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le Vendredi 12 novembre 2021 13:27 Société

Poursuite historique contre le gouvernement du Nunavut

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Adopté à l’automne 2020, le projet de loi 25 fait en sorte que les obligations du gouvernement du Nunavut en lien à l’éducation en inuktitut sont repoussées de presque 20 ans. — Vigneron – Wikimedia Commons
Adopté à l’automne 2020, le projet de loi 25 fait en sorte que les obligations du gouvernement du Nunavut en lien à l’éducation en inuktitut sont repoussées de presque 20 ans.
Vigneron – Wikimedia Commons
IJL LE NUNAVOIX (Nunavut) – L’organisme inuit Nunavut Tunngavik Incorporated a récemment intenté une poursuite contre le gouvernement du Nunavut, pour avoir omis d’offrir aux jeunes inuits du Nunavut un système scolaire dans leur langue.
Poursuite historique contre le gouvernement du Nunavut
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C’est en 2008 que l’Assemblée législative du Nunavut a sanctionné la Loi sur l’éducation, reconnaissant ainsi qu’un enseignement bilingue peut contribuer à la sauvegarde, à l’usage et à la promotion de la langue et de la culture inuites et être source de multiples possibilités pour les élèves.

Cette loi prévoyait dès 2019 l’instauration d’un parcours scolaire bilingue de la maternelle à la 12e année sur le territoire.

Affirmant que le gouvernement du Nunavut a depuis omis de fournir aux jeunes Inuits, qui représentent approximativement 94 % de la population étudiante du territoire, un système scolaire public leur offrant des chances égales de terminer leurs études dans leur langue et leur culture, l’organisme Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI) a intenté le 13 octobre dernier une poursuite judiciaire contre le gouvernement territorial.

Un objectif repoussé de plusieurs années

En plus de l’adoption de la Loi sur l’éducation, l’Assemblée législative du Nunavut a adopté en 2008 la Loi sur la protection de la langue inuite, qui prévoyait quant à elle des mesures de revitalisation, dont le droit à l’instruction offerte dans la langue inuite.

Mais pour le moment, l’éducation en inuktitut n’est possible qu’avant la 4e année. Cette loi prévoyait également le droit de travailler dans la langue inuite dans les différentes institutions.

Adopté par l’Assemblée législative à l’automne 2020, le projet de loi 25 a apporté des modifications au niveau de ces deux lois, faisant en sorte de repousser de 20 ans, soit en 2039, les objectifs initiaux du gouvernement du Nunavut.

«L’éducation dispensée en inuktitut est fondamentale pour le maintien de la langue et de la culture inuites, et constitue une composante essentielle de l’identité culturelle, de l’histoire et de la survie des Inuits du Nunavut. Alors que de nombreux groupes autochtones au Canada luttent pour protéger et faire revivre les langues au sein de leurs communautés, le Nunavut est particulièrement bien placé pour soutenir avec succès la langue inuite avant qu’elle ne disparaisse», a déclaré par voie de communiqué de presse NTI le 13 octobre dernier.

En raison des procédures judiciaires en cours, NTI qui est rejoint dans cette cause par Bernice Clarke et Lily Maniapik, deux mères souhaitant une éducation en inuktitut pour leurs enfants, n’est plus en mesure de commenter l’affaire.

Des répercussions majeures

Alors que la population du Nunavut est composée à 85 % d’Inuits, l’utilisation de l’inuktitut présente un déclin significatif au cours des dernières années. En 2001, les données de Statistique Canada révélaient que 72 % de la population nunavoise avaient l’inuktitut comme langue maternelle et cette proportion n’était plus qu’à 65 % en 2016.

Sans mesures drastiques et correctives de la part du gouvernement du Nunavut, l’érosion de la langue inuite — et l’impact connexe sur la culture et l’autodétermination inuites — aura des conséquences sociales désastreuses et irréversibles pour les Inuits du Nunavut.

— Extrait d'un communiqué de l’organisme Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI)

Selon l’organisme, le Nunavut est unique au Canada en ce sens qu’une majorité d’étudiants appartiennent à un groupe culturel dont la langue maternelle est l’inuktitut et non l’anglais ou le français.

«Il est bien établi que la langue d’enseignement utilisée dans un système éducatif peut affecter la préservation et la promotion de la vitalité linguistique et culturelle ; dans le cas du Nunavut, l’éducation dispensée dans la langue inuite est essentielle au maintien de la langue inuite et, par extension, de la culture inuite», peut-on lire dans les documents déposés à la Cour de Justice du Nunavut.

À ce sujet, Aluki Kotierk, présidente de NTI, a d’ailleurs souligné que ‎dans les écoles d’aujourd’hui, comme les pensionnats autochtones du passé, les Inuits du Nunavut se voient empêchés d’apprendre l’inuktitut au profit de l’anglais ou du français.

Une responsabilité du gouvernement territorial

Le 24 mars 2020, le gouvernement du Canada accordait plus de 10 M$ au gouvernement du Nunavut pour la réalisation de travaux d’agrandissement et la modernisation des équipements à l’École des Trois-Soleils et au Centre de la petite enfance Les Petits Nanooks.

Cela, alors que le gouvernement territorial avait quant à lui annoncé un investissement de près de 9 M$ pour la réalisation de ce projet.

Cette nouvelle avait alors suscité bon nombre de réactions quant à l’importance accordée à l’éducation francophone par rapport à celle octroyée en inuktitut : «Le financement accordé au gouvernement du Nunavut pour ce projet provient du programme Développement des communautés de langue officielle qui favorise l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et appuie leur développement», explique David Larose, responsable des relations avec les médias à Patrimoine canadien.

«L’éducation est un domaine de compétence provinciale et territoriale. Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de l’élaboration de plans, de l’identification d’objectifs et de priorités et de la définition du contenu de leurs programmes en éducation», conclut-il.