Patrick Brown pourrait remporter la course à la chefferie, estime Laure Paquette, politicologue de l’Université Lakehead (Thunder Bay), mais ce serait tout. « Il a des amis au caucus et au bureau du parti. Il est devenu chef avec l’appui de membres pour qui la question des mœurs est importante. Les allégations contre lui — et il y en a de plusieurs catégories — ne sont pas réglées.
« S’il ne perd pas la chefferie, il va perdre les élections. La carrière de Brown est finie, mais il ne le sait pas encore. »
L’éditorialiste de L’Express de Toronto, François Bergeron, croit encore possible que les conservateurs remportent les prochaines élections, étant donné la soif de changement chez l’électorat et la popularité du parti dans les sondages.
« Rien n’est coulé dans le béton. Peu importe quel candidat se trouve à la tête du parti — sauf peut-être Doug Ford — les conservateurs risquent de former le prochain gouvernement. Ce serait plus facile pour Christine Elliot et Caroline Mulroney, et encore faisable pour Brown. Mais c’est problématique si c’est Doug Ford ou Tanya Allen. »
« Après le 10 mars, les appuis vont fléchir »
Un des enjeux de la course, selon le journaliste, est le mode de scrutin qui élimine à chaque tour la candidature ayant récolté le moins d’appuis. Il croit probable que l’intégriste chrétienne Allen perdra au premier tour. « Elle a vendu des cartes de membres et un paquet d’électeurs religieux vont se rabattre sur Ford au 2e tour. Mais ça m’étonnerait qu’il passe. »
Laure Paquette reconnaît les mauvaises dispositions des électeurs face à la première ministre Kathleen Wynne. « Ça fait 15 ans que les libéraux sont fatigués et pour l’erreur qu’elle a commise avec l’Hydro, la réélection reste très difficile. La vraie surprise, c’est qu’elle a gagné aux dernières élections. »
L’auteure et professeure note que l’insatisfaction est évidente dans les sondages, très favorables aux conservateurs. « Mais c’est aussi parce qu’ils sont toujours dans les manchettes et même si c’est négatif. Je garantis qu’après le 10 mars, les appuis vont commencer à fléchir. La disparité entre conservateurs et libéraux va rétrécir beaucoup. »
François Bergeron concorde. « On a dit aux dernières élections que Wynne n’avait pas de chance de gagner. Mais les libéraux sont très bien organisés et très unis avec des politiques qui résonnent, comme le salaire minimum. Ça peut être compliqué de les tasser, ils sont bons en campagne électorale. Les conservateurs sont bons avant la campagne, mais quand ça arrive, ils sont désorganisés. »
Le silence des conservateurs sur la francophonie
Quant aux enjeux de la francophonie (l’Université de l’Ontario français, la réforme de la Loi sur les services en françaiset le bilinguisme provincial), les deux formations présentent des positions semblables. Les libéraux vanteront leur record, tandis que ce sera le silence chez les conservateurs, explique Laure Paquette.
Les conservateurs ne feront pas campagne sur leurs intentions en matière linguistique et il pourrait y avoir des variations selon les candidats. Les parlants français Elliot, Mulroney et Brown seraient les plus favorables.
« Ce parti est le seul qui n’a toujours pas de vitrine électronique en français, conclut-elle. Les questions francophones n’existent à peu près pas pour eux et ça n’a jamais vraiment été à l’ordre du jour. On n’est plus à l’époque où on va attaquer, mais on est à l’époque où on va négliger. »
Selon François Bergeron, les francophones peuvent compter sur une certaine continuité sous l’autorité de l’un des trois favoris. « On sait que Brown appuie le projet d’université. »
Le candidat Ford serait davantage un défi, dit-il, puisqu’il est entouré des éléments les plus conservateurs. Pour avoir l’heure juste, il faudra attendre les réponses des candidats au questionnaire que l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario leur a récemment expédié.