Sylvain Larocque, le Magicien des mots
Tête d’affiche du spectacle qui lance la Tournée de l’humour des RVF 2018, Sylvain Larocque est surnommé par ses pairs québécois le « Magicien des mots ». Depuis les débuts de sa carrière d’humoriste, il a réalisé pas moins de cinq spectacles en solo, participé à 18 galas Juste pour rire et cumulé les honneurs aussi bien comme auteur qu’en tant qu’humoriste.
Vous avez commencé votre parcours en chimie, puis en administration des affaires. Assez sérieux comme entrée en matière! Comment en êtes-vous arrivé à vous tourner vers l’humour ?
Je dis souvent que je suis devenu humoriste par élimination. Plus jeune, avec mon handicap visuel, ce n’était pas très facile de m’intégrer à l’école et je me servais de l’humour comme béquille, comme manière de me faire accepter socialement. Plus tard, à 22 ans, j’ai eu un grave accident de motocyclette, et s’en est suivie une période épiphanique au cours de laquelle j’ai réalisé que je n’étais pas heureux dans ce que je faisais alors.
Souvent, on accepte notre malheur parce qu’il nous est familier plutôt que de choisir d’être heureux. À l’époque, je travaillais dans une grande entreprise informatique et j’ai eu à choisir entre l’emploi que j’occupais le jour et l’humour, qui occupait alors beaucoup de mes soirées. Vous savez ce qui a gagné!
Quels sont les sujets que vous abordez en spectacle ? Devez-vous ajuster le tir quand vous vous exportez hors Québec ?
Mes thématiques sont assez universelles. Je m’intéresse avant tout à la nature humaine, alors je n’ai pas vraiment besoin d’adapter mes numéros lorsque je les présente ailleurs qu’au Québec. Prenons par exemple Un gars, une fille, émission à laquelle j’ai participé comme auteur. On pourrait croire que c’est typiquement québécois comme humour et donc difficile à adapter, mais l’émission a été diffusée dans 36 pays. Comme quoi, peu importe la culture dont l’écriture est teintée, les relations humaines et leurs enjeux rejoignent tout le monde.
Vous collaborez comme auteur avec plusieurs humoristes. Quelles sont les qualités qu’on doit avoir quand on écrit pour quelqu’un d’autre ?
Comme auteur, je dois faire preuve d’une grande humilité. Je dois m’adapter au style et à la musicalité de chacun des humoristes avec lesquels je travaille. Par exemple, j’écris pour Laurent Paquin et Philippe Bond, deux humoristes aux styles diamétralement opposés. Je dois donc bien comprendre la personnalité de chacun et adapter l’écriture afin qu’elle lui corresponde totalement. Évidemment, à force de collaborer avec eux, ces humoristes deviennent des amis et le travail devient alors d’autant plus agréable !
Le milieu de l’humour a été ébranlé récemment par les accusations d’agression sexuelle contre Gilbert Rozon, le grand patron de l’empire Juste pour rire et du festival du même nom. L’entreprise Juste pour rire est maintenant à vendre et un nouveau festival du rire a vu le jour. Comment entrevoyez-vous l’avenir pour l’humour au Québec ?
Je crois qu’après ces tristes événements, les gens ont heureusement été capables de faire la distinction entre l’équipe qui œuvre à Juste pour rire depuis toutes ces années et leur ex-patron. J’ai moi-même travaillé longtemps à Juste pour rire et je n’ai que des bons mots pour ces gens passionnés que j’ai côtoyés au fil des années.
Avec la création de ce nouveau Festival du rire de Montréal, que je supporte entièrement, les quelque 30 humoristes qui sont à l’origine du projet ont saisi l’opportunité de se réapproprier un peu les rênes de l’industrie et de donner une plus grande liberté aux artistes. Pour l’instant, rien n’est imposé et l’objectif est de laisser toute la place aux humoristes afin qu’ils puissent explorer leurs possibilités dans des styles variés. Les temps changent, et nous avons de bonnes raisons de croire que le public est prêt à accueillir ce vent de fraîcheur !
Pour quelles raisons le projet de la Tournée de l’humour des Rendez-vous de la francophonie est-il si important pour vous ?
Cela fait trois ans que je participe à la Tournée de l’humour à Edmonton et au cours de ma carrière, j’ai tourné un peu partout au Canada, aussi bien en français qu’en anglais. J’adore aller à la rencontre des minorités francophones dans les autres provinces. C’est toujours une partie de plaisir et les gens sont vraiment heureux qu’on soit là.
Je trouve ça important de permettre aux gens d’avoir accès à des événements culturels tels que ceux-là dans leur langue. Contrairement aux Canadiens anglophones qui peuvent se tourner vers la culture américaine, les francophones, eux, doivent consommer local pour garder la culture bien vivante. Pour toutes ces raisons, je suis très enthousiaste à l’idée de présenter un spectacle à Terre-Neuve, où je me rendrai d’ailleurs pour la première fois!
« Souvent, on accepte notre malheur parce qu’il nous est familier plutôt que de choisir d’être heureux. »

Mélanie Couture, l’épicurienne décomplexée
Mélanie Couture est arrivée dans le monde de l’humour un peu par hasard, et pour notre plus grand bonheur. Après avoir complété ses études et travaillé dans le domaine de la sexologie, elle s’est lancée dans l’humour depuis plus de 10 ans. Après sa sortie de l’École nationale de l’humour, elle a participé à plusieurs Galas Juste pour rire, écrit un roman, 21 amants, sans remords ni regrets, réalisé une série Web ainsi que son premier spectacle solo, 60 minutes de pure Couture,présenté dans le cadre du festival Zoofest & Off-JFL en 2017.
Comment êtes-vous passée de la sexologie à l’humour ?
Après mes études en sexologie, j’ai travaillé comme intervenante auprès de femmes victimes de violence conjugale, alors pour me changer les idées, je suivais des cours du soir. J’ai fait de tout ! De la salsa, de l’espagnol, puis un jour, je suis tombée sur le site de l’École nationale de l’humour et je me suis inscrite comme ça, sur un coup de tête. J’ai fini par passer les auditions pour intégrer le programme régulier et contre toute attente, j’ai été acceptée ! J’ai quitté mon emploi et je me suis donné 10 ans pour essayer… C’était en 2005 !
Comment décririez-vous votre humour ? Avez-vous des thèmes de prédilection ?
Je dirais que je suis sortie de la sexologie, mais que la sexologie n’est pas sortie de moi ! J’aborde beaucoup les questions liées à l’intimité, à la sexualité, à notre rapport au corps, au culte de la performance, etc. Mon objectif, c’est que quand mon show se termine, les gens aient décompressé par rapport à leurs insécurités et qu’ils acceptent un peu mieux leurs défauts. On dit que je parle cru, mais ce n’est pas vulgaire.
Vous avez fondé le feu collectif Les filles de l’humour. Quel était l’objectif de ce regroupement ?
L’objectif, au départ, était en fait très simple : on voulait se voir ! Étant si peu de femmes dans le milieu de l’humour, on se retrouvait toujours sur des projets différents, souvent seules avec quatre-cinq gars. On avait donc envie de créer un show qui nous permettrait de travailler ensemble, tout simplement. Au début, il y a eu le Girly Show, puis on a été approchées par Zoofest pour faire un show 100 % féminin et ce spectacle-là nous a valu le Nez d’or Coup de cœur du Grand Rire en 2013. On a été présenter ce show en Belgique et en Suisse et tout ça a été une expérience très formatrice.
Que diriez-vous de la place faite aux femmes en humour ?
Je dirais qu’être femme en humour se vit de mieux en mieux. Il y a un buzz depuis quelques années où on supporte de plus en plus de projets féminins. Par contre, je ne partage pas complètement cette façon de faire. Les femmes peuvent être mieux représentées dans le milieu sans pour autant être ghettoïsées, comme c’est encore trop souvent le cas actuellement.
Par exemple, l’été dernier, plusieurs humoristes féminines et moi-même avons été approchées pour faire un autre show 100 % féminin. D’un commun accord, on a décliné l’invitation pour la simple raison que nous croyons qu’il y autant d’humours féminins que de femmes humoristes et que nous refusons de devenir une catégorie parmi d’autres.
Par contre, je dirais que cette attitude vient plutôt d’en haut, des promoteurs, diffuseurs et autres qui ont encore, pour certains, la vieille mentalité. Toutefois, cette division ne se ressent pas au sein des humoristes. Depuis l’affaire Rozon, on sent un vent de changement par rapport à ça et le simple fait qu’on soit deux hommes et deux femmes dans le spectacle qu’on va présenter dans le cadre de la Tournée de l’humour des Rendez-vous de la Francophonie est un bel exemple de cette évolution.
Parlons un peu de cette Tournée de l’humour des Rendez-vous de la Francophonie ! Comment en êtes-vous venue à vous impliquer dans ce projet ?
En fait, j’ai déjà participé à la tournée des provinces maritimes il y a 4 ans et j’ai vraiment trippé, alors quand on m’a proposé de me joindre au projet une fois de plus cette année, je n’ai pas hésité une seconde.
En plus, c’est mon baptême à Terre-Neuve et honnêtement, je suis vraiment excitée! Je vais choisir des numéros que j’aime, sans me censurer. C’est un peu plus stressant que de présenter un spectacle à Montréal, dans le sens où je ne sais pas d’avance comment le public va réagir et le rire est un réflexe qui ne se force pas, mais j’ai bien hâte de rencontrer le public franco-terre-neuvien, on va avoir du fun!
« Les femmes peuvent être mieux représentées dans le milieu de l’humour sans pour autant être ghettoïsées, comme c’est encore trop souvent le cas actuellement. »