« On a été un des premiers conseils scolaires à ouvrir nos écoles aux réseaux sociaux. On fait beaucoup confiance à notre monde. » Bianca Girard œuvre à la direction des services pédagogiques du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario. Avec ses 15 500 élèves, c’est l’un des plus importants de la francophonie hors Québec.
« On travaille à intégrer les technologies dans nos salles de classe et dans notre pédagogie. Ce n’est pas pour substituer l’enseignement par le numérique, mais un soutien. Nos élèves ne sont pas toujours devant un écran. »
L’usage des technologies au CEPEO est défini par la Politique du citoyen numérique, qui traite aussi de l’empreinte numérique. Lorsqu’un élève ou un membre du personnel utilise son courriel, un logiciel ou le réseau sans fil, il est encadré par la politique, qui inclut les dépendances et la cyberintimidation.
La pédagogue explique : « On travaille sur des compétences globales pour que l’élève soit capable d’être créatif, d’être en mode de résolution de problèmes, et d’avoir un esprit critique. On s’intéresse jusqu’aux fake news ! Aucun réseau n’est bloqué chez nous. On n’est pas renfermé sur notre monde. »
« L’utilisation excessive entraine des pathologies »
Près du siège social de l’OMS en Suisse, Le Temps a repris le 2 février la mise en garde de Claire-Anne Wyler, médecin au Service de santé de l’enfance et de la jeunesse de Genève. « L’utilisation excessive des tablettes, smartphones ou jeux vidéo entraine des pathologies comme l’obésité, un retard du langage, des troubles du sommeil, des diabètes de type II, une élévation du stress, de l’hyperactivité, mais aussi une augmentation des cas de myopie. »
Au CEPEO, le directeur responsable du bienêtre et de la sécurité des élèves, Jean-François Thibodeau, reconnaît la problématique. « On l’a vu avec les jeux vidéo. On voit qu’un enfant n’est pas disponible cognitivement en classe et qu’il manque de sommeil. Mais de là à comprendre que c’est une dépendance… »
Il évoque sa propre situation. « Je suis papa aussi. C’est hallucinant de voir combien d’heures les ados peuvent rester rivés à leurs écrans. Il faut limiter l’accès, à cause de l’effet de la lumière bleue. Il faut toujours négocier avec eux et leur expliquer que ça peut avoir un impact sur la mélatonine, que le sommeil peut être moins profond et qu’ils vont être plus fatigués demain à l’école. Mais ce matin, l’écran était déjà allumé à 5 h 15. »
Le gestionnaire constate l’absence de cette problématique dans la stratégie provinciale sur la toxicomanie. Il souhaite que des experts soient disponibles pour guider les écoles sur l’effet de cette dépendance sur la santé mentale. Il connaît les enjeux de cyberintimidation chez les jeunes.
« Ne plus être sur des médias sociaux, c’est le néant. »
« Parfois, on leur demande de suspendre leur compte temporairement. Pour eux, ça ne se fait pas, même s’ils sont en danger. La réalité virtuelle existe autant, sinon plus, que la réalité normale. Ne plus être sur des médias sociaux, c’est comme se renier soi-même. Le néant. »
Selon Jean-François Thibodeau, la capacité du CEPEO d’intervenir en matière de dépendances est conjuguée avec les services de santé publique. Son groupe aurait été formé notamment pour affronter la crise des overdoses aux opioïdes. On se prépare déjà à la légalisation de la marijuana.
« Ça s’en vient avec l’inquiétude des parents sur la banalisation autour du cannabis. Avec l’alcool et le cannabis, on est beaucoup plus structuré, on sait sur quoi on marche. Il faudra qu’on accepte que le phénomène de l’addiction aux médias sociaux existe. Ce n’est pas une petite problématique. »
À la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), le directeur général Alain Laberge souligne ne pas avoir remarqué d’utilisation excessive des technologies. Il s’appuie sur un récent sondage relatif aux heures quotidiennes passées devant l’ordinateur : 1,3 heures par jour pour les élèves de la DSFM, légèrement sous la moyenne canadienne.
« Nous révisons nos directives administratives régulièrement, conclut-il, et à la lumière de la décision de l’OMS, il est évident que nous allons en discuter. »