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le Samedi 16 septembre 2023 6:30 Société

Une gouvernance mondiale en crise

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Le G20 rassemble les 19 économies principales de la planète auxquelles s’ajoute l’Union européenne — Photo : Sebastiano Piazzi – Unsplash
Le G20 rassemble les 19 économies principales de la planète auxquelles s’ajoute l’Union européenne
Photo : Sebastiano Piazzi – Unsplash
CHRONIQUE – Qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, des défis climatiques ou d’enjeux socioéconomiques, les organisations internationales, qu’elles soient formelles comme l’ONU ou informelles comme le G20, montrent leur incapacité à prendre à bras-le-corps les grands fléaux qui accablent l’humanité.
Une gouvernance mondiale en crise
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Le G20 qui se déroulait en Inde et s’est achevé le 10 septembre a permis de mesurer l’ampleur de la crise que connait le système de gouvernance mondial.

C’est d’ailleurs en substance ce qu’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres en parlant de famille «dysfonctionnelle».

Le sommet du G20 : autopsie d’un échec

Le G20 rassemble les 19 économies principales de la planète auxquelles s’ajoute l’Union européenne. Il représente ainsi quelque 85 % de l’économie mondiale.

L’optimisme n’était pas le maitre mot à New Delhi tant les tensions sur la scène internationale sont nombreuses. Et la Déclaration finale commune, accouchée dans la douleur, illustre bien l’impasse dans le dialogue à laquelle font face les grandes puissances.

La seule chose positive qui doit être soulignée est le fait que l’Union africaine aura désormais un siège dans ce forum des grands. Il était temps!

La guerre menée par la Russie en Ukraine est notamment le principal point d’achoppement.

D’un côté, les pays du Sud s’inquiètent avant tout du prix et de l’acheminement des céréales, et moins de la violation de l’intégrité territoriale, eux qui ont servi de paillassons aux puissances coloniales pendant si longtemps.

D’un autre côté, les pays occidentaux souhaitent que le monde se range du côté du droit international et condamne la Russie, ce que ni la plupart des pays du Sud ni la Chine ne sont disposés à faire.

Un air de guerre froide, mais des indéterminés

Il semble désormais acté que nous soyons passés dans un nouveau système international.

Les échecs des États-Unis en Afghanistan et en Irak, couronnés par la présidence Trump, nous ont fait sortir d’un système international unipolaire où les États-Unis dominaient.

Mais tout bon théoricien des relations internationales vous dira qu’un monde unipolaire n’est viable qu’à court terme, car par définition, il est sans équilibre des puissances.

Par ailleurs, la morgue des Américains a fait en sorte qu’ils ne se sont pas préoccupés de la montée en puissance de la Chine (notamment du développement du mégaprojet des nouvelles routes de la soie) ni du sentiment d’humiliation ressenti par la Russie.

Les Européens, quant à eux, étaient bien trop contents de se reposer encore sur Washington pour assurer leur défense et leur sécurité et ils se sont donc contentés de retourner à leurs démons fascisants du passé tout en créant une machine eurocratique infernale qui a dilué toute possibilité de parachever un projet politique européen concret.

Conséquence, nous sommes revenus aux prémices d’une nouvelle guerre froide.

Enfin je dis nouvelle, mais elle partage en fait beaucoup de points communs avec celle du 20e siècle : l’Occident contre la Russie. Des États africains courtisés par Moscou, et cela marche comme sur des roulettes, le travail de propagande des usines à trolls russes aidant.

Et surtout, il est plus difficile pour les Occidentaux de fomenter des coups d’État pour faire plier des dictateurs, c’est plutôt l’inverse qui se passe. Et enfin une Chine qui se pose en troisième voie, en chantre du non-alignement.

Il y a cependant une différence de taille.

Si la Chine avait somme toute refusé de clairement choisir un camp dans les années de la Guerre froide, c’était pour des raisons idéologiques, mais aussi parce qu’elle se préoccupait de développer son économie et sa société, de faire sortir le pays du Moyen-Âge.

Mission accomplie au-delà de toute espérance.

Elle choisit aujourd’hui d’incarner une troisième voie pour mieux se positionner sur l’échiquier des relations internationales et pour forcer Washington comme Moscou à la reconnaitre comme une égale.

Vers un monde tripolaire

Ses velléités de statut de superpuissance, la Chine ne s’en cache pas. C’est son objectif ultime et tous les efforts du régime sont dirigés vers l’atteinte de cet objectif.

Les deux seuls éléments qui lui manquent vraiment sont la puissance technologique et la puissance financière.

Mais la Chine rattrape vite son retard technologique. Quant aux finances, la Chine détient près d’un huitième de la dette américaine et liquide cet actif à la vitesse grand V et diversifie ses risques, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, un yuan faible est important pour que la Chine puisse continuer à être une puissance exportatrice de premier plan.

Les prochaines années nous confirmerons ou non si la Chine est bel et bien ce colosse aux pieds d’argile ou si effectivement elle est en mesure de s’imposer dans le grand jeu.

En tout état de cause, il y a d’autres candidats au statut de superpuissance, aux premiers rangs desquels figure l’Inde. Premier pays au monde par sa démographie, l’Inde est également devenue la cinquième puissance économique mondiale cette année, dépassant… le Royaume-Uni. Beau pied de nez à l’histoire!

Contrairement à la Chine qui ne parvient pas à contrer le ralentissement économique, l’Inde affiche des taux de croissance qui font l’envie de tous. Le régime de Narendra Modi, peu ragoutant, demeure sans commune comparaison avec le régime dictatorial de Beijing.

Modi peut compter sur une bonne partie des Indiens pour l’aider à atteindre ses objectifs de grandeur. Il n’y avait qu’à voir comment tous les dirigeants réunis pour le G20 à New Delhi courtisaient le président indien pour comprendre l’importance croissante que prend le pays dans le jeu diplomatique, géopolitique et économique mondial.

Bizarrement, les chefs d’État et de gouvernement occidentaux ont oublié que l’Inde non plus n’est pas partie au régime de sanctions contre Moscou. Ou quand les Occidentaux travaillent très fort pour créer un adversaire à leur taille…

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des Facultés de sciences humaines et de philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Type: Opinion

Opinion: Contenu qui avance des idées et qui tire des conclusions fondées sur une interprétation des faits ou des données émanant de l’auteur.

Aurélie Lacassagne

Chroniqueuse