De leur propre aveu, le couple a suivi le parcours typique de la plupart des jeunes adultes en début de carrière : dettes d’études, achat d’une première maison et de nouvelles voitures lorsqu’ils ont chacun trouvé un emploi stable.
«Quand on est déménagés dans la grande ville d’Ottawa, on s’est dit qu’on aimait vraiment ça et qu’on ne pourrait jamais partir. Avant d’avoir des enfants, on voulait des grosses carrières… On ne s’imaginait pas vouloir revenir dans le Nord de l’Ontario! Mais quand on a eu des enfants […] nos priorités ont changé», illustre Danielle Venne.
Elle-même travaillait pour le gouvernement fédéral et son conjoint pour une compagnie d’assurances. Aujourd’hui, le couple est à la retraite depuis environ trois ans et ils consacrent leur temps à élever leurs trois enfants de sept, cinq et deux ans.
Grâce aux économies qu’ils ont amassées au fil de leurs courtes carrières ainsi qu’à l’achat de logements locatifs et à des investissements en bourse, Danielle et Réjean n’ont plus besoin de travailler et vivent désormais de leurs revenus passifs.

Plus vite que prévu
C’est en 2015 que le couple a entendu parler pour la première fois du concept de «retraite précoce», via l’un des blogues canadiens les plus connus sur le sujet : Mr. Money Mustache.
«On a commencé à faire un plan […] On avait toujours tenu compte de nos dépenses, mais là, on essayait de voir s’il y avait des dépenses qu’on pourrait réduire, optimiser», explique la jeune retraitée.
On pensait que ça allait nous prendre cinq ans, donc arrêter en 2020, et on l’a fait deux ans plus vite. On a pris notre retraite en 2018!
À ce moment-là, le couple avait réalisé que leur projet pourrait se concrétiser beaucoup plus rapidement s’ils vendaient leur maison d’Ottawa pour retourner vivre dans le Nord de l’Ontario, où le cout de la vie est beaucoup moins élevé.
Le tout s’est réglé très rapidement et grâce au montant de la vente de la maison, environ 600 000 $, ils ont pu acheter sans hypothèque une maison à Sturgeon Falls et investir la balance.
Grâce à cette forme d’arbitrage géographique ainsi qu’à l’élimination des paiements de voiture et des couts de garderie, les jeunes retraités ont réussi à réduire leurs dépenses annuelles d’environ 85 000 $ à 30 000 $.
D’après Danielle Venne, le fait d’être frugal a grandement facilité leur projet de retraite précoce : «Les personnes qui sont un peu moins frugales, ça leur prendrait plus longtemps parce qu’il faudrait économiser plus d’argent pour pouvoir couvrir leurs dépenses et avoir un plus grand revenu passif […] On a pu sauver deux ans dans notre plan parce que ça nous prenait juste 30 000 $ par année.»
«Si quelqu’un, ça lui prend 50 000 $, ça va peut-être lui prendre quelques années de plus pour avoir l’argent nécessaire. Mais c’est quand même possible!» ajoute-t-elle.
Le couple précise toutefois ne pas avoir fait de «sacrifices» pour adopter ce nouveau mode de vie et que la famille ne s’empêche aucunement de faire des activités en raison de l’argent.

Un mode de vie axé sur la liberté et la flexibilité
En fait, tous ces changements ont permis au couple de faire tout ce qu’ils ont toujours voulu faire, comme d’avoir un troisième enfant : «Avant qu’on prenne notre retraite, on ne savait pas si on en voulait un troisième ou non. Si on était restés dans notre situation à Ottawa, en travaillant, on n’aurait pas voulu en envoyer un troisième à la garderie. Mais un an après avoir pris notre retraite, on s’est dit que oui, on en voulait un troisième!» explique Danielle Venne.
Ma petite a eu deux ans samedi, et j’ai vraiment apprécié d’être à la maison dès la naissance, comparé aux autres qui ont été à la garderie… Je suis tellement contente qu’on ait pu se permettre ce style de vie!
Plus récemment, les parents ont également pu se permettre de choisir de faire l’école à la maison pour leurs enfants, comme ils l’expliquent sur leur blogue, Mindful Family.
«L’école à la maison, on n’aurait jamais pu entreprendre quelque chose comme ça avec un emploi à temps plein! C’est quelque chose à quoi on pense depuis qu’on a pris notre retraite et on a décidé de le faire cette année», explique Réjean Venne.
Le tout se passe évidemment en français, langue maternelle des deux parents et la seule parlée par le père de Réjean. «Quand on était à Ottawa, nos enfants allaient à la garderie francophone. C’était certain que n’importe où qu’on allait, on voulait qu’ils aillent à l’école francophone […] Ils commencent tout juste à comprendre un peu d’anglais», explique Danielle Venne.
Elle ajoute que «dans le Nord de l’Ontario, on a une expression qui dit que le français s’apprend et l’anglais s’attrape! On voulait que les enfants apprennent le français et l’anglais va venir quand ce sera le temps».
Le couple a également mis en branle un autre projet d’envergure il y a quelques semaines : ils ont vendu leur maison de Sturgeon Falls et se sont acheté une autocaravane, dans laquelle ils habiteront au moins pour l’année à venir.
C’est aussi un projet qui ne marcherait pas dans un style de vie traditionnel! On a beaucoup de plans comme ça qui peuvent juste arriver parce qu’on a le style de vie qu’on a choisi.
Fait cocasse, ce dernier a d’ailleurs pris sa retraite pratiquement en même temps que ses parents : «Ça a juste adonné comme ça, ça ne faisait pas vraiment partie du plan! Mais mes parents ont pris leur retraite à 55 ans, après des carrières de 30-40 ans, et ç’a adonné que c’était presque le même mois [que lui et son épouse]», lance-t-il en riant.

Toujours des projets en tête
Parmi ses autres projets de retraite, Réjean compte déjà à son actif la publication en janvier 2021 d’un livre intitulé 5 Years to Freedom : A Canadian Guide to Early Retirement, où il partage son parcours avec Danielle et offre des stratégies pour parvenir à la retraite précoce.
Notre histoire, on n’en discutait pas tant que ça sauf avec nos amis et notre famille ; la plupart des gens pensaient juste qu’on prenait une année de congé. J’ai décidé que c’était une pas mal bonne histoire et que je pouvais partager plusieurs conseils, donc j’ai fait une liste et ç’a tourné en quelque chose qui avait assez de substance pour être un livre!
La réception a été encore meilleure qu’il ne l’anticipait : «J’avais des attentes pas mal basses […] Le succès est beaucoup plus important que je pensais, avec plusieurs entrevues et des podcasts! Ça va générer un peu de revenus qu’on n’anticipait pas du tout et ça nous donne de la motivation pour peut-être écrire plus dans le futur», se réjouit-il.
Le prochain défi pour la famille, outre leur projet de voyager à travers le Canada à bord de leur autocaravane, sera de tenter de trouver d’autres familles ayant des intérêts similaires aux leurs, voire le même mode de vie : «On cherche toujours des familles qui peuvent partir en vacances au milieu de la semaine», lance Réjean en riant.
«C’est juste tellement rafraichissant de trouver d’autres gens qui pensent comme [nous]», seconde Danielle.
«La première année, c’était un peu difficile d’en parler parce que c’est pas mal hors norme […] Mais une fois qu’on est devenus confortables, ça a été important pour nous de partager. De plus en plus de gens, quand ils ont su notre histoire, voulaient savoir comment y arriver», ajoute-t-elle.
«Avant qu’on suive Mr. Money Mustache, on n’avait aucune idée que c’était même une possibilité. Ça nous a tellement ouvert les yeux! […] Peut-être que ça vaut la peine de partager notre histoire si ça peut aider d’autres gens à découvrir ce mode de vie, qu’on est tellement heureux d’avoir trouvé!» conclut Danielle.