le Vendredi 9 mai 2025
le Jeudi 12 octobre 2017 20:00 Actualité

La sagesse autochtone au service de la santé mentale : Ces rites qui guérissent

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PHOTO : Darci Adam, La Liberté.
PHOTO : Darci Adam, La Liberté.
Près de 500 enseignants, conseillers, travailleurs sociaux, artistes et professionnels de la thérapie par les arts se retrouvent à Winnipeg pour partager des stratégies visant à encourager la guérison des enfants, des familles et des communautés. Leur inspiration : les cérémonies, rites et expressions artistiques des Autochtones.
La sagesse autochtone au service de la santé mentale : Ces rites qui guérissent
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Pour la première fois, l’Association internationale de la thérapie par les arts d’expression (IEATA) tient à Winnipeg son congrès biennal, qui se déroule du 4 au 8 octobre. Darci Adam, la coprésidente du congrès, soutient qu’il était temps, puisque l’évènement a pour thème Les racines autochtones des arts expressifs.

« Tous nos conférenciers principaux sont des Autochtones. Pourquoi ? Parce que les cultures autochtones possèdent des arts visuels, des danses et des rituels hautement gestuels et significatifs qui peuvent aider une personne blessée, ou encore même traumatisée, à se mettre sur le chemin de la guérison.

« Ces arts expressifs peuvent contribuer d’une manière importante au rétablissement des Autochtones qui subissent toujours les répercussions du colonialisme – les écoles résidentielles, le racisme endémique, l’exploitation sexuelle, les dépendances. Et c’est une richesse pour tous. D’où notre désir de partager ces stratégies avec les 500 professionnels d’Asie, d’Europe et d’Afrique qui assistent au congrès. »

Darci Adam en sait quelque chose. En plus d’être conseillère scolaire à la Division scolaire Pembina Trails, la Winnipégoise est thérapeute et directrice générale du Winnipeg Holistic Expressive Arts Therapy Institute. Son parcours professionnel l’a également conduite entre autres à Wasaglisla, en Colombie-Britannique et à Moosonee, en Ontario, où elle a pu constater d’elle-même auprès des communautés autochtones l’impact positif des cérémonies indigènes.

« Les Occidentaux ont largement perdu le sens du rituel. Les Autochtones pas. Même si le Canada a tenté de supprimer cette facette de leur culture. Ils chantent, battent les tambours sacrés, tiennent des cérémonies comme celles de la fumée, de la suerie ou encore la danse du soleil.

« Ces rites permettent aux participants d’exprimer leurs émotions avec tout leur corps, et très souvent de commencer à évacuer leurs peines et leurs traumatismes, qui tendent à être refoulés dans le corps même. Le tout en établissant et en maintenant un contact profond avec l’environnement. Pour l’Autochtone, la terre est sacrée. L’environnement est sacré, parce que tout est lié.

« Il y a aussi un élément de don,
d’expiation dans ces cérémonies. Quand une personne jeûne, elle donne d’elle-même. J’ai assisté à une cérémonie de la danse du soleil à Sagkeeng. Quand une aînée se suspend à un arbre par des ficelles de peau de bison, c’est un sacrifice énorme qu’elle offre aux jeunes en difficulté, aux familles en crise, à toute une communauté troublée. »

Darci Adam donne à entendre que les rites autochtones peuvent d’abord rappeler aux thérapeutes, enseignants et conseillers combien il est essentiel d’aider les Autochtones à guérir en faisant appel à leurs références culturelles et spirituelles.

« On a beau avoir les meilleures intentions au monde, si on se sert uniquement de stratégies occidentales avec un Autochtone, on va échouer. Les arts expressifs autochtones, en plus d’être utiles et efficaces en soi, servent à faire le pont entre les deux cultures et permettent de rejoindre les personnes des Premières Nations qui ont besoin d’appuis. »

Et les non-autochtones, alors ?

« S’ils font appel aux stratégies qu’on retrouve dans les cérémonies et les arts expressifs autochtones, ils peuvent, eux aussi, en tirer profit. Il y a quelques années, j’ai travaillé avec des adolescentes qui avaient été exploitées sexuellement. La plupart d’entre elles avaient glissé dans la prostitution. L’art expressif était le seul moyen de les rejoindre. Elles ne pouvaient pas parler de leur traumatisme. Les mots ravivaient des expériences pénibles et des émotions intenses. Mais en faisant de la danse, en dessinant, en participant à des expériences presque rituelles, elles sont parvenues à aborder ce qui les tourmentait sans pour autant se blesser davantage. L’art était la porte d’en arrière qui les a conduites vers la guérison. »