Le Collège Nordique a appris en septembre que Patrimoine canadien réduisait son financement annuel du deux tiers par rapport à l’année précédente.
Dans une lettre envoyée le 20 octobre au ministre François-Philippe Champagne, les sénatrices et sénateurs Bernadette Clement, René Cormier, Lucie Moncion et Allister Surette exhortent le gouvernement de rétablir le financement du Collège et à revoir ses critères budgétaires afin de respecter le principe constitutionnel de protection des minorités.
Les signataires expriment leur profonde préoccupation face à la réduction majeure du financement fédéral accordé au Collège Nordique francophone.
Les quatre rappellent que, malgré l’engagement du gouvernement à maintenir ou à augmenter son soutien financier à l’éducation postsecondaire francophone, les fonds complémentaires destinés au secteur postsecondaire ont subi une forte diminution.
Ce fonds fait partie du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028. Après avoir reçu 4,2 millions de dollars de 2021 à 2024 (soit environ 1,4 million par an), le Collège a reçu 2,9 millions pour 2024-2025 et recevra 1,3 million par an à partir de 2025 à 2028.
Pour un établissement postsecondaire francophone qui recherche un financement un minimum stable pour être pérenne, c’est une déception.
Pour illustrer la conséquence de la réduction, sept des vingt employés ont perdu leur emploi à la suite de ces compressions.
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Lucie Moncion est l’une des quatre consignataires d’une lettre envoyée au ministère des Finances.
Lettre morte
«C’est un fonds ponctuel, c’est normal que le financement se termine», a affirmé un employé de Patrimoine canadien à Francopresse.
Interrogé dans un couloir du Parlement le 21 octobre, le ministre Champagne disait ne pas avoir pris connaissance de la lettre envoyée la veille.
Dans un courriel à Francopresse le 23 octobre, la sénatrice Lucie Moncion affirme qu’elle n’avait reçu «aucune communication officielle de la part de Patrimoine canadien ni du ministre des Finances, à qui la lettre était adressée».
La sénatrice réaffirme aussi que «la lettre était adressée au ministre des Finances spécifiquement puisque la mise en œuvre d’une politique générale de compressions budgétaires sans égard au statut minoritaire des communautés est préoccupante. Leur statut requiert un traitement financier distinct, conforme à leurs besoins spécifiques.»
Si l’un des deux ministères, les Finances ou Patrimoine canadien, ne répond pas aux signataires, Lucie Moncion affirme dans son courriel qu’elle «continuera de suivre la situation de près et de faire pression».
La sénatrice craint plus globalement les «répercussions des compressions budgétaires sur les établissements postsecondaires francophones en contexte minoritaire ainsi que, plus généralement, sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM)».
«En tant que communautés vulnérables en situation de rattrapage, ces dernières sont déjà désavantagées, même dans un contexte budgétaire normal. Le gouvernement fédéral a des obligations constitutionnelles en matière d’instruction dans la langue de la minorité de langue officielle, et cela doit être bien compris. J’espère donc que le budget que l’on attend sera respectueux des minorités.»
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Patrick Arsenault not que la nouvelle de la réduction de leur financement est arrivée après le début de leur année fiscale, ce qui complique la situation.
Prévisibilité très difficile
Pour le directeur du Collège Nordique, Patrick Arseneault, si le fonds réduit est effectivement un fonds ponctuel, «malheureusement, dans le milieu postsecondaire minoritaire francophone, c’est un grand défi pour les établissements d’avoir un financement pluriannuel, stable, prévisible».
«On fonctionne souvent par des fonds de financement par projet ou ponctuel qui rend la prévisibilité très difficile.»
Il précise avoir toujours eu un financement à la hausse du fait des besoins croissants du Collège Nordique.
Patrick Arseneault rappelle que le gouvernement libéral, sous Justin Tudeau, avait promis de pérenniser le fonds instauré pour le postsecondaire francophone, et même de le doubler.
«Donc nous ne nous attendions pas à avoir des coupes. Il y avait historiquement des éléments qui nous laissaient croire que c’est un fonds sur lequel on pourrait quand même s’appuyer dans les années futures.»
L’année fiscale du Collège Nordique commence le 1er juillet et Patrick Arseneault affirme qu’il n’avait pas eu de nouvelles à propos du financement à cette date. Il a continué sa planification «un peu à l’aveuglette, sans avoir de réponse claire du gouvernement».
Mais lorsque la confirmation des réductions est tombée, en septembre, la session était déjà commencée. «C’est encore plus impactant parce qu’on a dépensé des fonds que nous ne recevrons pas. Les coupures qu’on doit faire vont être plus drastiques parce qu’on va compenser pour le mois de juillet, le mois d’aout et une partie du mois de septembre.»
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