Dans le texte «Réflexion sur la politique toxique», le député fédéral néodémocrate de Timmins Baie-James rappelle qu’il a dû faire appel à la police au cours de l’été parce qu’un harceleur le suivait avec une «détermination troublante». M. Angus affirme recevoir de plus en plus de messages d’insultes, le traitant de «traitre» et laissant entendre qu’on devrait le battre.

Mes amis, je n’ai jamais vu les discussions en politique canadienne à un niveau si élevé de toxicité pendant toutes mes années de vie politique. Les abus et les attaques sont devenus de plus en plus normalisés
La Gendarmerie Royale du Canada confirme au Voyageur qu’ils ont observé «une hausse des menaces en ligne à l’endroit de fonctionnaires pendant la pandémie de COVID-19», sans donner de chiffres précis pour des raisons de sécurité.
«Les commentaires faits en personne ou en ligne varient ; il peut s’agir de propos choquants ou haineux, mais ceux-ci ne sont pas de nature criminelle. Lorsque les conditions justifiant une enquête criminelle sont réunies, la GRC ou le service de police compétent peut procéder à des arrestations et au dépôt d’accusations», précise le porte-parole des Services nationaux de communication de la GRC, Robin Percival.
La couenne dure
«Je pense que pas mal tous les députés ont eu une expérience, d’une façon ou d’une autre», avance la députée fédérale d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hughes. Peut-être pas des menaces du même niveau que son collègue Charlie Angus, mais elle confirme que les politiciens doivent se créer une carapace. Elle-même a été la cible de propos sexistes.
Cependant, dans le cas de gens qui semblent prêts à passer à l’acte ou qui ont des problèmes de santé mentale, «il ne faut pas mettre ça de côté, parce qu’on ne sait jamais ce qui pourrait arriver», prévient Mme Hughes.
Jamie West, élu en 2018 dans la circonscription provinciale de Sudbury, dit ne pas recevoir autant de messages que certains collègues, spécialement ceux qui appartiennent à une minorité visible ou sexuelle. De ceux qu’il reçoit, «quand je regarde leur profil, ils sont agressifs envers tout le monde».
Il en a tout de même reçu assez pour s’être lui aussi doté «d’une peau de rhinocéros» et est capable d’ignorer la majorité des messages haineux. «Ceux qui me restent en tête sont ceux de gens qui sont capables d’expliquer pourquoi ils sont fâchés», ceux qui lui permettent de réfléchir sur ses propres positions.
«Que les gens soient fâchés, c’est acceptable, mais lorsque tu ne te sens pas en sécurité pour être seul à l’extérieur, c’est très inconfortable», affirme Jamie West.

Ce n’est pas la norme
M. West ne s’attendait pas à ce niveau de messages haineux et de menaces avant son arrivée en politique. Il ne croit pas qu’il faut justifier en disant que ça fait simplement partie du travail.
Il n’y a aucun autre lieu de travail où ce serait accepté.
Et ce ne l’est justement pas dans les bureaux de circonscriptions.
Carol Hughes et Jamie West mentionnent tous deux que leurs employés sont souvent ceux qui répondent aux appels ou aux messages haineux, soit au téléphone ou en personne.
Il y a quelques années, des barrières en plexiglas ont été ajoutées dans le bureau de Kapuskasing de Carol Hughes, parce qu’il «y avait eu des situations assez dangereuses».
«C’est difficile de trouver l’équilibre, parce que les gens qui contactent notre bureau sont contrariés, ils sont passés entre les mailles du filet», illustre Jamie West.
Parfois, ils font clairement face à des problèmes de santé mentale, ajoute Carol Hughes.
Le député fédéral de Nipissing-Timiskaming, Anthony Rota, considère la source du message. S’il semble y avoir un problème qu’il peut aider à régler, il appelle la personne qui lui a écrit. «La plupart du temps, c’est quelque chose qui n’est pas bien compris et, une fois que c’est bien expliqué, les choses passent vite.»
À titre de président de la Chambre des communes, il entend plusieurs histoires des autres députés. Les messages les plus virulents sont souvent le résultat d’une idéologie différente ou des décisions d’un député, «mais ce n’est pas toujours basé sur des faits et c’est presque impossible de changer leur idée quand ils sont déterminés».
