Lorsqu’on savoure une bière, on ne réalise pas toujours les contrecoups environnementaux qui se cachent derrière les effluves de malt, de petits fruits ou d’épices.
Pourtant, une pinte de bière locale serait responsable de l’émission de 300 g de CO2, selon une étude du journal britannique The Guardian. Elle nécessite également une importante quantité d’eau tout au long de sa création, notamment pour la production des céréales et pour son brassage.
À Whitehorse, la majorité des céréales comme le malt et l’orge nécessaires à la fabrication d’une bière sont importées, ce qui s’ajoute à l’empreinte écologique de cette boisson alcoolisée. Pour contrecarrer ces effets, l’économie circulaire offre des avenues intéressantes.

Woodcutter’s Blanket.
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L’économie circulaire
À Whitehorse, les brasseries Woodcutter’s Blanket, Winterlong Brewing et Yukon Brewing se départissent de leurs drêches — les résidus après le brassage des céréales — afin de les donner à des fermes locales.
«Nous donnons nos céréales à Farm Gate, qui les utilise pour nourrir leurs poulets. Puis, nous rachetons leurs poulets pour concocter nos recettes», explique James Maltby, propriétaire de Woodcutter’s Blanket, restaurant-bar situé au centre-ville de la capitale.
Yukon Brewing a même mis en place un système pour permettre aux bénéficiaires de collecter les grains directement dans leurs boites de camion, une façon de faciliter le partage de ressources.
Meghan Marjanovic, copropriétaire de Winterlong Brewing, est quant à elle particulièrement fière des collaborations avec la boulangerie Alpine Bakery et l’entreprise Tum Tum’s Black Gilt Meats, toutes deux certifiées biologiques, qui incorporent leur stout à l’avoine dans leurs pains et leurs charquis [jerky] de viande séchée.
Les collaborations entre entreprises comme celles-ci sont d’ailleurs légion au territoire, si bien que deux brasseries ont uni leurs forces pour développer une bière conjointe. La Cold IPA de Winterlong Brewery et de Woodcutter’s Blanket est née de cette idée d’unir ses forces et de dynamiser le marché local.
L’engouement pour les panneaux solaires
Pour diminuer leur consommation énergétique, Winterlong Brewing et Yukon Brewing se sont tournées vers l’énergie renouvelable. «Nous avons installé près de 200 panneaux solaires sur notre toit en 2020 et avons ainsi détourné 25 tonnes de carbone en 2021», mentionne Meghan Marjanovic. Un nouveau bâtiment adjacent à la brasserie aura également ses propres panneaux solaires une fois la construction achevée.
Pour Bob Baxter, copropriétaire de Yukon Brewing, c’était un choix écologique, mais aussi économique : «Nous avons tracé une ligne dans le sable il y a 20 ans. Depuis, chaque année, nous continuons d’en faire plus. Pour l’instant, les panneaux solaires recouvrent la moitié du toit, mais peut-être que d’ici cinq ans ce sera tout le toit qui sera couvert», indique-t-il.

Yukon Brewing.
Se renouveler
Si la superficie de Woodcutter’s Blanket ne leur permet pas d’optimiser l’usage de panneaux solaires, James Maltby et son équipe ont mis en place une série de projets écoresponsables.
Une armoire blanche à la vue de la clientèle contient de jeunes pousses et des germinations utilisées par la cuisine pour garnir leurs plats. «Des pousses comestibles, de navets ou de pois et des microlégumes… on essaie de cultiver à l’année nos garnitures», précise le propriétaire du bâtiment historique.
Enthousiaste, James Maltby s’est récemment lancé dans une tentative de séchage d’orge, pour brasser les bières les «plus locales possibles» et avoir plus de contrôle sur leur gout. Si la majeure partie des céréales devra encore être importée, James Maltby aimerait continuer à travailler davantage avec les agriculteurs et agricultrices du Yukon pour obtenir un malt d’ici, qui sera ensuite séché par la brasserie.

Meghan Marjanovic, copropriétaire de Winterlong Brewing.
«Des essais de culture d’orge pour le brassage sont en cours, en collaboration avec le gouvernement du Yukon, affirme Meghan Marjanovic. L’orge doit ensuite être maltée selon des techniques spécifiques pour être utilisée dans le brassage. Nous voulons essayer d’utiliser l’orge locale si elle devient disponible, mais le défi sera de produire des volumes suffisants pour toutes les brasseries yukonaises.»
En attendant, pour agrémenter leurs produits, plusieurs brasseries yukonaises mettent à profit les canneberges, les pointes d’épicéa et la camerise qui s’épanouissent au territoire pendant la période estivale.
Se tourner vers l’avenir
Pour Meghan, James et Bob, l’important reste de continuer à cheminer vers une gestion écoresponsable. «Pas seulement parce que c’est la bonne chose à faire, d’un niveau de responsabilité et de gestion, mais aussi parce que c’est la chose intelligente à faire. Les compagnies qui ne sont pas en train de réfléchir à leur consommation énergétique devraient s’y mettre. Tout le monde y gagne», lance Bob Baxter.
«En tant qu’entreprise locale, et en tant que membres de la communauté, nous sommes conscients des changements climatiques et des impacts environnementaux qu’une entreprise peut générer. Le brassage est une entreprise gourmande en ressources et nous faisons donc tout ce que nous pouvons pour réduire notre empreinte énergétique», ajoute Meghan Marjanovic.
La création d’une guilde des brasseurs est également sur la table, afin de permettre aux brasseurs et brasseuses d’échanger, de créer des partenariats, de s’épauler… et, évidemment, de lever leur verre aux bons coups écologiques de leurs collègues.