À :
Ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles
Vicky Eatrides
Présidente et première dirigeante
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC)
Raymond Lafond
Président indépendant
Sarah Spring
Directrice générale
Collectif canadien de journalisme (CCJ)
Monsieur le Ministre, Madame la Présidente,
Monsieur le Président, Madame la Directrice générale,
Le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire exhorte les décideurs fédéraux à rejeter l’analyse du Collectif canadien de journalisme (CCJ) visant à déterminer si les journalistes subventionnés par l’Initiative de journalisme local (IJL) devraient être exclus du mécanisme de compensation prévu par la Loi sur les nouvelles en ligne. Une telle mesure serait juridiquement erronée, préjudiciable en pratique et discriminatoire dans ses effets.
L’écosystème de l’information locale au Canada est en crise. Dans de nombreuses communautés rurales, nordiques, autochtones et en situation de minorité linguistique, les journalistes de l’Initiative de journalisme local (IJL) sont peu nombreux et, dans certains cas, ce sont les seuls journalistes sur le terrain, le dernier rempart contre les déserts d’information et la pauvreté de la couverture journalistique.
Les allégations de «double utilisation» sont erronées; les fonds de Google sont des fonds privés
Certains membres du conseil du CCJ soutiennent que l’inclusion des journalistes subventionnés par l’IJL dans le calcul de l’admissibilité constituerait une «double utilisation» des fonds. C’est faux.
En vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne, la contribution de 100 millions de dollars de Google provient du secteur privé, et non des contribuables. Ces fonds servent à compenser les salles de rédaction pour la valeur économique que les plateformes numériques retirent de leur contenu.
L’IJL, à l’inverse, est un programme fédéral conçu pour subventionner des journalistes couvrant des communautés mal desservies. Ces deux programmes ont des sources, des objectifs et des fondements juridiques distincts. Un journaliste soutenu par l’IJL peut, et devrait, être comptabilisé aux fins de l’admissibilité en vertu de la Loi sur les nouvelles en ligne.
Qualifier cette situation de «double utilisation» est juridiquement incorrect.
Les licences Creative Commons n’éliminent ni le droit d’auteur ni l’admissibilité
Le CCJ soutient à tort que le contenu journalistique produit par des journalistes subventionnés par l’IJL et diffusé sous licence Creative Commons (CC) ne devrait pas être admissible dans un cadre fondé sur le droit d’auteur.
Les licences Creative Commons n’impliquent aucune renonciation au droit d’auteur de la part du journaliste. Elles permettent plutôt «la distribution gratuite d’une œuvre autrement protégée par le droit d’auteur», sans abandon de la propriété intellectuelle. Les journalistes de l’IJL conservent l’ensemble de leurs droits légaux en vertu de la Loi sur le droit d’auteur.
Rien dans la Loi sur les nouvelles en ligne n’exclut les œuvres sous licence CC. Cet argument n’a aucun fondement juridique.
L’exclusion des journalistes IJL nuirait aux communautés qui en ont le plus besoin
Les grandes salles de nouvelles métropolitaines dépendent rarement du financement de l’IJL. Mais dans les petites communautés, particulièrement les minorités francophones hors Québec et les minorités anglophones au Québec, les journalistes subventionnés par l’IJL sont souvent les seuls journalistes disponibles.
Exclure ces postes :
- pénaliserait les petits médias locaux, ruraux, éloignés et de langue officielle en situation minoritaire;
- augmenterait la part de compensation revenant aux grandes organisations mieux financées;
- minerait l’objectif de la Loi, qui vise à soutenir les nouvelles locales indépendantes.
Cette situation forcerait des médias vulnérables à choisir entre le financement de l’IJL et l’accès à la compensation; un choix impossible.
La formule fondée sur l’emploi est un outil, non un mécanisme d’exclusion
La formule de calcul fondée sur l’emploi utilisée par le CCJ pour distribuer les fonds n’est pas exigée par la Loi sur les nouvelles en ligne. Il s’agit d’une méthode choisie à titre d’outil pragmatique pour répartir les fonds de compensation.
Utiliser cette formule pour exclure les journalistes IJL en détournerait le but et favoriserait les acteurs les plus forts au détriment des plus faibles. C’est l’opposé de l’intention de la Loi.
Exclure les journalistes IJL contreviendrait à la Loi sur les langues officielles
Parce que le CRTC est responsable de la mise en œuvre de la Loi sur les nouvelles en ligne et que le CCJ exerce des responsabilités déléguées par le gouvernement fédéral, la Loi sur les langues officielles s’applique.
Les organismes fédéraux, et ceux qui agissent en leur nom, doivent :
- soutenir la vitalité des communautés de langues officielles en situation minoritaire;
- assurer l’égalité d’accès;
- éviter les décisions qui nuisent de manière disproportionnée aux communautés de langue officielle minoritaires.
Exclure les journalistes subventionnés par l’IJL contreviendrait à ces obligations en limitant l’accès des médias des CLOSM au mécanisme de compensation et en compromettant leur viabilité.
La cohérence des politiques exige le maintien de l’admissibilité des journalistes IJL
Les journalistes de l’IJL produisent une information civique essentielle. Retirer leur admissibilité aurait pour effet de :
- réduire la capacité de couverture de l’actualité locale;
- aggraver les déserts d’information;
- diminuer la production d’une information culturellement pertinente;
- et affaiblir les deux programmes fédéraux.
Le journalisme local est un bien public. Les politiques doivent renforcer, et non affaiblir, celles et ceux qui le fournissent.
Conclusion
Pour toutes ces raisons, le Consortium invite les dirigeants fédéraux à rejeter toute proposition visant à exclure les journalistes subventionnés par l’IJL de l’admissibilité au mécanisme prévu par la Loi sur les nouvelles en ligne.
Une telle proposition est juridiquement incorrecte, économiquement préjudiciable et socialement inéquitable. Elle affaiblirait les petits médias, nuirait aux communautés linguistiques minoritaires et contredirait l’intention du Parlement.
Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement, le CRTC et le CCJ afin d’assurer une mise en œuvre équitable et fondée sur des données probantes de la Loi.
(Il s’agit d’une version abrégée de la lettre ouverte préparée pour publication. La version intégrale est disponible en cliquant ICI.)