
Carte postale de l’Observatoire royal de Greenwich en 1920.
Le temps et le méridien sont les revers d’une même médaille. Une médaille britannique, dans le cas de Greenwich, du nom d’une banlieue de Londres et de l’observatoire où la ligne imaginaire allant du pôle Nord au pôle Sud a été tracée, premièrement au XVIIe siècle, puis légèrement modifiée à quelques reprises avant d’être reconnue comme le méridien de référence par la plupart des pays industrialisés en 1884.
Depuis près de 150 ans donc, le méridien de Greenwich constitue la référence internationale, la longitude «zéro», qui sert à calculer la distance est-ouest et le temps.
Cette idée de «méridien zéro» ou de «premier méridien» remonte au monde romain. Au IIe siècle apr. J.-C., le grand savant grec Ptolémée avait fixé le «premier méridien» au point le plus à l’ouest connu à son époque, soit les iles Canaries, à l’ouest du Maroc actuel.
Plusieurs premiers méridiens, un seul l’emportera
Depuis le XVe siècle, chaque puissance maritime de l’Europe s’était choisi son propre méridien comme repère pour la navigation.
Pourquoi différents méridiens? Pour calculer la latitude, il ne peut y avoir qu’une ligne centrale à l’horizontale autour de la Terre, à son point le plus large, c’est-à-dire un «équateur».

Le méridien de Greenwich traversant le globe de nord au sud.
Mais pour ce qui est des longitudes, n’importe quelle ligne verticale peut diviser la Terre en deux. L’établissement d’une longitude – ou d’un méridien – de base doit faire l’objet d’un consensus.
La France est non seulement à l’origine d’un des grands méridiens de base des Temps modernes, mais elle en a offert probablement la définition la plus poétique.
En effet, le cosmographe et pilote hauturier Jacques Devault décrivait ainsi cette ligne en 1583 : «Méridien est une ligne qui se imagine de l’un des polles du monde à l’autre et passe droict par-dessus nostre tête auquel le soleil en y arrivant faict midy à tous ceux qui habittent desoubz icelle ligne.»
En plus d’être beau, c’est tout à fait exact.
En 1634, une ordonnance du roi Louis XIII rend obligatoire le méridien fixé par Ptolémée.
Au cours du même siècle nait ensuite le méridien de Paris, qui aura une très longue vie. Il a été mesuré en 1667 par des mathématiciens de l’Académie royale des sciences fondée un an plus tôt par Jean-Baptiste Colbert, principal ministre de Louis XIV.
Ce nouveau méridien de base français remplacera peu à peu celui fixé en 1634 sous Louis XIII.
Le mètre, un petit, petit bout de méridien…
La création du mètre est survenue au début de la Révolution française. Voulant mettre fin à la confusion des différentes mesures en cours et de se libérer des unités seigneuriales, le nouveau régime a voulu établir une mesure unique. Des scientifiques ont alors défini le mètre comme étant le dix-millionième partie de l’arc du méridien de Paris, entre le pôle Nord et l’Équateur, c’est-à-dire le quart de la circonférence nord-sud de la Terre.
Cette mesure est très similaire à l’unité proposée au XVIIe siècle par l’Anglais John Wilkins, en se basant sur la distance parcourue d’un pendule pendant une seconde, et qui mesurait… 993,7 millimètres. Coïncidence sans doute. Le savant italien Tiato Livio Burattini redéfinit peut après la mesure de Wilkins en la nommant metro cattlico, soit «mesure universelle», et d’où vient le mot mètre.
Adieu Paris, welcome Greenwich
Chez le voisin du nord, on avait aussi tracé un méridien, soit en 1676, à l’Observatoire royal de Greenwich, en banlieue de Londres. C’était l’époque où un Stuart portait encore la couronne d’Angleterre, plus précisément Charles II, fils du premier Charles, celui qui avait littéralement perdu la tête pendant la première révolution anglaise.

Carte de 1683 montrant le méridien de Paris traversant la France.
La longitude, qui passait sur un point situé dans l’institution, a été modifiée à quelques reprises avec l’arrivée de nouveaux instruments plus précis. Pendant le XIXe siècle, le méridien de Greenwich aura la cote parmi les marins, si bien qu’au début des années 1880, les deux-tiers des navires de par le monde, dont ceux des États-Unis, l’utilisent comme référence.
Il devient alors de plus en plus nécessaire de fixer une fois pour toutes le «premier méridien», la longitude 0, afin que tous soient sur la même… longitude, si on peut dire.
En 1884, le président américain de l’époque, Chester A. Arthur, convoque une grande conférence internationale du méridien à Washington. Plus de quarante délégués provenant de 25 pays y convergent.
En plus de sa popularité, le choix de Greenwich s’explique du fait que le système de fuseaux horaires découlant de ce méridien était devenu la norme aux États-Unis pour fixer des heures régulières.
Les participants adopteront à cette même conférence la division du globe en 24 zones ou fuseaux qui avait été proposée cinq ans auparavant par l’Écossais Sandford Fleming, un ingénieur de renom qui s’établira ensuite au Canada où il deviendra l’un des plus grands arpenteurs du chemin de fer.
L’heure de base fixée au méridien de Greenwich fera en sorte que la longitude à ses antipodes, littéralement à l’autre bout du monde, deviendra la ligne du changement de date, et où il est douze heures de plus qu’à Greenwich, ou de moins, selon de quel côté on se situe.

Le méridien de Greenwich tracé sur le terrain de l’Observatoire.
Un méridien dans la gorge
La France votera contre les propositions de la conférence de Washington, dans une vaine tentative de sauver son méridien, même si la Grande-Bretagne acceptait, en contrepartie, d’adopter le système métrique. Il faudra attendre 1911 et 9 minutes 21 secondes avant que la France ne reconnaisse Greenwich et n’aligne son «heure de Paris» à celle du fuseau horaire 0.