Après avoir évolué comme artiste dans les arts de la scène, fondé le Théâtre Catapulte et cofondé la Nouvelle Scène Gilles Desjardins à Ottawa, Patrick Leroux s’est tourné vers une carrière universitaire. En plus d’avoir enseigné en littérature, il a aussi été doyen de la Faculté des arts et sciences à l’Université Concordia.
Francopresse : Expliquez-nous comment la francophonie a toujours pris une place importante dans votre parcours professionnel et universitaire ?
Louis Patrick Leroux : Par le hasard des choses, j’ai obtenu un poste à l’Université Concordia, donc en anglais, dans un contexte minoritaire ou j’étais aussi professeur au département d’Études françaises. J’ai donc toujours été extrêmement conscient et sensible à la question de la francophonie, mais aussi des minorités généralement.
Ça me fait vraiment plaisir de rentrer dans mon milieu nourricier à Ottawa. C’est retrouver justement un milieu qui m’a défini, qui m’a permis de développer mon engagement communautaire, mon engagement envers la société, que je n’aurais jamais développé si je n’avais pas été en contexte minoritaire et fier d’être francophone en Ontario.
Comment votre parcours artistique vient-il rejoindre votre rôle en tant que recteur à l’Université Saint-Paul, une université qui se spécialise plutôt en sciences sociales?
J’ai été créateur intellectuel, mais j’ai aussi été administrateur à un niveau important à l’Université Concordia. J’ai développé des stratégies de leadeurship où je me sers de mon background artistique, de ma créativité pour saisir les enjeux assez rapidement, entrer en dialogue, en communication avec les gens autour de moi. Je suis quelqu’un qui est d’abord et avant tout à l’écoute et en dialogue.
Ce que je peux apporter, je pense, c’est essentiellement une université qui sera de plus en plus engagée dans les dialogues de l’art, dans les discours et les sujets de l’art.
Est-ce qu’il y a des projets ou des programmes que vous aimeriez mettre de l’avant à l’Université Saint-Paul?
Sans annoncer de programme, ce qui m’interpelle, c’est vraiment cette question d’éthique par rapport à la société.
On est dans une époque où on reproduit essentiellement l’ADN humain. Avec les projets sur le génome, on comprend plus que jamais comment manipuler l’ADN et je me dis que ce serait bien aussi qu’il y ait un contrepoids, peut-être en bioéthique. C’est quelque chose qui m’interpelle beaucoup. Même chose pour l’intelligence artificielle, il me semble que ce serait vraiment l’occasion rêvée d’avoir un groupe de recherche ou un centre de recherche ou de réflexion.
Un autre aspect qui vaudrait la peine d’être exploré, c’est la question de la réconciliation avec les Premières Nations, surtout dans le contexte d’une institution catholique. Je pense qu’on serait bien placé pour vraiment entamer un dialogue essentiel de réconciliation.
Et peut-être deux derniers aspects, je viens du milieu du théâtre et de l’art et j’ai beaucoup travaillé du côté du théâtre social et je serais vraiment intéressé de voir quelles sont les possibilités de créer un environnement où l’art social a également sa place. Par art social, je veux dire un art engagé, impliqué par rapport à la communauté et qui est en dialogue constant avec elle.
Finalement, la population a vieilli et on a besoin d’outils, de réflexion, de possibilité d’apprendre qu’est-ce que le care. Non seulement les soins palliatifs, mais aussi la question de soins à domicile, de soins envers les autres.
Comment voyez-vous votre rôle dans un processus de réconciliation avec les Premières Nations?
Je pense qu’il faudrait d’abord le faire en collaboration avec les Premières Nations. Ce n’est pas à nous de déclarer qu’on va faire ça, mais je pense qu’on peut certainement et on doit annoncer qu’on est ouvert, qu’on veut avoir ce dialogue-là.
Dans les premiers mois, je vais chercher à voir qui sont les interlocuteurs principaux qui ont envie d’avoir cette conversation-là et comment allons-nous ensemble construire un contexte où cette réconciliation, assez précise quand même, assez nichée dans le contexte catholique, puisse avoir lieu.
On apprenait récemment qu’au moins la moitié des universités de l’Ontario éprouvent de grandes difficultés financières. Quelle sera votre approche à cet égard?
Évidemment je dois faire un certain lobby auprès des instances gouvernementales. Mais ce qu’on peut faire, concrètement, c’est de développer des programmes qui attirent des étudiants qui autrement ne seraient pas venus à l’Université Saint-Paul.
D’autre part, il y a toute la question du financement privé et c’est quelque chose que j’ai déjà fait dans le passé et je compte être très actif du côté des dons, du côté des fondations, du côté du développement d’un sentiment d’appartenance et de continuité avec les anciens étudiants de l’Université Saint-Paul au fil des années et les étudiants actuels aussi.
Quel rôle pensez-vous que l’Université Saint-Paul peut jouer dans l’épanouissement de la francophonie canadienne?
L’Université Saint-Paul a un rôle important à jouer avec les autres universités francophones en Ontario et à l’échelle du pays. Il faut plus que jamais qu’on travaille ensemble et qu’on trouve des moyens de s’unir, je ne dirais pas formellement, mais de s’unir dans nos efforts de déploiement et nos efforts de lobbying. Il y a aussi un certain partage de connaissances et d’expériences qui doit faire ça.
Je vois vraiment d’un très bon œil la place de l’Université de Saint-Paul au cadre de cette francophonie-là, mais une place quand même particulière parce que c’est une université bilingue qui doit quand même maintenir un dialogue à la fois avec la francophonie, mais aussi avec l’anglophonie.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté