Si le nom de François Boileau semble familier, c’est qu’il s’agit de l’ancien commissaire aux services français de l’Ontario. Il a été nommé au poste d’ombudsman aux contribuables au sein du gouvernement du Canada en octobre dernier. Il succède à Sherra Profit, qui avait été nommée en 2015.
Indépendant de l’Agence du revenu du Canada (ARC), le BOC a pour mission de «renforcer la responsabilisation de l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans le service offert aux contribuables et le traitement qu’ils reçoivent par le biais d’examens indépendants et objectifs des plaintes liées au service et des enjeux systémiques», tel que l’indique son site Web.
Autrement dit, un contribuable ne peut s’adresser au BOC pour demander une révision de sa déclaration de revenus, mais peut dénoncer les services qu’il a reçus à l’ARC.
Afin de mieux comprendre le rôle du BOC, Francopresse s’est entretenu avec François Boileau.
Francopresse : Quelle est la portée du rôle de l’ombudsman des contribuables?
François Boileau : Nous, on est un bureau de dernier recours. Contrairement à ce que je faisais au Commissariat aux services en français de l’Ontario, on n’était pas de derniers recours ; ici, on l’est.
Donc, ça veut dire que les contribuables qui ont des enjeux avec Revenu Canada doivent d’abord se plaindre à Revenu Canada, après quoi ils peuvent venir chez nous. À moins que ce soit très urgent et là, on va pouvoir intervenir tout de suite.
Bien peu de gens savent qu’il existe une Charte des droits du contribuable, qui est à la base de notre action. C’est une charte de 16 points, dont huit en particulier s’inscrivent dans notre mandat.
Il y en a qui sont hors mandat, comme les services en français. Si je reçois une plainte à ce sujet, c’est mon collègue le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge qui va s’en occuper.
Qu’en est-il des contribuables mécontents de ce qu’ils doivent payer à l’impôt?
Notre mandat, c’est vraiment le service à la clientèle. Si par exemple on n’a pas reçu les services dans les délais opportuns ; ce qu’on voit en ce moment avec la pandémie, il y a des retards importants.
Il y a aussi de nouveaux programmes qui ont été mis en service. Les gens sont inquiets. On est passés du programme PCU à un service de l’assurance-emploi. On a des situations où des contribuables peuvent attendre plusieurs heures au téléphone. Donc ça, ce sont des enjeux de service où on va pouvoir interagir.
Donnez-nous des exemples de plaintes que vous recevez.
On a beaucoup de plaintes qui sont malheureusement hors mandat. Ils vont se plaindre parce qu’ils sont des contribuables, puis c’est le bureau de l’ombudsman des contribuables. Alors ceux-là, on tente de les rediriger vers le bon service.
Mais plus de la moitié des plaintes qu’on reçoit sont de notre compétence. Il faut vérifier s’ils ont d’abord porté plainte à l’ARC. Parfois, ça peut être urgent, par exemple si une femme monoparentale qui vient de perdre son emploi ne reçoit pas de pension alimentaire et doit payer ses fins de mois, on peut les transférer, on a une entente avec l’ARC.
On ne prend pas parti. On reçoit toujours l’interprétation du contribuable, mais l’ARC doit faire son travail avec impartialité, objectivité, puis nous on est là pour surveiller que ça se fait de la bonne façon. La plupart du temps, ça se fait bien.
Il y a aussi des enjeux où le service n’a pas été courtois, n’a pas été affable, où on a promené quelqu’un d’une direction à une autre, ce qui a rendu le contribuable confus.
Donc, il y a des enjeux. Si ça devient systémique, on peut en faire une enquête et ç’a été fait une douzaine de fois dans le passé, ce qui a fait en sorte que l’ARC a amélioré ses politiques et procédures.
Est-ce que les pouvoirs de l’ombudsman s’apparentent à ceux d’un commissaire aux langues officielles, c’est-à-dire un rôle de recommandation surtout?
La plupart des ombudsmans et des commissaires sur la planète ont sensiblement les mêmes pouvoirs, c’est-à-dire un pouvoir de persuasion morale. Mais on n’a pas de pouvoir de contrainte.
Si on avait ce pouvoir, est-ce qu’on serait encore un ombudsman ou est-ce qu’on deviendrait plutôt un tribunal quasi administratif, quasi judiciaire? Je trouve que la fonction d’ombudsman est beaucoup plus flexible parce qu’on peut jouer un rôle de médiation aussi. Quand on a un rôle de décision, on peut moins jouer le rôle de médiateur.
Je comprends ceux qui demandent plus de pouvoirs, par exemple pour le commissaire aux langues officielles. Mais il faut faire attention à ce qu’on demande. Un pouvoir de contrainte, ça le contraindrait à exercer ses pouvoirs différemment.
La question qui se pose est celle qui a été soulevée par ma prédécesseure dans son rapport annuel sur la question d’indépendance. La différence majeure entre le commissaire aux langues officielles et mon bureau, c’est que Raymond Théberge relève du Parlement. Il a été nommé par la Chambre des Communes et le Sénat.
Dans mon cas, je suis un conseiller spécial de la ministre du Revenu. L’ARC nous traite comme étant «arms length» (sans intermédiaire). On fait partie de la grande famille de l’ARC, mais on est quand même indépendant. Moi, je ne préconise pas de changements pour l’instant. Je ne dis pas que j’aurai la même opinion dans cinq ans.
Mon objectif, c’est de m’assurer les gens savent que l’ARC a des devoirs et des responsabilités.
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Charte des droits du contribuable
La Charte des droits du contribuable a été adoptée en 2007. Elle vise à définir les droits et le traitement auquel le contribuable peut s’attendre lorsqu’il ou elle obtient des services de l’Agence du revenu du Canada.
- Vous avez le droit de recevoir les montants qui vous reviennent et de payer seulement ce qui est exigé par la loi.
- Vous avez le droit de recevoir des services dans les deux langues officielles.
- Vous avez droit à la vie privée et à la confidentialité.
- Vous avez le droit d’obtenir un examen officiel et de déposer par la suite un appel.
- Vous avez le droit d’être traité de façon professionnelle, courtoise et équitable.*
- Vous avez droit à des renseignements complets, exacts, clairs et opportuns.*
- Vous avez le droit de ne pas payer tout montant d’impôt en litige avant d’avoir obtenu un examen impartial, sauf disposition contraire de la loi.
- Vous avez droit à une application uniforme de la loi.
- Vous avez le droit de déposer une plainte en matière de service et d’obtenir une explication [des] constatations [de l’Agence du revenu du Canada].*
- Vous avez le droit que [l’Agence du revenu du Canada tienne] compte des couts liés à l’observation dans le cadre de l’administration des lois fiscales.*
- Vous êtes en droit de vous attendre à ce que [l’Agence du revenu du Canada rende] compte.*
- Vous avez droit, en raison de circonstances extraordinaires, à un allègement des pénalités et des intérêts imposés en vertu des lois fiscales.
- Vous êtes en droit de vous attendre à ce que [l’Agence du revenu du Canada publie ses] normes de service et que [l’Agence du revenu du Canada en rend] compte chaque année.*
- Vous êtes en droit de vous attendre à ce que [l’Agence du revenu du Canada vous mette] en garde contre des stratagèmes fiscaux douteux en temps opportun.*
- Vous avez le droit d’être représenté par la personne de votre choix.*
- Vous avez le droit de déposer une plainte en matière de service et de demander un examen officiel sans crainte de représailles.
* Les droits que l’ombudsman des contribuables est chargé de faire respecter.