Commençons par le plus simple : le Parti vert, qui ne dispose pas d’une plateforme électorale en bonne et due forme, mais plutôt d’un plan d’action pour le climat.
C’est par principe un enjeu international, parce que les matières polluantes respectent rarement les frontières nationales. Mais en dehors de cet aspect, il n’y a rien à se mettre sous la dent en matière de politique étrangère.
Les plans ambitieux des néodémocrates
Du côté des néodémocrates, mis à part la réitération des grands mythes canadiens — «les droits de la personne, le multilatéralisme, la paix et la sécurité mondiale» — le parti s’engage à «tenir tête à la Chine». Ce n’est pas rien comme ambition pour un «petit» pays comme le Canada!
Le NPD s’engage également à atteindre l’objectif fixé par l’ONU de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide au développement ; promesse éculée de tous les gouvernements canadiens qui n’est jamais remplie.
Notons que, selon les chiffres de l’OCDE pour l’année 2020, le Canada n’a consacré que 0,31 % de son RNB à l’aide au développement, soit moins de la moitié de ce que proposent les néodémocrates.
Le NPD se démarque cependant en prenant un certain nombre d’engagements en matière de santé mondiale et en promettant un financement pour les pays à faible revenu pour qu’ils gèrent au mieux les conséquences des changements climatiques.
Étonnamment, le parti promet de veiller à ce que les «armes fabriquées au Canada n’alimentent pas les conflits et les violations des droits de la personne à l’étranger». J’ai du mal à saisir comment des armes, nonobstant où elles sont fabriquées, pourraient servir à autre chose qu’à alimenter des conflits.
Finalement, le NPD s’engage à mieux soutenir les Forces canadiennes, tant sur les champs d’opération qu’au Canada, en investissant dans la santé mentale et en renforçant les politiques d’équité au sein du ministère de la Défense nationale, dont la dysfonction n’est plus à commenter.
Les conservateurs ont un plan
Si vous avez écouté les débats des chefs, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le Parti conservateur a un plan détaillé pour défendre l’intérêt national et un autre plan détaillé pour promouvoir les intérêts et les valeurs du Canada. Le chef du parti l’a martelé à maintes reprises.
Le tout fait quand même 20 pages, un effort louable.
Notons les faits saillants : s’attaquer aux cyberattaques menaçant notre démocratie grâce à un groupe de travail permanent sur la question ; régler les problèmes au sein des Forces armées (il y a beaucoup de propositions en la matière, rappelons que le chef du Parti conservateur est un vétéran) ; renforcer les capacités de renseignements – vaste programme!
Et encore : une diplomatie pour le Nord et l’Arctique – c’est effectivement la question primordiale pour le Canada dans les prochaines décennies et il serait temps de s’y mettre.
Question d’intérêt pour nous, francophones : les conservateurs s’engagent à renforcer nos liens, économiques uniquement, avec la francophonie… mais aussi avec le Commonwealth.
Le parti propose aussi de s’affirmer comme une nation du Pacifique pour «contrer l’agression chinoise» ; une politique encore plus pro-israélienne que celle du gouvernement actuel avec notamment la promesse de reconnaitre Jérusalem comme capitale de l’État hébreu ; une politique africaine – pour l’instant absente du répertoire canadien ; et enfin, beaucoup de promesses en matière de développement avec un engagement notable sur la sécurité alimentaire mondiale.
L’effort démontré par ce parti pour s’attaquer aux grands enjeux de demain — peu importe qu’on soit d’accord ou non avec leurs propositions — plutôt que de répéter toujours les mêmes mantras, doit être souligné.
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Les libéraux s’inscrivent dans la tradition
Pour finir, les libéraux proposent une «approche raisonnée en matière de politique étrangère» – on s’en voudrait qu’il en soit autrement.
Leurs propositions s’inscrivent dans la plus pure tradition libérale en relations internationales : promouvoir la démocratie et les droits de la personne, ainsi que le commerce mondial.
Si le gouvernement libéral est réélu, il continuera d’appliquer sa politique étrangère «féministe» et son soutien aux communautés LGBTQ2 à travers le monde.
Les libéraux promettent aussi d’accueillir 40 000 réfugiés afghans, soit le double de leur annonce initiale.
Portons toutefois une attention particulière à l’antithèse du sous-titre «Combattre l’autoritarisme et l’ingérence étrangère» ; comment pourrait-on combattre l’autoritarisme sans s’ingérer dans les affaires domestiques d’un pays?
Le Parti libéral prend également de nombreux engagements envers les anciens combattants. Il reste à espérer qu’ils s’attaqueront enfin aux problèmes structurels et culturels que connait le ministère.
Le 20 septembre, que ce soit le Parti conservateur ou le Parti libéral qui prenne le pouvoir, il faut retenir que la participation aux missions de paix, qui fut la pierre angulaire de la politique étrangère canadienne, est définitivement morte et enterrée.
Elle est remplacée par une intégration (donc une dépendance) poussée à l’extrême à l’OTAN, cette organisation d’un autre âge en état de «mort cérébrale», pour reprendre l’image du président français, Emmanuel Macron.
Avec ce parti pris pour l’Alliance atlantique, le Canada n’est pas près de retrouver un siège au Conseil de sécurité de l’ONU ni de peser un tant soit peu dans le jeu international.
Aurélie Lacassagne est politologue de formation et professeure invitée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales (ÉSAPI) de l’Université d’Ottawa.