Le juge Wagner est le meilleur choix pour assurer la tradition juridique et le bilinguisme de la Cour. »
Lors de l’annonce au Parlement, la ministre a souligné l’engagement du nouveau juge en chef en termes d’éducation juridique, de coopération internationale, ainsi qu’au niveau de son esprit d’équipe. « Le juge Wagner est connu pour sa nature collégiale, sa capacité de s’entendre avec les autres juges et d’œuvrer en faveur du consensus. »
Le juriste Mark Power, qui a plaidé plusieurs fois devant la Cour suprême depuis la nomination de Richard Wagner en 2012, reconnaît les bonnes dispositions du nouveau juge en chef. « Il est très présent à l’extérieur de la Cour, il participe souvent à des conférences et à des banquets. Il a beaucoup d’entregent et il aime être avec les autres, comme son prédécesseur Beverley McLachlin.
« Le rôle du juge en chef est bien sûr de gérer la Cour, note Mark Power, mais il est aussi littéralement le visage de la justice au Canada et dans le monde. C’est un juge rassembleur qui inspire confiance. »
Deux langues et deux traditions juridiques
Le constitutionnaliste applaudit le choix de Justin Trudeau qui maintient l’alternance entre les deux langues officielles et les deux traditions juridiques, rappelant que la juge McLachlin a succédé au Québécois Antonio Lamer en 2000.
« Cette tradition est tellement importante pour le bilinguisme au Canada et très important pour les francophones et Acadiens. C’est le message principal. »
Le directeur général de la Fédération des associations de juristes d’expression française, Rénald Rémillard, est du même avis. « On espère qu’étant originaire du Québec, Richer Wagner sera sensible à la nécessité que les juges de la Cour suprême soient capables d’entendre les justiciables d’expression française dans leur langue, sans l’aide d’un interprète. »
L’organisme compte sur le nouveau juge en chef pour appuyer ses efforts pour que ce principe soit pleinement respecté et reconnu à la Cour suprême.
La ministre de la Justice a insisté sur cet aspect de la nomination, le bilinguisme du juge Wagner faisant partie de « la richesse de l’expérience » qu’il apporte au banc. « Le bilinguisme est une expertise très importante que le premier ministre a considérée, parce que les Canadiens ont besoin d’être entendus dans les deux langues officielles. »
« Incroyablement heureux » de sa nomination
Jody Wilson-Raybould a fait savoir que le premier ministre Justin Trudeau a rencontré le candidat dans la soirée du 11 décembre pour lui proposer le poste et que le juge Wagner s’était montré « incroyablement heureux » de sa nomination.
Originaire de Montréal, Richard Wagner a fait un bac en sciences sociales et un diplôme en droit à l’Université d’Ottawa. Admis au Barreau québécois en 1980, il a été nommé juge à la Cour supérieure avant d’être appelé à la Cour d’appel du Québec en 2011. Il a accédé à la Cour suprême du Canada à la demande du premier ministre Stephen Harper.
Questionnée sur l’éventualité d’une présence autochtone à la Cour suprême, la ministre de la Justice, elle-même Autochtone, s’est montrée enthousiaste.
« J’ai hâte au jour que ça deviendra possible. Les prochaines occasions se présenteront à la Cour en 2020 ou 2021, mais on ne sait pas encore ce qu’on fera. Notre premier ministre a réaffirmé que toutes les nominations seront bilingues pour refléter notre engagement sur cette question. »
La politique en place est insuffisante
Il semble que l’engagement actuel n’est pas suffisant. Le jour même de la nomination du juge Wagner, le Comité permanent des langues officielles des Communes, dominé par des députés libéraux, a recommandé que le gouvernement légifère pour garantir le bilinguisme des juges à la Cour suprême.
Dans son rapport intitulé Pour que justice soit rendue dans les deux langues officielles, le Comité présidé par Denis Paradis rejette l’idée que le bilinguisme dépende de la bonne volonté du premier ministre. Il recommande de modifier dans ce sens la Loi sur les langues officielles qui exige déjà la compréhension de la langue officielle du justiciable chez les juges des autres tribunaux du pays.
Le gouvernement libéral a récemment voté contre un projet de loi du Nouveau Parti démocratique dans ce sens, présenté par le député François Choquette, sous prétexte qu’un tel changement nécessite un amendement constitutionnel. Mais selon les témoins réunis par le Comité, un amendement législatif serait suffisant pour encadrer le bilinguisme des juges.
Le rapport de 60 pages contient dix recommandations, dont une croissance de « la capacité langagière des intervenants dans l’ensemble de l’appareil judiciaire » et du « soutien aux organismes communautaires œuvrant dans le domaine de la justice ».