Les neuf juges du plus haut tribunal du pays, qui entendent un appel pour la première fois à l’extérieur d’Ottawa, doivent déterminer la façon de traiter les droits à l’instruction dans la langue de la minorité garantis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Les procureurs représentant le gouvernement de la Colombie-Britannique ont expliqué au tribunal que le cout de l’éducation de langue française et les ressources financières du gouvernement provincial étaient des priorités concurrentes. Une des avocates au dossier estime que ce que le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) souhaite obtenir représente 350 millions de dollars, un montant plus élevé que le budget total annuel alloué par la province à l’éducation.
Cet argument de la Colombie-Britannique a reçu l’appui de six autres provinces et territoires, qui ont obtenu le statut d’intervenants dans la cause. Pour le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Jean Johnson, ces provinces et territoires «font front commun contre les francophones» en argüant que l’éducation de langue française équivalente à celle de langue anglaise coute trop cher.
«Ces gouvernements-là n’ont pas compris ce que veut dire le mot égalité. Encore une fois, on traite le français non pas comme une langue officielle du Canada, mais comme une langue d’accommodement. Et on dit aux francophones que vos droits linguistiques, on a le droit de ne pas les respecter si on a des décisions économiques à prendre», explique le président.
Encore une fois, on traite le français non pas comme une langue officielle du Canada, mais comme une langue d’accommodement.
Appel aux chefs
Jean Johnson estime que le Canada vit présentement une crise concernant la légitimité du français. Il demande aux chefs de partis fédéraux de se pencher sur ce problème.
«Les représentants des partis fédéraux devraient avoir une conversation avec leurs homologues des provinces et territoires et leur rappeler que le Canada a deux langues officielles, ça fait partie de la Constitution et que les provinces ont une responsabilité», ajoute-t-il.
Le président souhaite que la société civile en parle et que la question de l’éducation francophone figure dans les discours des chefs fédéraux. Il aimerait aussi voir les partis s’engager ou réaffirmer leur engagement à moderniser la Loi sur les langues officielles.
Équivalence réelle et proportionnalité
La Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel ont toutes deux débouté les demandes du CSF. Le CSF estime que ces tribunaux font erreur en déterminant que l’équivalence entre une école francophone et une école anglophone est atteinte en comparant leurs effectifs, leurs immeubles et leurs capacités si elles sont similaires. «Une telle analyse désavantagera presque toujours la communauté linguistique en situation minoritaire», écrit le CSF par voie de communiqué.
Le CSF et la FPFCB ont plaidé jeudi que les besoins des minorités linguistiques ne se comptabilisent pas de la même façon. «L’article 23 repose sur la prémisse que l’égalité réelle exige que les minorités de langue officielle soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d’éducation équivalent à celui de la majorité de langue officielle», peut-on lire dans le mémoire des appelants.
«Nous sommes convaincus que la Cour suprême du Canada entendra nos demandes et qu’elle comprendra à quel point il est urgent d’agir dans ce dossier», souligne la présidente de CSF, Marie-Pierre Lavoie.
«La décision des juges aura une incidence sur la communauté francophone de notre province, mais également sur l’ensemble de la francophonie canadienne», ajoute la présidente la FPFCB Suzanna Straus. «L’avenir des générations futures est maintenant entre les mains de la Cour suprême du Canada.»
La décision du tribunal sera rendue au plus tôt cet hiver.