La réponse fédérale fait suite à l’ultimatum lancé par l’organisme national le 29 janvier dans la salle de presse du Parlement. « Les paroles ne suffisent plus, a déclaré le président Johnson, nous avons assez attendu. Nous donnons au gouvernement deux mois pour poser des gestes significatifs dans le dossier des langues officielles ».
L’organisme n’a pas fourni d’indication sur les conséquences auxquelles serait exposé le gouvernement s’il ne répondait pas adéquatement à l’ultimatum.
L’enjeu : le niveau de financement pour les cinq prochaines années du prochain plan fédéral pour les langues officielles, qui sera annoncé en mars. La FCFA et ses 18 membres ont pressé l’administration Trudeau à débloquer 575 millions supplémentaires dans le plan d’action 2018-2023.
Devant les rumeurs que cette demande ne serait pas satisfaite, l’organisme a accusé Justin Trudeau de manquer de leadership, évoquant son refus de rencontrer l’organisme depuis l’élection de 2015.
Le Cabinet du premier ministre ne nie pas la charge, mais réitère son engagement. « Nos deux langues officielles sont au cœur de notre histoire et de notre identité, souligne l’attachée de presse Eleanore Catenaro, elles sont une priorité pour notre gouvernement. Notre bureau a eu plusieurs rencontres avec la FCFA. Nous sommes en communication constante avec eux. »

PCH : « On va continuer à appuyer la FCFA »
L’attaché de presse de Mélanie Joly renchérit. « Juste la dernière année, note Simon Ross, la ministre les a rencontrés à plusieurs reprises. Quand ils disent que rien n’a été fait depuis dix ans et qu’il faut faire plus pour les francophones à travers le pays, on est totalement d’accord.
« Je comprends qu’ils veulent s’assurer d’avoir l’oreille du gouvernement, poursuit-il. Je peux vous assurer qu’ils ont l’oreille du gouvernement, de la ministre qui est engagée personnellement dans ce dossier, et ils ont aussi l’oreille du premier ministre. La FCFA est un partenaire important et on va continuer à les appuyer. »
La demande de rencontrer le chef libéral remonte aux élections d’octobre 2015, signale Serge Quinty, le directeur des communications de la FCFA. Les démarches se seraient intensifiées au printemps dernier dans le contexte de la polémique sur la nomination du commissaire aux langues officielles.
« Durant tout l’été, on a fait des démarches auprès du Cabinet du PM et de plusieurs parlementaires pour une déclaration de monsieur Trudeau relativement à l’importance des langues officielles et de l’appui aux communautés. On nous a dit en juin que l’horaire du premier ministre ne lui permettait pas de nous rencontrer avant l’automne. »
FCFA : « Les choses bougent quand le PM s’engage »
La professeure Stéphanie Chouinard questionne les motifs du chef libéral. « Il est assez curieux qu’il n’ait pu trouver un seul moment pour s’assoir avec la FCFA depuis son entrée au pouvoir. D’autant plus que la FCFA démontre une inquiétude grandissante envers le financement des organismes et la place des langues officielles dans les priorités du gouvernement. »
La politicologue du Collège militaire de Kingston trouve « légitime », un an après les consultations nationales sur les langues officielles et « le silence radio au sujet du nouveau plan d’action, de commencer à monter le ton. » Selon elle, « le refus obstiné du PM de rencontrer les représentants des communautés ne peut qu’attiser les craintes de monsieur Johnson. »
La FCFA est persuadée que seul l’engagement formel du PM peut faire avancer le dossier. « Nous avons une très bonne relation de travail avec la ministre Joly », souligne Serge Quinty. Mais « quand monsieur Trudeau s’engage personnellement, on voit que les choses bougent. Nous avons continué à avoir des contacts réguliers durant tout l’automne, mais le dossier n’a pas encore abouti. »
À Edmonton, le professeur Frédéric Boily constate un phénomène plus large. « Justin Trudeau ne sent guère de pression politique des autres partis à agir de manière proactive dans ce dossier. Bref, pas de sentiment d’urgence à s’occuper du bilinguisme et c’est aussi pourquoi il laisse le soin à la ministre Joly de gérer le dossier. »
De plus, selon le politicologue, le dossier est traité par l’administration Trudeau dans le contexte plus large de la diversité. « La diversité n’est pas seulement langagière, mais elle comprend la diversité ethnique et sexuelle, sans oublier les Autochtones. Les libéraux ne semblent pas vouloir d’un carcan biculturel dans lequel une défense trop prononcée du bilinguisme pourrait les cantonner. »