Dans le Nord de l’Ontario, la plupart des gens se rappellent que la voix de Denis St-Jules les a réveillés tous les matins, puisqu’il a animé l’émission du matin à la station régionale de Radio-Canada pendant environ 20 ans, jusqu’en 2008.

Gaston Tremblay est ami avec Denis St-Jules depuis la fin des années 1960. Ils ont ensemble participé à Moé j’viens du Nord, ’stie et créé les Éditions Prise de parole.
Mais le natif de Sault-Sainte-Marie était plus qu’un animateur et un journaliste. Il était aussi poète et comédien. Même avant son entrée à Radio-Canada, il était déjà dans l’action et voulait donner à la culture franco-ontarienne la place qui lui revenait.
«Denis n’était jamais à l’avant-plan. C’est un gars qui était humble, très efficace», et qui croyait à la cause franco-ontarienne, relate son ami de longue date, l’auteur Gaston Tremblay.
Pour Normand Renaud, collègue à la radio pendant plusieurs années et ami, le mot qui résume le mieux la personnalité de Denis St-Jules, c’est «imperturbable». «C’est le genre de gars qui était en contrôle de ses affaires, qui avait l’air cool en surface, peu importe la folie qui se passait dans les coulisses.»
Gaston Tremblay lui attribue une autre qualité. «Il a écrit un poème qui dit : “Je t’entends rentrer chez moi / par le grincement de la porte.” Ça en dit beaucoup sur Denis, parce qu’il était extrêmement attentif aux autres.»
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La Troupe universitaire en 1970. Denis St-Jules est au centre, entouré de Carole Morissette, Jean-Paul Gagnon, Thérèse Boutin, André-Paiement, Denis Courville et Gaston Tremblay.
Participant à l’histoire
Le désir de connaitre et de faire connaitre la culture des Franco-Ontariens s’est manifesté dès le passage de Denis St-Jules à l’Université Laurentienne. Avec d’autres, il a été de tous les évènements qui ont mené à la création de plusieurs organismes culturels, maintenant regroupés sous le toit de la Place des Arts du Grand Sudbury.
À l’époque, il fait partie des étudiants qui demandent qu’on leur enseigne autre chose que des auteurs français. Il participe à la toute première production originale de la Troupe universitaire en 1969-1970.
L’année suivante, il est de la production de la pièce Moé j’viens du Nord, ’stie, perçue comme un des éléments déclencheurs de l’affirmation culturelle francophone nord-ontarienne, qui mènera à la fondation du Théâtre du Nouvel-Ontario. Il participe aussi à l’organisation de la toute première Nuit sur l’étang.

Denis St-Jules raconte ses souvenirs du Happening ontarien à Johanne Melançon, lors du lancement de L’Exposition Moé, j’viens du Nord, ’stie!.
Puis, en 1973, il est l’un des auteurs du recueil de poésie Lignes-Signes. Avec Gaston Tremblay et Jean Lalonde, ils créeront les Éditions Prise de parole afin de le publier.
Denis St-Jules ne s’est pas arrêté là. Au fil des ans, il a été membre du conseil d’administration de plusieurs organismes culturels. Même après sa retraite et son déménagement à Ottawa, il était encore actif dans la vie culturelle nord-ontarienne.

Aujourd’hui traducteur à son compte, Normand Renaud pouvait compter sur l’aide de son ami Denis St-Jules pour de la révision. Ils ont aussi travaillé ensemble pendant plusieurs années à la station sudburoise de Radio-Canada.
L’engagement qui l’habitait dans sa jeunesse universitaire ne l’a jamais quitté. «C’était encore le même homme 10 ans plus tard, ou 20 ans plus tard, quand il était animateur, raconte Normand Renaud. C’était le même engagement. Je n’avais pas l’impression de travailler avec un fondateur de la culture, mais avec un travailleur de la culture, quelqu’un qui avait encore les deux manches relevées et qui continuait de faire sa contribution.»
Lorsque l’Université Laurentienne a coupé 24 programmes en français en 2021, Denis St-Jules avait été particulièrement bouleversé. «Que restera-t-il alors de cette université qui n’a évidemment plus les moyens de ses prétentions?», avait-il écrit dans une lettre.
Une voix en héritage
Michel Laforge est un musicien indépendant basé à Sudbury. Il a fait une maitrise en histoire sur l’identité franco-ontarienne à Sudbury entre 1968 et 1975 – c’est là qu’il a vu le nom de Denis St-Jules pour la première fois.
«Je gravite beaucoup autour de la Place des Arts et les organismes qui l’ont fondée. En quelque part, c’est grâce à Denis et plein d’autres mondes. Mais si ce n’était pas d’eux, je n’aurais probablement pas de carrière. Il aurait fallu que je déménage de Sudbury pour faire ce que je fais aujourd’hui», dit-il.

Sans des pionniers comme Denis St-Jules, Michel Laforge croit qu’il ne pourrait pas être musicien indépendant dans le Nord de l’Ontario.
De ses rencontres avec Denis St-Jules, il se souvient d’un homme bienveillant et plein de bonne volonté. Sa théorie, c’est que sa passion devait être contagieuse et a influencé ceux qui se trouvaient dans la même pièce.
Alex Tétreault a aussi travaillé dans les organismes culturels de Sudbury. Il a rencontré Denis St-Jules à travers le Salon du livre. Même si c’était «un vieux de la vieille, il n’était pas une tête grise», dit-il d’un ton un peu moqueur.
«Il était toujours ouvert à la nouveauté. Il était allumé, il était le fun. C’était un homme qui était incroyablement généreux… vraiment juste une bonne personne.» Il semblait toujours intéressé par ce que préparaient les nouvelles générations d’artistes, ajoute Alex Tétreault.

Alex Tétreault a été marqué par la curiosité de Denis St-Jules pour les projets des jeunes artistes de la relève.
Pour lui, il était évident que Denis St-Jules faisait ce qu’il faisait «par amour de la chose, par amour pour sa communauté».
Gaston Tremblay prépare présentement le troisième tome de sa série de romans d’autofiction autour de l’effervescence à laquelle lui, Denis St-Jules, André Paiement, Robert Paquette et bien d’autres ont participé.
La présence de son ami Denis lui manquera doublement, puisqu’il devait l’aider à la relecture et à construire le personnage qui le représentera.
«La dernière chose que je lui ai dite dans ma lettre : “maintenant il ne me reste qu’à créer un personnel à la hauteur de ta personne”», conclut M. Tremblay.