frais des ruisseaux. Cependant, la nourriture sur le terrain est souvent répétitive et on n’y trouve pas les mêmes mets que chez nous. C’est cliché, mais à part la famille et les amis, c’est la bonne bouffe de chez nous qui me manque. Un bon ragoût d’orignal signé René Laflèche, ça me ferait du bien. Ou bien une oie rôtie style sagabon comme nos voisins Cris le font si bien. J’en ai l’eau à la bouche…

LN : Quelle différence cette expérience fait-elle dans votre vie?

PL : Avant de visiter le Soudan du Sud, les crises humanitaires étaient pour moi un concept bien abstrait. Les victimes de ces crises devenaient par conséquent elles-mêmes une abstraction. Je les concevais avec une compassion sincère, mais même ce beau sentiment était au final un peu déshumanisant dans sa simplicité. Cette expérience m’a permis avant tout de tisser des liens d’amitié et de respect avec ces mêmes victimes, d’écouter et d’entendre leurs joies, leurs chagrins, leurs amours. Les gens d’ici ont vécu des choses horribles qu’on ne souhaite à personne, mais ce sont aussi et avant tout des êtres humains, des sœurs et des frères comme nous tous, en quête d’une vie meilleure. La victime abstraite est donc devenue pour moi une personne réelle et nuancée, et cela ne fait que renforcer mon désir de continuer à faire ce genre de travail.

LN : Une dernière chose à ajouter ou à partager?

PL : Le travail humanitaire, ce n’est pas pour tout le monde, mais plein de gens peuvent y participer. MSF emploie des médecins, mais aussi des infirmiers, des logisticiens, des épidémiologistes, des pharmaciens, des administrateurs, des ingénieurs et même des chargés de communication. J’encourage les gens qui envisagent de se joindre à MSF ou à une autre ONG de se lancer, et les jeunes qui y rêvent déjà de s’accrocher à ce rêve bien solidement. Les gens du Nord savent faire bien des choses et sur le plan humanitaire, on en a plein à contribuer!