La série nous transporte de La Rochelle à Caraquet, en Acadie, avant d’aboutir à Québec, contrairement à The Story of Us de la CBC.
Ce n’est pas une reconstruction historique jouée par des comédiens et commentée par des personnalités publiques, comme la série du réseau anglais. La Grande Traversée est une aventure vécue au quotidien par les descendants de colons du 18e siècle avec tous les risques de la navigation océanique. Tournée durant l’été 2016, la série est diffusée sur les ondes du coproducteur, Radio-Canada, à partir du 11 avril.
« On a fait dix épisodes d’une heure à partir de 1700 heures de tournage, note le réalisateur François Balcaen. C’est un ratio pas mal incroyable. Dans la salle de montage, on a mille post-it sur les murs. »
Les producteurs ont fait construire dans les cales de L’Espérance des quartiers de 16 mètres carrés pour héberger les dix colons à part des 30 marins et huit membres de la production. « C’est un bateau de 160 pieds mais ça devient rapidement petit », raconte le réalisateur manitobain.
« On a voulu que ce soit authentique et c’est certainement ça. Quand on s’éloigne des supports qu’on a l’habitude d’avoir tous les jours, tout ce qui nous reste, c’est la communication. On est dans la narrative psycho-émotionnelle d’une aventure. Et le fait d’être sur un voilier est fantastique. »
Après sept mois de montage, François Balcaen reste marqué par le courage des colons. « J’étais du bon côté de la caméra. C’était très exigeant ce qu’ils ont fait et j’aurais refusé de signer l’engagement. On apprend à les connaître de façon profonde. C’est du monde fantastique, intelligent et sympathique. »

Prenons Christine Savoie, de Néguac, Nouveau-Brunswick. Elle a laissé son conjoint et leurs deux enfants pour s’engager. « Les gens me disaient : tu laisses ta famille! Mais c’est une aventure qu’on ne peut pas laisser passer, ça arrive une fois dans la vie. J’ai expliqué ça à mes enfants. Quand on fait ce qui nous fait peur, la récompense au bout du compte est meilleure. »
L’Acadienne née au bord de l’eau, dont les aïeux sont du Poitou, avait peu d’expérience maritime. En prenant sa décision, elle s’est rappelée tout à coup qu’elle avait le mal de mer.
Malgré les moments difficiles, dit-elle, « ça a été vraiment une expérience merveilleuse. Je me suis rendu compte à quel point je pouvais être forte. Ça m’a donné confiance. Mais pas de prise deux sur un autre bateau, pas de retour en France ni de déportation! »
François Balcaen est également père de famille. « Quand on m’a proposé le projet, on a pris trois jours pour en discuter, mon épouse et moi. Le plus difficile, c’est d’être loin pendant deux mois. »
Le réalisateur garde de bons souvenirs du voyage. « Je n’avais jamais dormi sur un bateau. Mais une fois qu’on s’habitue, c’est superbe. J’ai dormi comme un bébé. »
Les participants ont visionné quelques épisodes. « Se voir à la télé, on n’aime pas ça, avoue Christine Savoie. Mon accent détonne par rapport aux autres. Mais c’est un résumé exact de ce qu’on a vécu. On est satisfait. » Elle reconnait aussi sa peur que la série soit critiquée, comme celle de la CBC.
Un collectif d’historiens et des organismes acadiens ont reproché au réseau anglais de condenser 12 000 ans d’histoire autochtone en quelques minutes, de banaliser le fait français, de glorifier les Anglais et de présenter Samuel de Champlain comme un rustre et d’avoir écarté du scénario Port-Royal et la Déportation acadienne.
La CBC a refusé de présenter les excuses publiques demandées par la Société nationale de l’Acadie ainsi que par les gouvernements du Québec et de la Nouvelle-Écosse. Selon François Balcaen, les premières réactions à la série francophone ont été « très bonnes et très fortes. »