C’est un pansement sur une plaie grande ouverte. »
On peut encore avoir des surprises, estime la politicologue Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa. « On avait dit que les jeux étaient faits lors des dernières élections, on l’avait aussi dit au fédéral. Mais une campagne électorale, ça peut changer la dynamique en quelques semaines. »
Les conservateurs au sommet des sondages auraient le plus à perdre, suggère la professeure. « Où vont aller les appuis? Ça peut autant profiter aux libéraux qu’aux néo-démocrates. Par contre, on est dans un mode du changement et les gens sont tannés d’avoir les libéraux au pouvoir (depuis 2003). Ça risque d’avantager le NPD, surtout que les deux partis se ressemblent beaucoup. »
Entre les dépenses libérales et les coupures conservatrices
Le Nord ontarien serait un terrain fertile pour les troupes néo-démocrates. Selon Julien Cayouette, ces régions sont largement ignorées par les partis politiques. Et la cheffe du NPD, Andrea Horwath, a comblé le vide en lançant une plateforme en six points pour le Nord.
À Sudbury, « ça fait longtemps que le parti est implanté dans la région avec (la députée) France Gélinas. Tout le monde l’aime et le compté de Nickel Belt est un château fort du NPD. La plateforme sert surtout à garder les acquis du parti dans le Nord. Mais pas dans les autres régions. »
Le journaliste rappelle que les Ontariens ont été échaudés par les excès d’anciens premiers ministres. « Il y a encore des stigmates du néo-démocrate Bob Rae (1990-1995) et du conservateur Mike Harris (1995-2002). » Les deux ont été chassés, le premier par ses dépenses et le second par ses coupures. « Ford parle de faire les mêmes coupures. »
Geneviève Tellier le croyait aussi jusqu’au débat télévisé du 7 mai. « Doug Ford a parlé de rigueur budgétaire, mais il est très prudent quand il s’agit de couper. Il a di qu’il allait trouver des économies et couper 4 % du budget sans toucher les programmes. Il a annoncé cinq milliards de plus dans le transport – on dépense plus, là. »
La professeure anticipe des échanges vigoureux sur l’économie, mentionnant que les libéraux et néo-démocrates ont une plateforme budgétaire alors que les conservateurs sont moins avancés.
Et en francophonie? Le rédacteur en chef du Voyageur considère que l’appui aux francophones tant vanté par les libéraux s’est souvent limité au domaine symbolique : les excuses pour le Règlement 17, la reconnaissance de l’hymne officiel Notre Place et un monument à Queen’s Park.
Appui symbolique de Wynne et je-m’en-foutisme de Ford
Des annonces majeures, comme la création de l’Université de l’Ontario français et le lancement récent du Centre de santé francophone de Timmins, auraient généré une certaine grogne dans le Nord ontarien. « Beaucoup de gens sont mécontents que l’Université soit limitée à Toronto, signale-t-il. Le Centre de santé, on essaie de l’avoir depuis 28 ans et ça va rester dans les limbes. »
Quant à Doug Ford, on sait à quoi s’en tenir sur la francophonie. « Il a l’air de s’en foutre un peu », conclut Julien Cayouette. Lors de son élection à la chefferie, il aurait confondu les Franco-Ontariens et les Québécois. Et le PC a supprimé sa page Web en français.
S’il était élu, Doug Ford serait un obstacle aux initiatives des libéraux d’Ottawa, soutient Geneviève Tellier, notamment par son opposition à la taxe sur le carbone et au marché d’échanges sur les émissions de GES.
« Il a dit qu’il se battrait contre Justin Trudeau et pas juste sur les questions environnementales. Ça allait plutôt bien pour le premier ministre parce que plusieurs provinces voulaient travailler avec lui. Ça risque d’être moins facile. Il y a déjà le Manitoba qui lui résiste.
« Trudeau a besoin des provinces pour mettre en place ses politiques, résume-t-elle. Dans un an, ce ne sera pas la même chose. » Des élections auront également lieu au Québec (2018) et en Alberta (2019) qui risquent de changer la donne.