Les systèmes actuels de calcul du public n’ont pas été conçus pour tenir compte des radios et des chaines de télé qui œuvrent en milieu minoritaire. « Les radios savent qu’elles sont écoutées, mais quand tu n’as pas de chiffre », il devient difficile de le prouver aux annonceurs, souligne le président de l’AFO, Carol Jolin.
Il ne faut pas supposer que cet observatoire aurait un pouvoir contraignant si un gouvernement ne respectait pas ses promesses. Il reviendrait donc aux divers organismes porte-paroles francophones de faire de nouvelles pressions sur le gouvernement, confirme M. Jolin.
Le directeur général des Médias de l’épinette noire — qui possède la radio CINN FM et le journal Le Nord à Hearst —, Steve Mc Innis, croit également que cet Observatoire est essentiel. « Quand tu essaies d’aller chercher de plus gros clients au niveau national, il faut des preuves comme que tu es écouté. Ça donne de la crédibilité à ta station aussi », explique-t-il.
Financement
M. Mc Innis apprécie tout particulièrement la première recommandation, qui demande que 15 % du budget des campagnes publicitaires nationales du gouvernement du Canada soit réservé aux médias des milieux minoritaires, ce qui respecte leur poids démographique. « Juste ça, ça partirait vraiment du bon côté », croit-il.
Même s’il est satisfait du document présenté par l’AFO, M. Mc Innis ne croit pas que toutes les recommandations pourront être appliquées. « Je ne sais pas où les gouvernements iraient chercher l’argent. »
Parmi les autres mesures, on suggère d’appuyer le mouvement national de médias qui exige qu’il ne soit plus possible pour les annonceurs de profiter d’un crédit d’impôt lorsqu’ils annoncent sur Facebook et Google. Ce crédit avait originalement été créé pour la publicité dans les médias locaux.
Passage au numérique
Le rapport met à l’avant-plan le déploiement d’internet haute vitesse dans les régions éloignées et les récentes promesses du gouvernement canadien et du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’assurer que toutes les régions du Canada aient accès à une vitesse de téléchargement d’au moins 25 Mb/s d’ici 5 ans.
Du côté de Hearst, cet enjeu est d’ailleurs majeur. « C’est pathétique internet ici. Si on atteint 3 Mb/s, on est heureux», lance Steve Mc Innis. Ceci limite l’intérêt pour Le Nord et CINN FM de mettre plus de contenu en ligne, comme des vidéos ou même les fichiers audios de leurs émissions de radio.
M. Jolin souligne que les ressources limitées des petits médias ne leur permettent pas de se lancer à « plein régime » dans le développement de stratégies web. « Si on veut être capable de suivre la vague, ça prend de la formation, ça prend des sous et ça prend une expertise ». Une recommandation propose justement le financement d’un salaire à demi temps afin que les médias puissent améliorer leur offre numérique, et ce, jusqu’au rétablissement des revenus de publicités.
M. Mc Innis confirme cet état de fait, soulignant que la petite équipe de Hearst n’arrive pas à gérer ses sites internet aussi fréquemment qu’elle le voudrait.
Radio-Canada
Le réseau public canadien n’est pas mis de côté dans le document. On y suggère l’abolition de la publicité à la télé de Radio-Canada avec une augmentation du financement fédéral pour compenser. Les auteurs croient qu’il sera ainsi plus facile pour la société d’État de donner plus de temps d’antenne aux communautés francophones, puisque le réseau n’aura plus à se soucier de plaire principalement à son plus grand bassin d’auditeurs, qui se trouve à Montréal et au Québec.
Prochaines étapes
Carol Jolin souligne que ce Livre blanc — comme un récent rapport du Commissariat aux langues officielles — rappelle que « Patrimoine canadien à une responsabilité dans la vitalité de la francophonie partout au Canada, et cette vitalité à besoin de ses médias. »
« Je suis ouvert à d’autres recettes, mais celle qu’on préconise est le retour de la publicité. C’est ce que nous allons dire à [la ministre Mélanie] Joly pour qu’elle comprenne bien ce que nos médias vivent présentement », précise-t-il.
L’AFO compte présenter le Livre blanc aussitôt que possible à la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, ensuite à Patrimoine canadien.
De son côté, Steve Mc Innis espère que le document ne restera pas lettre morte.