Détroit abrite une francophonie aux multiples facettes, façonnée par son histoire et plusieurs vagues d’immigration. Avec l’initiative Bonjour Détroit, dont elle est la fondatrice et directrice, Mélissa Baril veut unir les communautés francophones et promouvoir la langue française dans tout l’État du Michigan.
«La mission de Bonjour Détroit, elle est double. Elle est en effet de tisser des liens entre toutes les communautés francophones, pour les fédérer, en présentant des programmes culturels, sociaux, éducatifs et économiques, mais aussi de travailler, de développer des partenariats au niveau local», explique-t-elle.
À lire aussi : Un balado francophone au cœur de l’Amérique
Bâtir une communauté francophone
Depuis sa création, un peu plus tôt cette année, Bonjour Détroit a organisé des 5 à 7 mensuels, des tables rondes et un évènement collaboratif avec le Haitian Network Group of Detroit.

C’est assez inspirant pour les gens qui viennent écouter, parce que c’est parfois des gens qui ne sont pas certains justement de dire : «Est-ce que je suis francophone? Qu’est-ce que ça veut dire être francophone?»
Grâce à des projets avec des organismes tels que le Detroit Institute of Art (DIA), le Detroit Symphony Orchestra et le Detroit Historical Society, Bonjour Détroit fait découvrir des œuvres françaises ou francophones du DIA. Mélissa Baril se réjouit que les professeurs de français souhaitant organiser des sorties éducatives puissent en profiter.
À lire aussi : L’identité francophone est-elle plus qu’une langue parlée?
La francophonie méconnue du Michigan
Canadienne originaire de Victoriaville, au Québec, et diplômée de l’Université de Sherbrooke, Mélissa Baril a travaillé dans des métropoles aux quatre coins du monde avant de déménager à Détroit, où elle réside depuis presque 9 ans. Là-bas, elle a été confrontée à une réalité linguistique différente de celle qu’elle avait connue au Canada.
La ville, fondée en 1701 par de Lamothe Cadillac, porte les traces d’une histoire francophone profonde. Cet «héritage» est toujours présent, même si le français n’est plus la langue dominante, constate Mélissa Baril.

Les évènements de Bonjour Détroit visent à nouer un sentiment de communauté et encouragent les participants et participantes à découvrir leur lien avec la francophonie.
Aujourd’hui, un peu plus de 19 000 personnes parlent français à la maison au Michigan, soit 0,19 % de la population.
«Même s’ils ne parlent pas français. Ça fait partie de leur identité […] Ce n’est pas rare de rencontrer quelqu’un qui va porter le nom de La Fontaine, de Savoie ou un autre nom, mais ils ne parlent pas du tout le français», raconte-t-elle.
Selon le créateur de Rendez-vous Détroit et de la visite guidée bilingue The Detroit French History Cruise, John Cooper, l’État du Michigan compte environ un million de personnes qui ont des origines familiales francophones, même si la majorité a perdu la langue il y a plusieurs générations.
La communauté francophone de Détroit se caractérise également par sa grande diversité, souligne Mélissa Baril. Au-delà des expatriés français et des Haïtiens, elle observe une immigration significative venant de l’Afrique francophone. Les Québécois, en revanche, ont tendance à «passer un peu sous le radar» et sont plus difficiles à «aller chercher», selon son expérience.
Créer des passerelles
Opérer dans un environnement où le français n’a pas de reconnaissance légale représente un défi. «Ce n’est pas un enjeu comme au Canada. Il n’est pas question de langue officielle, il n’est pas question officiellement de minorité linguistique», développe Mélissa Baril.

Mélissa Baril collabore avec des organismes locaux pour préserver et promouvoir les héritages de la francophonie locale, notamment auprès de la jeunesse.
Cela nécessite d’être «plus créatif sur la partie très positive et de valoriser les communautés», remarque-t-elle. Après avoir constaté la richesse des francophones qui l’entourent, Mélissa Baril veut attirer l’attention des institutions du Michigan pour mettre en valeur une francophonie «plus diversifiée et plus locale». Notamment pour améliorer l’intérêt envers la langue de Molière chez les jeunes.
«Apprendre le français, ce n’est pas juste penser aux stéréotypes français de Paris. Ce n’est pas ça aujourd’hui, être francophone, insiste-t-elle. C’est important de montrer que la francophonie, elle existe aussi aux États-Unis.» Cela a d’ailleurs été une grande découverte pour elle à son arrivée à Détroit.
On faisait vraiment un focus sur le français de France, avec des voyages en France, alors que c’est très rare qu’on ait une représentation de la francophonie d’ici.
Au-delà des frontières de l’État, Mélissa Baril aimerait développer des partenariats avec les écoles d’immersion et les écoles francophones de l’Ontario. Notamment à Windsor, Sarnia et London, afin de créer davantage de passerelles entre les communautés éducatives. Elle invite les acteurs concernés à se manifester : «Sachez qu’on est ouvert à créer davantage de passerelles entre nos communautés.»
À lire aussi : Il y a 100 ans, le français subissait l’omerta en Louisiane
À quoi attendre?
Bonjour Détroit a organisé le 24 juin dernier un évènement à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste, dans un restaurant canadien connu pour sa poutine.
Mélissa Baril ajoute que l’association envisage aussi de projeter un documentaire québécois sur les racines francophones de Détroit, sous-titré en anglais, pour une meilleure accessibilité.